CULTURE – BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI BENAMAR MEDIÈNE-
« M’HAMED ISSIAKHEM.MA MAIN AU FEU....PORTRAIT A L’ENCRE »
M’hamed Issiakhem.Ma main
au feu.....Portrait à l’encre. Essai de Benamar Médiène. Casbah Editions, Alger 2022, 335 pages, 1 500
dinars
« Avec Issiakhem,
le contrat était clair : on parle, on n’interroge pas » (B.Mediene, p 205). C’st ce qui fait un peu ou beaucoup, la trame de l’ouvrage
dans lequel l’auteur ,proche et ami de l’artiste
et faisant partie depuis bien longtemps des proches et même des intimes
s’est contenté d’écouter et d’analyser aussi bien le personnage et, surtout ses
œuvres, car c’est à travers les créations artistiques que la vie et les
sentiments d’Issiakhem ont eté
les plus perceptibles ...visibles. C’est, aussi, à travers l’histoire de
la vie du maître que la peinture universelle et algérienne nous est présentée , avec des échappées montrant la vie culturelle ,
intellectuelle et médiatique du pays.
Mais qui est donc M’hamed
Issiakhem, cet artiste iconique dont les œuvres sont
parmi les plus recherchées....en Algérie et à
l’étranger.
Mohamed, dit M’hamed Issiakhem, est né à Aït Djenad en Kabylie, en 1928.
Il passe son enfance à Relizane. C’est là qu’en 1943,
il manipule une grenade ramassée dans un camp militaire américain, dont
l’explosion provoque la mort de deux de ses sœurs et d’un neveu. Après deux
années d’hospitalisation et plusieurs opérations chirurgicales, il se voit,
quant à lui, amputer de l’avant-bras gauche.
À la fin des années 1940, M’Hamed Issiakhem s’inscrit à
la Société des beaux-arts d’Alger. Jusqu’en 1951, l’élève du miniaturiste Omar
Racim suit les cours de l’École des beaux-arts d’Alger avant de faire la
rencontre de Kateb Yacine. À Paris, où il retrouve l’auteur de Nedjma, M’Hamed Issiakhem expose à la
galerie André Maurice et entre à l’École supérieure des beaux-arts de Paris.
Boursier de la Casa Velasquez à Madrid, en 1962, il préfère retourner en
Algérie, indépendante depuis juillet de la même année. À nouveau en compagnie
de Kateb Yacine, il rejoint le quotidien « Alger Républicain », où il
passera deux années en tant que dessinateur.
Plus tard professeur aux beaux-arts d’Alger et
d’Oran, l’artiste a réalisé de nombreuses expositions en Algérie et à
l’étranger avant de se voir décerner le premier Simba d’Or de la peinture, une
distinction de l’Unesco pour l'Afrique remise en 1980.
Il est décédé le 1er décembre 1985.
Membre du groupe des 35, il réalise,
entre autres, l'illustration de Nedjma de Kateb
Yacine en 1967 et assure des décors de films.
Il reçoit de nombreuses distinctions (Casa
Velasquez en 1958, médaille de la FIA en 1973, Unesco 1980, médaille du
Vatican en 1982, médaille de Dimitro en 1983).
Marié en 1971, il a deux garçons, Younès
et M'hamed.
Il meurt à Alger dans la nuit du 1er décembre
1985 d'un cancer.
Il recevra, à titre posthume, le 5 juillet
1987, la médaille du mérite national.
M'hamed Issiakhem a laissé une oeuvre considérable (une exposition au MAMA d'Alger (musée)
en novembre-décembre 2010 a regroupé près de 140 tableaux provenant , pour la
plupart de collections privées, Issiakhem , qui a
toujours rejetté la marchandisation de l'œuvre
culturelle, ayant vendu rarement ses tableaux , les ayant toujours
offertes aux amis et camarades et à ceux qui l'aidaient et soutenu en
tant que de besoin) . Peintre à l'expressionnisme abstrait, la femme reste sa
principale source d'inspiration ("femmes-symboles et non icônes",
selon Anissa Bouayad) et c'est dans son histoire
tragique qu'il va puiser la sève nécessaire à sa verve créatrice.
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L’Auteur : Docteur habilité en sociologie et
histoire de l’art, il a enseigné aux Universités d’Oran et d’Aix en Provence.
Auteur de plusieurs ouvrages dont « Kateb Yacine, le cœur entre les
dents » (voir plus bas)
Table
des matières :
40 chapitres+22
pages de reproductions en couleurs de tableaux
du maître
Extraits : « Il (Issiakhem)
vit et peint dans une espèce de transe intérieure, porté par l’audace de la
récidive, freiné par la peur, il descend au fond de lui-même , tend le
pinceau, pose une touche sans ombre, ni contour, ni détail superflu et, enfin,
donne vie à ce qui, quelques minutes auparavant , n’existait pas »
(p38), « Une Compagnie théâtrale au milieu de la steppe (note :
Tenira) devient une espèce d’allégorie de la culture
algérienne : une scène où la réalité et l’absurde se
coagulent » (p 44), « Issiakhem et
Kateb pratiquaient la politique comme un art du scandale, notamment dans les
réunions publiques dites culturelles (....).Ils n’étaient pas dupes et ne se faisaient
aucune illusion, mais un coup de gueule fait sacrément bien et donne soif
» (p 59) « Dès les premiers jours de l’indépendance, encore à
Paris, Issiakhem, Kateb et d’autres compagnons
,avaient compris que les grands bénéficiaires de la paix, les futurs
conducteurs de l’Etat et du Parti n’étaient pas ceux qui avaient fait la
guerre , mais ceux qui l’avaient gérée, à bonne distance de la ligne de
front » (p 288), « Une Cinquième saison existe (« découverte,
inventée ou rêvée par un sage et bon romancier d’Albucius
Silus, contemporain de Jules César) ... C’est la
saison où tous les matins du monde sont sans retour et où l’on peut y voir
l’autre côté de l’arc-en-ciel, c’est la saison de la création ,
de l’art, de tous les arts » (p335)
Avis :Toute la vérité, rien que la vérité en une
écriture étourdissante de maîtrise et d’émotion.....pour une lecture qui met le
feu au cœur du lecteur. Un livre-clé pour bien ,
plus et mieux connaître M’hamed Issiakhem et son œuvre et se plonger dans l’univers encore
bien mystérieux pour les Algériens, nos élites y compris, de la peinture
nationale.
Citations : « Un pays sans peintre, sans poètes.....un pays sans artistes est un pays
mort....J’espère que nous sommes vivants ! » (M. Issiakhem,
p 49), « Les artistes sont des philosophes silencieux, leurs pensées sont
des formes sans fin,des
images poétiques, des nuages gorgés de pluie qui voltigent (...). L’homme , ses pensées, ses questions, ses désirs, ses
songes, ses peurs, sont la matière invisible, impalpable, mais nécessaire à
leur métier, comme l’air et l’eau » (p148) , « Un tableau n‘est jamais
muet, à condition, bien sûr, de tendre l’œil, de voir et d’écouter son
langage » (M.Issiakhem, p156), « Issiakhem habite un enfer où il faut faire feu de tout bois
et c’est lui-même qu’on voit se brûler , d’un bout à l’autre de son œuvre. Sa
force vient de son malheur, et son malheur vient de sa force » ( Kateb Yacine, p 164), « Le hammam fut ma première
académie de peinture, mon atelier de nus, mon musée vivant . Garçon de
bains était un travail de forçat, mais j’avais
l’impression d’apprendre des leçons d’anatomie, dont j’étais à la fois le
maître et l’élève »(M. Issiakhem, p170),
« La peinture d’Issiakhem, la poésie de Kateb, forment
un archipel, des presqu’îles, des poussières d‘îlots, des récifs saillants,
soudés au même socle des profondeurs » (p 233), « Le bruit de bottes
et le cliquetis des armes est toujours une mauvaise musique de fond pour celui
qui écrit, peint, chante ou filme » (p293)