CULTURE- PRSONNALITES—BAYA (ARTS
PLASTIQUES)
Orpheline dès l’âge de cinq ans, Fatma Haddad
(1931- 1998) – elle se choisira très tôt elle-même le nom d’artiste de Baya –,
est remarquée à l’âge de onze ans par Marguerite Caminat,
une femme venue en Algérie en 1940 pour fuir la France occupée. Celle-ci prend
l’enfant sous son aile, embauche une institutrice qui lui apprend à lire et à
écrire – tout en l’encourageant à conserver et à développer son patrimoine
culturel algérien auprès de familles musulmanes de ses amis –, et c’est chez
elle, avec ses pinceaux et couleurs, que Baya se met à peindre. Le galeriste
Aimé Maeght, qui avait découvert son talent au cours
d’un voyage à Alger, lui organise une première grande exposition à Paris dès
1947 : Baya éblouit les amateurs d’art et entre de plainpied
sur la scène artistique, légitimée par de grands personnages tutélaires dont
André Breton – non sans ambivalence, entre curiosité pour une artiste en
devenir et paternalisme, en une approche de l’altérité empreinte
d’orientalisme. Dès l’été 1948, Baya revient en France pour réaliser des
sculptures ; sa créativité dans le travail de l’argile est remarquée par Picasso,
dans l’atelier de céramique Madoura de Vallauris.
Grâce à sa mère adoptive et à d’autres soutiens influents dont le poète Jean
Sénac, Baya demeure sur la scène artistique jusqu’à la période de la guerre
d’Indépendance (1954-1962). Mariée en 1953 au musicien El Hadj Mahfoud Mahieddine, elle s’arrête de peindre pour se consacrer à sa
vie familiale (elle aura six enfants). En 1962, et c’est sans doute le plus
remarquable après ce « retour à l’ordre », elle trouvera la force de reprendre
son travail artistique, avec l’aide primordiale du peintre Jean de Maisonseul, nouveau directeur du Musée national des
Beaux-Arts d’Alger, qui expose ses œuvres dès 1963 et en acquiert certaines qui
font encore la fierté de ce musée. Malgré sa personnalité discrète, contrastant
avec une scène artistique tumultueuse qui opposait à Alger différents courants
et leurs représentants, Baya fraya son propre chemin, en participant à des
expositions collectives et en bénéficiant de nombreuses expositions
personnelles, principalement dans la capitale, où elle montra ses œuvres
presque tous les ans. Elle fut en 1967 de l’aventure du groupe Aouchem (Tatouages), fondé par Choukri Mesli
et Denis Martinez, qui entendait connecter l’art contemporain aux sources de
l’art africain et au répertoire formel transmis par les arts populaires du
Maghreb. Consacrée comme l’une des pionnières de l’art algérien, elle obtint en
1969 le Grand Prix de peinture de la ville d’Alger. Baya continua de travailler
en faisant évoluer sa peinture, et sa production prolifique fut appréciée à l’international.