Ahlem
Gharbi est directrice générale de l’Institut français d’Algérie et conseillère culturelle à
l’ambassade de France à Alger depuis septembre 2021. Elle revient dans cet
entretien sur la coopération culturelle entre l’Algérie et la France et les
projets en cours.
24H Algérie: Comment évolue la coopération culturelle entre
l’Algérie et la France?
Ahlem Gharbi: La pandémie de Covid-19 a eu des effets négatifs sur
le travail de l’Institut français d’Algérie et sur la coopération institutionnelle.
Tout était à l’arrêt, il n’y avait plus de voyages, de missions, d’expertise.
Il était compliqué de travailler, de faire venir des artistes de France.
La reprise a commencé à partir de février 2022 avec l’amélioration de la
situation sanitaire. Les choses reprennent doucement. En ce mois de juin 2022,
nous atteignons presque le rythme de croisière.
La crise
diplomatique entre l’Algérie et la France (fin 2021) n’a-t-elle pas eu
d’influence sur la coopération culturelle ?
Cela a
forcément compliqué les choses. Nous avons gardé malgré cela les contacts avec
les ministères, essayé de discuter davantage. Cet épisode est dépassé.
Les deux présidents de la République et les ministres des Affaires étrangères
des deux pays ont eu des échanges téléphoniques. Nous sommes dans une dynamique
positive. Il y a une volonté de part et d’autre pour reprendre le travail et
les projets là où on les avait laissés.
Cette année, l’Algérie célèbre les soixante ans de
l’indépendance et du recouvrement de la souveraineté nationale. Est-ce que cela
aura un écho dans la coopération culturelle ?
En
France, notamment à l’Institut du monde arabe (IMA), c’est une année spéciale
avec les soixante ans de l’indépendance de l’Algérie. Une année dédiée à l’Algérie.
Au programme de l’IMA, figurent des expositions, des projections de films, des
concerts de musique…Une délégation de l’IMA viendra
en Algérie pour rechercher des designers aux fins d’organiser un défilé de mode
à Paris.
Il y a
aussi une production de films documentaires. Au Musée
des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée de Marseille (Mucem), une exposition est consacrée à l’Emir Abdelkader
(qui se tient jusqu’au 22 août 2022). Au-delà de la relation bilatérale, qui
est complexe, il existe des relations humaines fortes. L’Algérie, c’est un partenaire, une Histoire, une
culture…forcément le lien avec la France est important.
Comment
évoluent les échanges universitaires et scientifiques entre les deux pays ? Et
quel est le nombre d’étudiants algériens inscrits actuellement en France ?
La
demande des algériens pour poursuivre leurs études en France est importante.
Chaque année, on octroie 7000 visas pour études pour les algériens. Les
étudiants passent par Campus France. Cette année, nous avons reçu
presque 50.000 dossiers d’étudiants algériens voulant poursuivre
leurs études en France.
Après,
les universités se prononceront sur les candidatures, les accepter ou pas. Le
contingent des étudiants algériens en France est le deuxième après celui du
Maroc et devant la Chine. 80 % des étudiants algériens qui font des études à
l’étranger vont en France. Ce n’est pas le cas des marocains ou des tunisiens
qui se dirigent vers d’autres pays. Le choix de la France s’explique par les
liens familiaux et la langue.
Avez-vous le taux des étudiants qui reviennent en Algérie après la fin de leurs
études en France ?
Nous
n’avons pas de chiffres. Mais, le réseau algérien d’alumni
est dense. Il est le premier au niveau mondial. Cela veut dire que les
étudiants algériens reviennent en Algérie, se mobilisent, ont envie de
s’investir dans leur pays, veulent monter des projets. Ils viennent pour
coacher de nouveaux étudiants, demandent des CV pour embaucher les étudiants
qui sont passés par Campus France dans les entreprises en Algérie. C’est une
dynamique positive.
Quelles sont les disciplines qui sont les plus demandées?
Les
disciplines scientifiques et surtout l’informatique. Tout ce qui est sciences
dures, mathématiques…
Qu’en
est-il des programmes de recherches entre les universités algériennes et
françaises ?
Énormément
de programmes sont en cours. Les contacts entre chercheurs se sont poursuivis
même durant les moments difficiles qu’ont connu les relations bilatérales. Il y
a beaucoup de collaborations entre laboratoires de recherche des deux pays.
L’université d’Alger travaille avec un laboratoire de recherche sur les
mathématiques à Nice. Il existe aussi une coopération importante dans le
domaine de l’archéologie entre le laboratoire d’Aix-Marseilles
et l’université de Tipaza. Beaucoup de chercheurs se déplacent entre les deux
pays.
Vous
plaidez pour « le renforcement de l’amour de la langue française
» en Algérie. C’est même l’une de vos priorités. La langue
française n’est-elle pas en régression en Algérie?
Je ne
suis pas certaine qu’il ait moins d’intérêt pour la langue française en
Algérie, mais il y a de l’intérêt pour d’autres langues. Avoir une diversité
des langues est tout à fait normal. Les langues ouvrent des perspectives en
termes de connaissance et d’apprentissage. Nous encourageons le multilinguisme.C’est à nous de
rendre le français plus attractif et plus intéressant pour les jeunes algériens
en instaurant de nouvelles méthodes d’apprentissage (numérique, jeux, quizz, etc) et une offre en ligne pour permettre aux jeunes
d’apprendre le français à distance. Les jeunes sont fascinés par l’anglais
parce qu’ils consomment beaucoup de contenu sur internet dans cette langue.
Cela nous oblige à repenser la façon avec laquelle le français est enseigné en
recourant à des méthodes ludiques, de la musique, des images, etc. Il faut
noter que ce problème se pose en France. Le niveau de la langue des jeunes
générations a baissé tant pour la lecture que pour l’écriture.