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Essai Benamar Mediène- "M'hamed Issiakhem , ma main au feu....Portrait à l'encre

Date de création: 12-07-2022 13:21
Dernière mise à jour: 12-07-2022 13:21
Lu: 674 fois


CULTURE – BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI BENAMAR MEDIÈNE- « M’HAMED ISSIAKHEM.MA MAIN AU FEU....PORTRAIT A L’ENCRE »

M’hamed Issiakhem.Ma main    au feu.....Portrait à l’encre. Essai de Benamar Médiène. Casbah Editions, Alger 2022, 335 pages, 1 500 dinars

 

« Avec Issiakhem, le contrat était clair : on parle, on n’interroge pas » (B.Mediene, p 205). C’st ce qui fait un peu ou beaucoup, la trame de l’ouvrage dans lequel l’auteur ,proche  et ami de l’artiste et faisant partie depuis bien longtemps des proches et même des intimes  s’est contenté d’écouter et d’analyser aussi bien le personnage et, surtout ses œuvres, car c’est à travers les créations artistiques que la vie et les sentiments d’Issiakhem ont eté les plus  perceptibles ...visibles. C’est, aussi, à travers l’histoire de la vie du maître que la peinture universelle et algérienne nous est présentée , avec des échappées montrant la vie culturelle , intellectuelle et médiatique du pays.

Mais qui est donc M’hamed Issiakhem, cet artiste iconique dont les œuvres sont parmi les plus recherchées....en Algérie et à l’étranger.

 Mohamed, dit M’hamed Issiakhem, est né à Aït Djenad en Kabylie, en 1928.

Il passe son enfance à Relizane. C’est là qu’en 1943, il manipule une grenade ramassée dans un camp militaire américain, dont l’explosion provoque la mort de deux de ses sœurs et d’un neveu. Après deux années d’hospitalisation et plusieurs opérations chirurgicales, il se voit, quant à lui, amputer de l’avant-bras gauche.

À la fin des années 1940, M’Hamed Issiakhem s’inscrit à la Société des beaux-arts d’Alger. Jusqu’en 1951, l’élève du miniaturiste Omar Racim suit les cours de l’École des beaux-arts d’Alger avant de faire la rencontre de Kateb Yacine. À Paris, où il retrouve l’auteur de Nedjma, M’Hamed Issiakhem expose à la galerie André Maurice et entre à l’École supérieure des beaux-arts de Paris. Boursier de la Casa Velasquez à Madrid, en 1962, il préfère retourner en Algérie, indépendante depuis juillet de la même année. À nouveau en compagnie de Kateb Yacine, il rejoint le quotidien « Alger Républicain », où il passera deux années en tant que dessinateur.

Plus tard professeur aux beaux-arts d’Alger et d’Oran, l’artiste a réalisé de nombreuses expositions en Algérie et à l’étranger avant de se voir décerner le premier Simba d’Or de la peinture, une distinction de l’Unesco pour l'Afrique remise en 1980.

Il est décédé le 1er décembre 1985.

 Membre du groupe des 35, il réalise, entre autres, l'illustration de Nedjma de Kateb Yacine en 1967 et assure des décors de films.

Il reçoit de nombreuses distinctions (Casa Velasquez en 1958, médaille de la FIA en 1973, Unesco 1980, médaille du Vatican en 1982, médaille de Dimitro en 1983). Marié en 1971,  il a deux  garçons, Younès et M'hamed.

Il meurt à Alger dans la nuit du 1er décembre 1985 d'un cancer.

Il recevra, à titre posthume, le 5 juillet 1987, la médaille du mérite national.

M'hamed Issiakhem a laissé une oeuvre considérable  (une exposition au MAMA d'Alger (musée) en novembre-décembre 2010 a regroupé près de 140 tableaux provenant , pour la plupart de collections privées, Issiakhem , qui a toujours rejetté la marchandisation de l'œuvre culturelle, ayant vendu rarement ses tableaux , les ayant toujours offertes aux amis et camarades et à ceux qui l'aidaient et soutenu  en tant que de besoin) . Peintre à l'expressionnisme abstrait, la femme reste sa principale source d'inspiration ("femmes-symboles et non icônes", selon Anissa Bouayad) et c'est dans son histoire tragique qu'il va puiser la sève nécessaire à sa verve créatrice. 

 

 

 

 

 

L’Auteur : Docteur habilité en sociologie et histoire de l’art, il a enseigné aux Universités d’Oran et d’Aix en Provence. Auteur de plusieurs ouvrages dont « Kateb Yacine, le cœur entre les dents »  (voir plus bas)

Table des matières : 40 chapitres+22 pages de reproductions en  couleurs de tableaux du maître

Extraits : « Il (Issiakhem) vit et peint dans une espèce de transe intérieure, porté par l’audace de la récidive, freiné par la peur, il descend au fond de lui-même , tend le pinceau, pose une touche sans ombre, ni contour, ni détail superflu et, enfin, donne vie à ce qui, quelques minutes auparavant , n’existait pas  »  (p38), « Une Compagnie théâtrale  au milieu de la steppe (note : Tenira) devient une espèce d’allégorie de la culture algérienne : une scène où la réalité et l’absurde se coagulent » (p 44), « Issiakhem et Kateb pratiquaient la politique comme un art du scandale, notamment dans les réunions publiques dites culturelles (....).Ils n’étaient pas dupes et ne se faisaient aucune illusion, mais un coup de gueule fait sacrément bien et donne soif  »  (p 59) « Dès les premiers jours de l’indépendance, encore à Paris, Issiakhem, Kateb et d’autres compagnons ,avaient compris que les grands bénéficiaires de la paix, les futurs conducteurs de l’Etat et du Parti n’étaient pas ceux qui avaient fait la guerre  , mais ceux qui l’avaient gérée, à bonne distance de la ligne de front » (p 288), « Une Cinquième saison existe (« découverte, inventée ou rêvée par un sage et bon romancier d’Albucius Silus, contemporain de Jules César) ... C’est la saison où tous les matins du monde sont sans retour et où l’on peut y voir l’autre côté de l’arc-en-ciel, c’est la saison de la création , de l’art, de tous les arts »  (p335)

Avis :Toute la vérité, rien que la vérité en une écriture étourdissante de maîtrise et d’émotion.....pour une lecture qui met le feu au cœur du lecteur. Un livre-clé pour  bien , plus et  mieux  connaître M’hamed Issiakhem et son œuvre et se plonger dans l’univers encore bien mystérieux  pour les Algériens, nos élites y compris, de la peinture nationale.

Citations : « Un pays sans peintre, sans poètes.....un pays sans artistes est un pays mort....J’espère que nous sommes vivants ! » (M. Issiakhem, p 49), « Les artistes sont des philosophes silencieux, leurs pensées sont des formes sans fin,des images poétiques, des nuages gorgés de pluie qui voltigent (...). L’homme , ses pensées, ses questions, ses désirs, ses songes, ses peurs, sont la matière invisible, impalpable, mais nécessaire à leur métier, comme l’air et l’eau » (p148) , « Un tableau n‘est jamais muet, à condition, bien sûr, de tendre l’œil, de voir et d’écouter son langage » (M.Issiakhem, p156), « Issiakhem habite un enfer où il faut faire feu de tout bois et c’est lui-même qu’on voit se brûler , d’un bout à l’autre de son œuvre. Sa force vient de son malheur, et son malheur vient de sa force » ( Kateb Yacine, p 164), « Le hammam fut ma première académie de peinture, mon atelier de nus, mon musée vivant . Garçon de bains était un  travail de forçat, mais j’avais l’impression d’apprendre des leçons d’anatomie, dont j’étais à la fois le maître et l’élève »(M. Issiakhem, p170), « La peinture d’Issiakhem, la poésie de Kateb, forment un archipel, des presqu’îles, des poussières d‘îlots, des récifs saillants, soudés au même socle des profondeurs » (p 233), « Le bruit de bottes et le cliquetis des armes est toujours une mauvaise musique de fond pour celui qui écrit, peint, chante ou filme » (p293)