POPULATION- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
ROMAN ALICE KAPLAN- « MAISON ATLAS »
Maison Atlas. Roman d’Alice Kaplan
(traduit de l’américain par Patrick Hersant). Editions Barzakh
Alger 2022, 367 pages, 1000 dinars
J’avais déjà lu
et apprécié son ouvrage sur
Camus (voir plus bas) mais je ne l’ai
vraiment découverte qu’à la sortie, d’abord en France, de son ouvrage
« Maison Atlas » lorsque, reçue sur le
plateau d’Arte : « 28 minutes », elle
avait d’emblée -face à une question insidieuse – mis les
« points sur les i »- prenant
la défense de la lutte de libération nationale et de l’image de l’Algérie contemporaine. Américaine de nationalité, maîtrisant parfaitement la langue française,
elle avait découvert ,lors de son (ses)
séjour(s) en Algérie, les
« restes » bien ancrés
de familles de confession israélite, tout
particulièrement ceux dont les origines
berbères remontent à des
siècles ….. ; familles ou
personnes totalement intégrées -chacune à sa manière, avec ses héros de la Révolution et/ou ses citoyens
anonymes , et ce
sans ostentation- dans la société algérienne nouvelle.
L’histoire ? Années
90. Bordeaux (France) . Deux jeunes
étudiants se rencontrent et
entament une relation amoureuse .Emily
est une américaine
, juive de confession. Daniel Atlas est un français (« de passeport ») mais se réclame
algérien (sa famille, demeurée en Algérie après l’indépendance,
« vit en Algérie
depuis mille ans »), juif du côté du père, politiquement
libéral et partisan de la cause indépendantiste (la
mère étant catholique).
Années 90. La décennie
noire. Le père Atlas commerçant influent
,respecté et populaire, est assassiné par les terroristes islamistes. Daniel , le fils revient à Alger pour soutenir sa mère et, surtout pour essayer
de comprendre le pourquoi
du comment. Il ne tarde pas à s’engager
dans la clandestinité , les rangs de la
police chargée du contre-terrorisme,
laissant sans nouvelles
Emily……enceinte. De guerre lasse , sans nouvelles, elle regagnera (après un bref voyage en Algérie à la recherche de son aimé)
l’Amérique donnant
naissance à une fille, Becca ……qui , elle-même, va rechercher
ce père tant entouré de mystère et résidant dans un pays qui est
, vu d’Amérique et à travers « la Bataille d’Alger » et les généalogies publiées sur l’internet, encore plus mystérieux… Une
fin heureuse qui va réconcilier tout le monde ! Il était
temps.
L’Auteure : Phd en littérature française de l’Université de Yale
(Etats-Unis), enseignante, écrivaine et chercheuse . Des
travaux portant sur l’autobiographie,
les mémoires, la théorie de
la traduction, la littérature de
langue française du XXè siècle.
Plusieurs publications dont
« Trois américaines à Paris :
Jacqueline Bouvier Kennedy, Susan Sontag, Angela Davis », en 2012 (Gallimard). A séjourné en Algérie (Alger, Oran....) en mai 2018 afin
de présenter son ouvrage et
d’en débattre avec le public.
Extraits : « En Algérie, les
indigènes sont des « sujets » dépourvus de droits civiques ;
faire passer cette société coloniale pour une émanation de la France de la
liberté, de l’égalité et de la fraternité, relève de la fable cynique » (p
69) « Après l’octroi de la citoyenneté aux juifs, en 1870, le
colonisateur continue de diviser la population : les musulmans en sont les
grands perdants, Juifs et Européens étant unis dans une alliance
artificielle » (p 69), « Je crois que la scène la plus marquante dans
« La Bataille d’Alger », c’est celle où l’on voit Ben M’hidi sur la terrasse de la maison de la Casbah. Le vrai
héros tragique du film, c’était lui » (p 311)
Avis : Un
« récit-roman » émouvant, qui se lit d’un trait…..afin
d’arriver très vite au dénouement. Une histoire romancée mais en bonne partie
réelle car, semble-t-il basée sur une recherche in situ sur le
destin de la communauté juive algéro-berbère et les destinées de ses membres…..avec ,
pour beaucoup d’entre-eux, une «algérianité »
incontestable
Citations : « L’Algérie
méritait bien sa réputation : un asile de fous à ciel ouvert (note :
lors de la décennie noire » (P 167), « Les Juifs d’Algérie ,même
absents, hantaient le pays précisément parce qu’ils étaient des Juifs
arabes » (p293), « Commencer une révolution n’est pas facile, la
continuer plus difficile, la gagner encore plus, mais ce n’est qu’après notre
victoire que commenceront les vraies difficultés » (p 311), « Selon
tous les livres d’histoire qu’elle avait pu lire sur le sujet, les injustices
étaient devenues si criantes en 1945 que la révolution apparaissait comme la
seule solution possible. Et la révolution n’admettait pas les
demi-mesures » ( p314), « Notre langue,
c’est un mélange d’arabe, de berbère, de turc, d’espagnol et de français…..Alors,
on aime jouer avec les mots « ( p353)