HISTOIRE-
BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH-RÉCIT MÉMORIEL DAHO DJERBAL- « LAKHDAR BENTOBBAL.LA
CONQUÊTE DE LA SOUVERAINETÉ »
LAKHDAR BENTOBBAL.LA CONQUÊTE DE LA
SOUVERAINETÉ. Récit mémoriel par Daho Djerbal. Chihab Editions, Alger
2022, 303 pages, 1750 dinars
Lakhdar Bentoball est
un homme resté moudjahid jusqu’à la fin de
sa vie. Toujours sur le front ne mâchant pas ses mots et allant droit au but(même et surtout durant les négociations d’Evian)
Le premier tome de ses « confessions » rapportées par Daho Djerbal ont été une sorte de hors-d’œuvre déjà assez
consistant. Le second tome qui raconte, entre autres (car il y a pas mal de
« retours en arrière » , à l’intérieur du
pays avec tout particulièrement des témoignages de compagnons de lutte comme
Ali Kafi, Ahmed Belabed et
Tahar Bouderbala....) son
séjour à l’extérieur du pays, est encore plus percutant en informations sur la
vie politique et même quotidienne des combattants et.....en révélations qui
viennent soit compléter ou confirmer ce qui a été déjà dit ou écrit soit
démonter des images trop idylliques du combat et des combattants.
Ainsi, il a mis en lumière les crises et les
conflits intérieurs mettant en jeu les divergences quant à la ligne générale à
suivre et aux options stratégiques non seulement pour la guerre qui se menait,
mais aussi pour le devenir de l’Algérie indépendante. Pour lui, indépendance
dans la dépendance ou indépendance totale et souveraineté de l’Etat algérien,
telle était la question et il ne faut pas être grand clerc pour connaître
deviner la réponse fournie.
Ce qui est encore plus intéressant dans
cet ouvrage et le « rapporteur » l’a bien rendu, c’est que Lakhdar Bentobal, toujours admiratif du peuple (« un peuple
exceptionnel » qui, selon ses calculs, a vu 273 morts par jour) , a
estimé nécessaire (et il l’a fait) et indispensable (pour ,assurément, être
« plus vrai ») de « faire parler » ceux qui étaient
sur le terrain, ses compagnons d’armes (voir plus haut) ainsi que ses pairs
dans le gouvernement provisoire (et dans les autres institutions). Une
confession- vérité (avec des « révélations » parfois croustillantes
comme celles concernant le train de vie des cadres politiques et militaires (à
l’extérieur) ... certains commandants convolant en justes noces deux à trois
fois par an..des officiers
circulant à bord de grosses voitures..) ) qui peut gêner beaucoup , mais qui en
fin de lecture et de compte remet pas mal de pendules historiques à
l’heure......surtout pour comprendre la suite. On en avait bien besoin !
Les Auteurs : Maître de conférences en histoire contemporaine (Université d’Alger).Directeur de la
revue« Naqd », depuis 1993. Plusieurs travaux en histoire économique et sociale….Et, il s ’oriente vers le recueil de témoignages d’acteurs de
la guerre de libération nationale
-Lakhdar Bentobbal (8 janvier 1923-21 août 2010), originaire de Mila, militant de la lutte d’indépendance dès l’âge de 15 ans,membre du Ppa dès 1940, membre du Groupe des « 22 », Chef de la
wilaya II, ministre de l’Intérieur du Gpra, un
des négociateurs des Accords d’Evian.
Sommaire : Avertissement/
L’affaire Abane Ramdane/ La
naissance du Gouvernement provisoire/ Les maquis sous l’étau des ratissages/ La
carte diplomatique/ L’ère des crises/ Le vent nouveau/ La pourparlers
préliminaires/ Le temps des négociations/Le cessez -le- feu/Index des noms
Extraits : « En fait, les
pays arabes n’ont jamais dépassé ce stade (note : celui de la fourniture
seulement des armes légères) dans l’aide qu’ils nous ont apportée et, de plus,
c’étaient de vieux stocks laissés par les Anglais et les Allemands.Ils
nous livraient des armes périmées » (pp 29-30), « J’ai toujours
considéré-et je le dis devant l’histoire- que Abane Ramdane méritait la mort, et je le maintiens jusqu’à présent.Mais ce que je n’acceptais pas, ni pour Abane , ni pour un autre, c’est que cela pouvait créer un
précédent extrêmement grave dont pouvait être victime n’importe quel chef de la
révolution » (L.B ,p 51), « Le 19 mars 1962, jour de cessez-le -feu,
le contrôleur général aux armées de France Christian de Saint-Salvy, dénombre
263 000 « musulmans » engagés du côté français en Algérie :
60 000 militaires réguliers, 153 000 supplétifs, dont 60 000
harkis et 50 000 notables francophiles » (p 104), » On dit aussi
que la révolution a été menée avec le fusil.cela
n’est pas juste non plus.Notre ligne de conduite n’a
jamais reposé sur l’usage de la force.Si jamais il y
eut usage de la force, c’était celle du caractère et du sacrifice, une pure
force morale » (p109), , « (1958 avec l’arrivée du
régime de de Gaulle )C’est à partir de ce moment qu’a commencé la vraie
guerre ( ....). Quand l’état de santé du peuple et de l’Aln décline, faute de trouver les solutions adéquates au
problème, la crise éclate au sommet » (L.B, p149), « Il n’y a pas un
seul djoundi de la première heure, pas un seul de
ceux qui faisaient partie de l’Os ou du Ppa, de ceux
qui avaient foi toujours en la cause nationale, qui ont rejoint les Français.
Ceux qui l’ont fait, étaient d’anciens collaborateurs de la France qui étaient
venus au Fln dans l’euphorie des années 1956-1957, ou des gens sans formation
politique... » (p154), « Parmi tous les cadres que j’ai connus lors
de cette dernière session du Cnra, ceux qui étaient
pour l’aboutissement effectif de la guerre sur une perspective révolutionnaire
peuvent se compter sur les doigts d’une seule main « (
L.B, p 292)
Avis : Publiée
pour le tome I: Enfin, une approche (universitaire donc assurément scientifique )
de l’écriture de histoire de
la guerre de libération nationale …..une écriture algérienne, en ce sens qu’elle va à
la rencontre
des acteurs algériens, d’abord du Mouvement national ensuite du Fln et
de l’Aln.Ici, certes, les « Mémoires » d’un acteur incontournable - personnage central
de la guerre, homme d’action, homme
de terrain, engagé, habité par
la cause, à la vie spartiate -
mais un matériau (une sorte de recueil de souvenirs et de « confidences »,
et selon l’auteur la
« traduction la plus fidèle et la plus exacte possible
de la pensée et de l’action de S.L Bentobbal sans aucune adjonction dans le texte initial,
et sans interprétation » (p 7, Avertissement) ), lequel
a été soumis
aux mêmes règles méthodologiques de distance critique appliquées au document écrit.
Quant aux contenus (affirmations,précisions, jugements,témoignages, révélations… parfois des
« boumbattes » sur les
populations, les groupes , les idées et les individus ), chacun est libre de
les apprécier à sa manière.
Quant à l’auteur….il est assez grand et expérimenté pour
se défendre contre les éventuelles critiques ou « attaques »….Les autres historiens n’ont qu’à opérer les vérifications et autres recoupements pour
confirmer ou infirmer.
Morale de l’histoire : Vive la
« liberté d’écrire librement l’Histoire »…Tout particulièrement celle qui appartient à
tout le peuple algérien.
Et, en attendant,
Ave Bentobbal!
Tome II: Un ouvrage aussi passionnant que le premier,
émaillé de témoignages de combattants, ce qui nous fournit des éléments de connaissance de la lute sur le terrain……et dans les
coulisses. Un langage de vérité
souvent dur à accepter, mais bel et bien réel….car disant
souvent tout haut ce que
beaucoup pens(ai) ent tout bas. Peut-être
trop de détails et de digressions…..qualité d’une “confession” sincère (sans prendre de gants)
Citations : Il est connu que , quand tout va bien à l’intérieur, il n’y a pas de
crise à l’extérieur (L. Bentobbal, p 77), « La
seule puissance du chef (note : au maquis) était son ascendant moral sur
les djounoud.Si nous avions fonctionné avec l’esprit
de grade, nous aurions nous aussi des crises internes. C’est le résultat de
toute une école politique » (L.B, p 122), « Au départ, nous avons
décidé du destin d’un peuple sans le consulter. Il fallait maintenant compter
avec un peuple qui était partie prenante du conflit. Nous n’étions plus seuls
comme au début.A lépoque,
en cas d’échec, nous savions que nous serions considérés, aux yeux de
l’histoire, soit comme des criminels soit comme des héros » (L.B, p235),
« Comme toujours en politique, ce ne sont pas les bonnes intentions qui
décident de la justesse d’une action » (L.B, p 271), « Ben
Bella avait, de son côté, beaucoup de qualités.C’était
un homme doué mais sans scrupules » (L.B, p278), « (Boudiaf)C’était
un Algérien au plein sens du terme, dont le nationalisme était aux dimensions
purement algériennes.Pour lui, la force principale
était le peuple algérien et les militants révolutionnaires qui lui servaient de
cadre » (L.B, p 281), « Le programme de Tripoli avait été adopté à l’unanimité,
mais il est resté sans effet, tel un chiffon de papier » (p284).