INFORMATIQUE- OPINIONS ET POINTS DE VUE- PAIEMENT (COMMERCE)
ELECTRONIQUE/YOUNÈS GRAR
E-paiement ou Commerce électronique, Younès Grar,
consultant en TIC à El Moudjahid : «Absorber une
partie de l’informel»
© Samia Boulahlib /El Moudjahid, jeudi 11/8/2022 (Extraits)
El Moudjahid
: A la lumière de la loi de finances complémentaire pour l'année 2022, les
commerçants sont sommés d’utiliser les instruments de paiement électronique, au
niveau des espaces commerciaux, avant le délai fixé au 31 décembre 2023. Quels
sont les moyens qu’il faut mettre en place pour généraliser cette technologie ?
M. Grar : D’abord, il faut se rendre à l’évidence que
si le paiement électronique ne suscite pas d'engouement, c'est dû au fait que
le marché informel s'accroît, de plus en plus, et que le problème de liquidités
se pose au niveau des banques et des bureaux de postes.
Le chiffre de l’informel évalué à plus 90 milliards de dollars, avancé par le
président de la République, Abdelmadjid Tebboune, il
y a quelques mois, est un chiffre très important. C’est presque un État
parallèle. Ceci est dû au fait que les gens sont habitués à effectuer leurs
transactions commerciales en cash. Ce qui alimente l'informel.
La solution est d’aller vers l’éradication du marché informel, et encourager
les gens à aller vers le paiement électronique. Il existe deux types de
paiement : il y a le paiement électronique à travers les sites web et les
applications mobiles, et il y a le paiement électronique à travers les TPE
(terminaux de paiement électronique) introduits au niveau des espaces
commerciaux.
Pour le premier type de paiement électronique, les chiffres montrent qu’il y a
un certain engouement, voire une certaine croissance, due au confinement, liée
à la crise sanitaire, marquée par la pandémie du Covid-19. Les gens étaient
contraints de payer leurs factures, que ce soient celles liées aux
télécommunications, que celles liées au gaz, électricité et eau. Mais, nous
avons constaté que le nombre de transactions commerciales enregistrées il y a
une année et demie, représente 5 ou 6 fois plus que le nombre de transactions
qu’il y a eu trois ans auparavant. Donc, nous avons constaté une croissance
importante, mais il faut savoir que la plupart des transactions électroniques
sont liées au paiement des télécommunications (recharge de cartes des
opérateurs mobiles, recharge de l’ADSL internet d’Algérie Télécom). Une partie
représentant moins de 10 % est liée à la facture de paiement d’énergie et d’eau
et certaines factures pour des sites commerciaux.
Le nombre de TPE reste timide. Sur plus 2 millions de commerces dans le pays et
qui sont susceptibles de placer un TPE, l’on enregistre moins de 50 000 de TPE
placés par des commerçants. Normalement tous les commerçants doivent effectuer
leurs activités en TPE, pour permettre à leurs clients de payer
électroniquement leurs dépenses. Mais, on doit se rendre à l’évidence que trois
ans après le lancement de cette technologie, il y a peu d’engouement de la part
des Algériens.
Quel bilan faites-vous sur la croissance annuelle du paiement par internet
en Algérie (ouverture de l'activité aux développeurs et start-up, intégration
de marketplaces… destination des clients et des commerçants. Pourriez-vous
faire un état des lieux et nous donner les perspectives et les attentes dans ce
domaine ?
Le paiement électronique adopté par l’Algérie, ne peut être que bénéfique que
ce soit pour les consommateurs, les entreprises ou différents opérateurs. Le
fait de développer des applications ou mettre à la disposition des
consommateurs des TPE et tout ce qui va avec, nécessité des entreprises de
développement, des start-up, etc., Donc il y aura des créations d’emplois,
création de valeur ajoutée et un certain dynamisme au niveau activité de
numérisation, puisque le paiement électronique touche tous les services (on
paye pour avoir un service, on paye même pour son permis de conduire, ou sa
carte identité, ou bien ses frais de scolarité…).
Le e-paiement touche tous les secteurs, pour peu qu'on développe des
plateformes qui donnent accès à ces services électroniques. Toute cette
activité et tout cet écosystème va faire travailler beaucoup de personnes et va
créer beaucoup d’entreprises pour faire survivre toutes ces opérations dans
l’intérêt de notre économie. D'un autre côté, le paiement électronique, permet
au consommateur de lui faciliter la tâche, en lui faisant éviter les déplacements
pour le retrait d’argent, payer le commerçant en effectuant ses transactions
facilement pour avoir son produit à domicile.
Il ne faut pas omettre aussi, tout ce qui est logistique (transport de
marchandises) qui permet de dynamiser cette activité et créer de nouveaux
emplois. Pour le consommateur, il utilise moins de liquide et donc il évitera
beaucoup d’agréments tels que le problème de faux billets, billets déchirés
irrécupérables, et bien d’autres risques, tout comme les erreurs de comptage, vol,
etc.
Si l’État veut encourager le paiement électronique, normalement celui qui paye
par la voie électronique a la possibilité de gagner des remises comme c’est le
cas d’un client qui assure électroniquement son véhicule. Le paiement
électronique peut régler le problème de manque de liquidités que connaissent
fréquemment les bureaux de postes, mais aussi, il règle le problème du marché
informel.
Quelles mesures faut-il pour la généralisation des Terminaux de paiement
électronique (TPE) ?
Pour ce qui est de la généralisation des TPE (Terminal de paiement
électronique), ce sont les mêmes erreurs qui se répètent, et à chaque fois on
est devant le même constat. Cela dit, une question qui mérite d’être posée est
la suivante : pourquoi ne peut-on pas distribuer les TPE au niveau des
entreprises ?
Premièrement les TPE sont assez chères. Un commerçant
ne peut pas acheter un TPE à 50 000 ou à 100 000 dinars. Donc c’est une charge
en plus pour lui. Deuxièmement, les gens sont habitués à travailler avec
l’argent liquide, car ils estiment que c’est plus sûr pour eux, et, pour
certains, c’est une manière de fuir les impôts. Le fait de mettre en place un
TPE, cela veut dire que toutes les rentrées de paiement se font à travers les
banques et le commerçant a peur d’être taxé. Et même s’ils ont un TPE, il va
chercher mille prétextes pour ne pas l’utiliser, en disant soit qu’il ne
fonctionne pas, soit que le réseau n’est pas en service etc., et ce, pour
éviter d’aller sur le circuit officiel.
Et là, il faut des mesures d’intéressement qui devraient toucher les commerçants,
mais aussi les consommateurs. Aujourd’hui, le consommateur préfère payer en
liquide et éviter de payer à travers un virement ou un chèque. Cela est devenu
monnaie courante, et cette pratique touche tous les Algériens et même les
responsables. Maintenant, il faut savoir les raisons de l’utilisation du
liquide qui est due, premièrement à la TVA qui est assez importante pour le
consommateur. Donc pour régler ce problème, il faut réduire la TVA pour, au
moins, une période de sensibilisation au profit des consommateurs, afin de les
encourager à adopter la culture de paiement électronique. Il faut mettre la TVA
à zéro pour cent pour éviter au consommateur d’aller vers l’informel.
Pour les commerçants, on pourrait leur proposer des exonérations de taxes pour
toutes les transactions faites électroniquement pendant un an ou deux ans. Et
même allez plus loin, pour dire que tous les chiffres d'affaires que vous
faites électroniquement, ne seront pas taxés et si vous atteignez un objectif
vous aurez une réduction sur forfait (bonus). Cela permet d’absorber une partie
de l’informel. Ce sera un acquis pour les banques et les circuits officiels. Si
on arrive à absorber 10 % de l’informel à travers le paiement électronique, cela
veut dire qu’au bout d’une année, ou deux, on peut gagner environ 9 milliards
de dollars au niveau des banques qui ne seront pas obligées d’aller vers
l’impression de nouveaux billets. En outre, il faut régler les problèmes
techniques (infrastructures réseaux) mais aussi, assurer, la sécurité
informatique, et créer un environnement de confiance au profit du consommateur
et du commerçant, afin de pouvoir instaurer une culture de paiement
électronique. Autre chose, prétendre atteindre, par exemple, un million de
clients en TPE d’ici la fin 2023, est quelque chose d’irréalisable, il vaut
mieux s’attaquer aux grands commerces et grands utilisateurs de liquidités au
profit du Trésor public.
Quel
est le nombre de cartes interbancaires émises au terme de l'année 2022 par
rapport à 2021 ?
Concernant les derniers chiffres réalisés dans le domaine des transactions
électroniques on remarque qu’il y a une certaine stagnation. C’est à peu près,
un montant évalué à moins de 150 milliards de centimes de transaction par mois,
c’est très peu pour un pays de 40 millions d’habitants.
Mais, le gouvernement a tracé des objectifs pour relever le défi, notamment à
travers les transactions TELECOM qui ont la part du lion, les grands facturiers
tout comme l’ADE (Algérienne Des Eaux) Sonelgaz, Air Algérie et certaines entreprises
et administrations.
Concernant les TPE, d’après les chiffres qui sont publiés par Gie monétique, le parc de TPE en Algérie est minime, par
rapport aux besoins réels du marché et ce, au vu du nombre de commerçants
déclarés et des populations qui détiennent les cartes interbancaires. L’on a
enregistré un peu plus de 40 000 TPE sur le territoire national, avec un
montant de transaction mensuel estimé à environ de 170 milliards de centimes,
ce qui est très peu ! Nous avons enregistré 1,5 million de cartes CIB et 10
millions de cartes Edahabia. Mais normalement, les
différentes banques et Algérie Poste peuvent nous renseigner sur le nombre de
cartes qui sont utilisées pour le paiement électronique.