COMMUNICATION-
FORMATION CONTINUE-RELATIONS PRESSE (METIER)
RELATIONS PRESSE?: LES EXIGENCES D’UN NOUVEAU MÉTIER
© Stratégies, 01/06/2022 - Bernard Sananès, président
du cabinet d'étude et de conseil Elabe
Loin
d'être courtisé par les jeunes diplômés, ce métier exige d'être convaincant,
malin, de savoir anticiper et se montrer digne de confiance. Désormais, le
chargé des relations presse apparaît aussi essentiel que les banquiers ou les avocats
lors d'une gestion de crise.
Rares sont aujourd’hui les candidats qui
entrent dans votre bureau en vous disant qu’ils aimeraient faire des relations
presse. Pourtant, même quand en agence, c’était un métier du «?fond du
couloir?», j’y suis toujours resté très attaché. Parce qu’il faut savoir
convaincre. Parce qu’il faut construire une stratégie comme un joueur d’échecs
et avoir un coup d’avance sur la concurrence ou sur l’actualité. Parce qu’il
faut s’installer comme un tiers de confiance. Longtemps, ce métier a été
caricaturé, présenté comme un simple carnet d’adresses quand il n’était pas
copinage et invitations. Il a fallu ensuite des grandes opérations financières,
des accompagnements de dirigeants, des gestions de crise pour faire la preuve
de sa centralité. Quand un titre apparaissait négatif, quand un éditorial
mettait à jour des faiblesses, les RP devenaient un métier quasiment aussi
essentiel que les banquiers ou les avocats, un de ceux sans lesquels
l’entreprise ne pouvait pas gagner. S’est alors installée la communication d’influence
parfois réduite elle aussi aux «?spin doctors?».
Le métier est devenu attractif. Pour les «?jeunes pousses?» qui
n’avaient pas choisi la marque comme terrain de jeu, l’influence brillait. Elle
parlait à l’oreille des patrons. Déjà, au-delà des «?coups?» et des
opérations commandos, un autre pan de l’expertise se consolidait?: un
travail au long cours pour construire l’image d’une entreprise, la rendre
crédible, innovante, référente ou celle d’un dirigeant pour l’affirmer parmi
ses pairs, le rendre visible et expert dans sa communauté.
Tout cela bien sûr n’a pas disparu et
compte encore profondément pour l’exercice d’une discipline qui n’a plus à
prouver son utilité, ni sa professionnalisation. Mais le climat dans lequel
elle s’exerce à lui profondément changé. D’abord à l’heure de la transparence,
les «?off?», les «?indiscrets?» les «?sources
internes?» sont scrutées avec vigilance. Le journaliste
«?n’achète?» pas une information même quand elle apparait
alléchante. L’exigence de traçabilité de l’information est devenue
première.
Ensuite
parce que la concurrence est omniprésente dans le paysage médiatique. Elle rend
ainsi l’exclusivité plus difficile à promettre, et l’embargo plus compliqué à
tenir. Et parce que la technologie permet d’identifier rapidement si une
information est déjà parue, elle démasque facilement ceux qui voudraient la
recycler sans en attribuer la paternité à ses premiers auteurs.
Enfin parce que la défiance à l’égard de
la parole «?officielle?» rend évidemment suspecte la parole des
officiers traitants en charge des relations médias. «?Langue de
bois?», «?bullshit?», «?diversion?», les
critiques adressées sont certes parfois injustes mais traduisent aussi le
corset dans lequel s’est glissé la communication des entreprises. Le fact-checking a aussi fait irruption dans la manière
d’exercer la profession.
Reste une modification profonde et
évidente, c’est la manière dont les relations-presse ont été disruptées par les
réseaux sociaux et notamment par Twitter, première source d’information de
nombreux leaders d’opinion. Si 256 caractères ne suffisent pas pour le
décryptage, ils donnent en quelques secondes l’effet, le «?spin?»
dont les communicants cherchaient à avoir le contrôle. Et la désintermédiation
menace ceux qui ont pour vocation de «?parler?» aux
journalistes.
Le métier est donc en plein
bouleversement. Pour conserver sa mission stratégique et sa place parmi les
expertises clés de la communication, il doit faire de la transparence et de la
confiance sa marque de fabrique. Il doit encore renforcer sa créativité pour
réussir à faire émerger des informations dans un paysage hyper-occupé. Il doit
accompagner l’évolution du rôle sociétal des entreprises, faire sien le
discours de preuves, montrer qu’il est ouvert au débat, donner à voir la mesure
des engagements pour s’extraire du «?tout-communication?». Enfin il
doit faire des réseaux sociaux non pas un concurrent mais un allié en développant
des stratégies hybrides.
C’est en réussissant ces évolutions que
les relations médias retrouveront leur attractivité sur le marché des talents.
Qu’elles parviendront à convaincre à la fois les meilleurs mais aussi les plus
engagés sur le chemin d’une communication sincère et plus en phase avec la
société.
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