CULTURE- MUSIQUE- ZAHIA
ZIOUANI (CHEF D’ORCHESTRE)
Zahia Ziouani garde toujours ses baguettes près
d’elle. Une dans sa voiture. Une autre à son domicile, pour être «opérationnelle» partout. Quand la cheffe d’orchestre ne
dirige pas dans les salles les plus prestigieuses d’Ukraine, d’Allemagne, des
Etats-Unis, à la Philharmonie de Paris ou à Pleyel, elle travaille à Stains
(Seine-Saint-Denis) où elle a créé son ensemble symphonique en 1998 :
Divertimento, avec 70 instrumentistes.
Cet ancrage en banlieue constitue une fierté pour celle qui a joué pas
moins de quatre fois à l’Elysée, dont la dernière devant Emmanuel et Brigitte
Macron. Sous les ors de la République, on s’est parfois étonné. Elle constate : «L’excellence dans les territoires ne va toujours pas de
soi. Mais pourquoi le fait d’être une femme, issue de la banlieue, d’origine
algérienne, exclurait-il celui de devenir l’une des meilleures cheffes
d’orchestre de France, voire d’Europe ?»
«Mon profil était
surréaliste à l’époque» Zahia Ziouani, 43 ans, a
grandi à Pantin. Arrivé d’Algérie en 1962, son père apprend à lire seul, pousse
la porte des salles de concert, consulte les journaux, prête une oreille
attentive à France-Culture et découvre la musique classique. A la maison, c’est
un bouillonnement de culture. On visite châteaux et musées. On écoute au moins
autant Jacques Brel ou le chanteur kabyle Idir que les symphonies de Mozart et
de Beethoven.
Zahia Ziouani dessine des clés de sol. Sa mère
l’inscrit au conservatoire de Pantin. A 8 ans, elle apprend la guitare, puis
choisit l’alto. Au centre de l’orchestre, entre aigus et graves, elle a une
révélation : elle sera cheffe. Ses professeurs la découragent : ce n’est pas
une profession pour les femmes. Dans les années 1990, le chef d’orchestre reste
un mâle, blanc, âgé, souvent doté d’une barbe, confirme-t-elle. Vienne, par
exemple, interdira ses orchestres aux femmes jusqu’en 1997.
«J’ai grandi avec
des figures de combattantes. Ma grand-mère a été emprisonnée pendant la guerre
d’Algérie. Moi, à embrasser cette profession-là, je ne risquais pas ma vie.»
Auditrice assidue des masterclass de Sergiu Celibidache à Paris – où il n’y a que des garçons –, Zahia Ziouani se fait repérer à 16 ans par l’entourage du
maestro. Un premier stage auprès de son assistant lui donne l’occasion de
rencontrer le chef roumain dont le poster veille sur sa chambre d’adolescente.
Un an et demi de cours intensifs la conforte dans sa vocation, même si
doutes et interrogations la tenaillent.
«Mon profil était
surréaliste à l’époque. Ça a été compliqué de me projeter.»
Mais elle a moins souffert de ses origines que de son statut de femme, et d’arriver
du « 9-3 ». Si elle a dû fonder son propre orchestre, c’est parce qu’elle avait
moins d’opportunités que les hommes de diriger.
Avec Divertimento, elle fait venir les concerts classiques dans des
territoires toujours plus marginalisés. Et participe à la démocratisation de la
musique en ouvrant, notamment, une académie aux débutants. Stimulée par sa
double culture («Je suis 100 % française et 100 %
algérienne»), elle rappelle que Camille Saint-Saëns, compositeur qu’elle chérit
par-dessus tout, s’est inspiré de la musique arabe. Son credo ? Faire du
classique une musique «populaire». Principal obstacle
:
«Je ne reçois pas
les mêmes subventions du ministère de la Culture que mes collègues. On relègue
mes projets à la politique de la ville.»
Pourtant, Zahia Ziouani continue de tracer son
chemin. Après un concert à la Philharmonie de Paris, le 13 juin,
elle sera cet été
sur le tournage de «Divertimento», film de Marie-Castille Mention-Schaar inspiré de sa vie.
Elle enseignera à l’actrice Oulaya Amamra, qui joue son rôle, l’art subtil du maniement de la
baguette. Niels Arestrup, lui, incarnera Sergiu Celibidache. L’aventure la ravit :
«Rendre visible par le cinéma des parcours
Elle a participé à la cérémonie de clôture des Jm
d’Oran (Juillet 2022) en se produisant (deux compositions) avec son orchestre
devant près de 50 000 spectateurs