COMMUNICATION- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RECUEIL
CHRONIQUES BELKACEM AHCENE DJABALLAH- « POINGS DE VUE »
« Poings » de vue, Chroniques et écrits de
presse, de Belkacem Ahcène Djaballah :
pour un journalisme exemplaire
© Jacqueline Brenot/Le Chélif ,
hebdomadaire du Cnetre-Ouest ), lundi 25 juillet 2022
Écrire n’est pas aisé, pour le dire vite lorsqu’on évoque l’écriture de
presse par les temps de crises complexes traversées par les médias sur le plan
international depuis au moins deux décennies. « L’émergence et l’invasion
internet n’a fait qu’accélérer la descente aux enfers », le rappelle
l’auteur de ces recueils de « Chroniques et écrits de presse », aux
ouvrages et articles considérables, dans une récente interview (1). Il faut la
connaissance, le sens du décryptage et le talent de ce spécialiste de la presse
algérienne, journaliste indépendant, ancien professeur associé à l’Université
d’Alger, pour continuer de défendre avec ce récent et onzième ouvrage les valeurs
intrinsèques du journalisme.
Le diagnostic d’une « crise de la presse » est
un lieu commun largement partagé. Depuis longtemps, les experts alertent sur la
mort annoncée de la presse quotidienne due à un cumul de facteurs tant
endogènes qu’exogènes.
Avec ce recueil préfacé par Ahmed Cheniki et
postfacé par Tayeb Kennouche, il sera intéressant de cerner à travers
quelques-unes de ces 150 chroniques, études, analyses, déjà publiées dans la
presse nationale, un relevé descriptif sur la vie et l’évolution sociale,
culturelle et politique de la société algérienne, une trame pour mieux scruter
les causes et les effets de ces « bruissements du monde » en « fragments
et courts textes » et des constats tirés d’une actualité
foisonnante d’informations.
D’avril 2001 à janvier 2022, l’ouvrage propose un panorama de l’état journalistique,
à travers une série de sujets plutôt polémiques en lien avec les informations
du moment. Dès le début, un aperçu pas piqué des gazettes de 2001, à propos des
élections législatives et municipales imminentes et du « branle-bas » dans « la
presse d’opposition et dans les journaux proches du pouvoir » où
les « hommes politiques sont le plus prolifiques »,
quelques phrases donnent la note aiguë : « Certains parmi les plus
créatifs en interdictions oublient qu’en Algérie bien que la Mémoire soit défaillante
ou pardonne… on n’oublie jamais. Hier, c’est toujours aujourd’hui »,
doublée d’une mise en garde : « Alors, MM. Les homo-politicus, faites gaffe, et soyez démocrates ! ». Dans
ces chroniques en forme de bilan ouvert, la liberté d’expression du journaliste
ne quitte pas le ring de la scène économique et sociale et malgré le sérieux du
sujet, les gants de boxe fétiches d’un certain comique de sketchs des années 80
semblent accompagner les crochets et uppercuts de sa plume insolente. La
chronique « Des présidents fous, fous, fous… » du16
avril 2001 ne s’en prive pas au sujet de la gravité et du pessimisme instaurés
par les dirigeants internationaux, jusqu’à les inciter à un style plus enthousiaste
puisque, selon la vox populi, ils seraient « de joyeux et gais lurons
qui n’en ratent pas une » dans leur vie privée. Et ce n’est pas
le ton des chroniques suivantes acérées qui nieront ce choix avec ces titres :
tragi-comique : « Très tard, trop tard,
Monsieur ! » ; shakespearien : « Lobbies or not
lobby » ; italien : « Le cinéma, c’est (déjà)
fini !» ; commedia dell’arte : « Du bon usage de la
« Brosse », et ceux de plus en plus mordants et décapants
qui se ramassent à la pelle, au fil, plutôt au vif, de dérives scrupuleusement
disséquées et autopsiées, pour rester dans la nuance. Avec « Faut-il
en rire ? Ou Pleurer ? » (7 mars 2020) au sujet
de la demande officielle d’« une
université « non mixte », ou nombre de controverses sur des
sujets brûlants en cours durant le hirak, sont passés
au crible. Assez récemment, avec « Journalisme : Hier, aujourd’hui
et demain ? (3 avril 2021) » des « leçons de
journalisme » viennent du Kenya, par la suspension de la radio
concernée et des excuses adressées par les journalistes mis en cause pour excès
de sexisme.
L’originalité de l’auteur réside aussi dans le fait qu’il ne tient pas une
feuille de route. Il relaie les informations du moment non sans les avoir passer au crible, et bataille avec les réalités quotidiennes
et idées en relais qui, selon son analyse, font entrave à une émancipation
générale. Il va là où ça le mène, toujours analyste sévère, parfois avec
fracas, souvent avec dérision et cynisme, contre une vue prémâchée du monde.
Sous sa loupe pointée d’enquêteur en mal d’indices, rien, ou peu, ne lui
échappe dans la cacophonie de ladite « actualité » et
les excès de certains journalistes, notamment sportifs. Que ce soit avec la
sélection nationale de football qui anticipe tôt sur la victoire, comme dans
d’autres secteurs : « Éducation, Industries, Commerce, Agriculture… ».
Pour ce fervent de l’organisation « dans le respect des lois, des
règles et des normes établies » … un constat : « Continuité
et innovations ? Le maître-mot de toute politique. »
A chaque chronique son pesant d’exclusivités en forme de points,
plutôt « poings » sur les i, d’« asymétrie
des idioties » ou de « rasoir d’Ockham » à
découvrir comme des billets d’humeur très sarcastiques sur l’Histoire factuelle
et immédiate, espèces de friandises au poivre pour lecteur averti! Les temps du
journalisme sont durs pour cet homme brillant et exigeant ayant occupé des
postes à haute responsabilité, dont Directeur de la Documentation et des
Publications au Ministère de l’Information et de la Culture, Directeur de
l’ANEP, Directeur de l’APS, Membre supérieur de l’Information, et bien d’autres
fonctions et missions.
Pour les chroniques plus récentes et très va-t-en-guerre, les sujets variés
abondent, ainsi celle du 19 décembre 2020, avec « La besace d’Esope » l’auteur
vise le « réveil » de la Cour des Comptes qui, dans
ses conclusions, s’en prend aux « incompétences » sur
les délais et achèvement des projets d’investissement. Ce seront aussi des
cibles très médiatisées, comme « Trump Donald-Pan ! (9 janvier
2021) » ces « gendarmes du monde » doublés
de « moralisateurs » sur fond de culture « westernisée avec son cow-boy toujours armé », atteints
du syndrome de Peter Pan ou « retard dans le développement
émotionnel ». Sans parler des questions plus impérieuses de gestion
d’eau et de barrages, ou comme « Les « envasés » (17
juillet 2021), ou d’un autre « maudit virus » qui « a
touché les pans les plus sacré de la vie économique et sociale » dans « Corruption
: l’autre « sport de masse » (25 décembre 201). A l’occasion
des entraves de la Covid-19, l’auteur ne craint pas d’aborder des sujets de
société épineux, mais toujours avec mesure et responsabilité en citant ses
sources.
L’éventail des critiques est assez large pour que chaque individu avisé se
sente concerné par le sujet et conscient des maux actuels des sociétés,
augmentés des dérives excessives de la communication et d’un professionnalisme
aléatoire.
On l’aura compris, dans la quête incessante de visibilité des faits, ce
spécialiste et Consultant en communication affranchi du ton de donneur de
leçons, sans idéologie préétablie comme en attestent ses articles, « dans
une irréprochable neutralité » suivant le sociologue
Kennouche Tayeb, sans s’enfermer dans des positions qui conduisent à des débats
picrocholins, mais en privilégiant les références historiques et littéraires,
d’une impérieuse exigence journalistique, d’une éthique évidente dans la
transmission rationnelle des faits et décisions du moment, une proximité
confiante et lucide demeure avec ses lecteurs. Grâce à ce genre d’ouvrage rare,
cette lecture en relief et à la loupe de nos modes de vie nous donnera un champ
visuel plus adapté.
(1) Interview à El-Watan-dz du 03/04/2022
« Poings » de vue (Chroniques et écrits de presse) de Belkacem Ahcène-Djaballah/ Préface de Ahmed Cheniki,/ Postface de Tayeb
Kennouche/ El Qobia Editions – Alger , février 2022