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Kateb Yacine/Mohamed Abbou, Fb

Date de création: 03-08-2022 20:47
Dernière mise à jour: 03-08-2022 20:47
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CULTURE- OPINIONS ET POINTS DE VUE- KATEB YACINE/MOHAMED ABBOU, fb

 

© Mohamed Abbou, fb, mercredi 3 août 2022

 

J'emboite le pas à mon amie Rabia Djelti à l'occasion de l'anniversaire de la naissance de Kateb Yacine en publiant un extrait du texte que je lui ai consacré en 2009 en marge de la rencontre organisée ,en octobre,par la compagnie Gosto Théâtre :

Le 23 février 2005 à Tunis les travaux d'un colloque consacré à "Kateb Yacine, un écrivain au cœur du monde" se terminaient sur cette question : Quelle est aujourd'hui l'actualité de Kateb Yacine?

Et de fait le débat sur le théâtre et sur l'œuvre de Kateb Yacine est d'abord un débat sur nous-mêmes.

Replonger dans un lac d'intelligence, ce n'est pas renoncer à son présent, c’est au contraire l'immerger dans le terreau de son propre génie pour le vivre plus intensément.

La reprise critique d'un héritage fondateur doit non seulement le régénérer mais le lancer à la conquête de nouveaux horizons.

Alors,que reste-t-il du combat de celui qui voulait "apprendre aux autres la liberté " ?

De cette œuvre qui étonnait les mots de ce qu'elle arrivait à leur faire dire.

De ce verbe sagace qui faisait "fleurir l'espoir dans les ruines".

De l'amour qu'à mobilisé celui qui "les yeux fermés n'a jamais cessé d'écrire ".

De cette voix insolente 'du paladin solitaire qui ne cesse de dire bonjour à ses vieux copains et qui,chaque soir, s'attend à ce que montent les chants infernaux" en écho aux hurlements indécents des parvenus.

Du bonjour qu'il n'a cessé d'adresser aux horizons lourds".

Lourds de l'oubli,lourds des meurtrissures d'un cœur mordu,lourds des relents "d'un jardin qui pourrit".

Comment demander décemment à Kateb Yacine de faire des bouquets de fleurs qui ne poussent plus dans nos écoles ?

Comment peut-il sublimer des envies de vivre qui désertent, chaque jour,les chaumières "que ne visite plus l'oiseau des tropiques"?

Mais la mission...parcequ'impossible ne peut être que sa mission,car les poètes n'ont jamais cessé de dire "qu'il faut rêver la vie,pour vivre le rêve ".

"Vingt ans de pensée philosophique ! se lamente Nuage de fumée, cinquante ou cent volumes sont sortis de ma tête...et nul n'a eu l'idée de les écrire à ma place..."

N'est-ce pas parceque chacun s'est "laissé prendre à la paille dorée du Sultan" et s'est "dévoré lui même par une autre bouche ".

Alors,quand le théâtre mettra-t-il l'histoire au chevet du présent ?une histoire qui va au delà de la simple démarche mémorielle, une histoire qui "problématise " les réalités sociales dont elle est faite.

Ne doit-il pas retrouver sa violence constitutive pour incarner le drame de l'homme qui vit aujourd'hui et dénuder les tensions de son expérience sociale ?

Ne peut-il fabriquer à la vie un sens que ne lui fournissent plus les Institutions qui se sont émancipées de la société ?

La scène doit prendre le pouls de la respiration sociale ,ce souffle intime et désemparé de ceux à qui on dit souvent qu'ils n'ont rien à dire.

La scène doit donner une voix au silence de leur "patrimoine" et adopter le langage de leur espoir pour le dire...Le danser...le crier.

C'est sur scène que ceux qui ne sont rien apprennent à déserter les chemins balisés qu'on veut leur faire prendre pour la vie et qu'ils opposent une résistance à la colonisation de leurs imaginaires.

C'est sur scène que "le moindre mot pèse plus qu'une larme ".

Dès lors le souvenir de Kateb Yacine ne doit pas être l'occasion de sécher des émotions mais de libérer leur cri.

Un cri attendu face au harcèlement aliénant d'un présent qui dilapide l'héritage culturel dans des spectacles d'occasion et des postures ridiculement épiques.

Face au délitement politique et moral qui transforme l'espace commun en marché de l'opportunisme et de la liberté soudoyée.

Dans la polyphonie informationnelle et dans l'éclairage équivoque de la civilisation des médias le théâtre doit demeurer "le piège qui enfermera la conscience du roi et reflétera les envies et les problèmes du Public ".