DEFENSE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN
RACHID EZZIANE- « DE NOS SŒURS ÉGORGÉES »
De nos sœurs égorgées Roman de Rachid Ezziane. Editions Les presses du Chélif, Chlef 2022.153
pages, 800 dinars
Ils étaient 12 .
Tous enseignants. Tous issus de familles modestes et/pauvres. Tous habitaient à
Sfisef, un « village néant », un
« sosie à l’insignifiance » .
Tous devaient se rendre chaque jour de l’année scolaire 1997 ,
en minibus (un vieux fourgon) ou en taxi « clandestin », en
aller-retour à des heures fixes, à quinze kilomètres à leur établissement
scolaire situé à Ain Adden . Parmi les douze, il y
avait onze femmes : Zahia (mère de deux enfants) , Hassina (affectation
nouvelle avec le rêve d’aller à Alger pour devenir journaliste) ,
Faiza (fille unique projetant d’aller en Belgique rejoindre son oncle ), Alia
(fan de poésie), Nacera (qui travaille pour toute la famille, le père ayant été
assassiné par les terroristes), Karima (la toute belle, habitant un appartement
« plus vétuste que des habits en haillons », voulant être historienne
), Assia (d’une famille aisée), Fadhila (unique fille) , Rabha
(au corps chétif, grand fan des l’équipes nationales
de foot et de hand….surveille constamment par un frère qui faisait de tout une
affaire d’honneur), Samia (orpheline de père , institutrice
stagiaire), Aicha (qui venait de se marier et attendait un enfant). Toutes
heureuses de se retrouver et de retrouver leurs classes et leurs élèves. Mais , le visage crispé et la peur au ventre. Car ……
Au maquis terroriste, il y avait une « fatwa » interdisant aux
femmes d’enseigner ou d’aller à l’école. Emise par un « fou de Dieu » au surnom sanguinaire : « Dhib El-Djiâane » , le loup affamé, déjà coupable , par égorgement,
de mille et meurtres , toujours d’innocents (femmes, vieillards, bergers,
automobilistes, enfants ……).
Après une journée d’enseignement bien
remplie, c’est le retour au domicile , toujours dans
le même fourgon , suivi par un taxi avec quatre passagères .
Sur le chemin de retour, elles seront
toutes (ainsi qu’un instituteur) égorgées par la horde sauvage. Onze
« vierges » dont deux étaient mariées), ayant refusé le
« diktat » de l’intolérance ont
préféré se sacrifier plutôt que de vivre enchaînées, « car nul ne peut
prétendre avoir vécu s’il n’a pas vécu à la délectation de la
liberté »
Plusieurs années après,,
Sfisef a quelque peu pansé ses blessures…..à un prix
très, très fort. Puis vint Bouteflika qui, sous l’effet de discours
« magiques », a imposé la
« Concorde » et la « Réconciliation », comme si la
« Rahma » ne suffisait pas….. », avec un peuple
devenue masse qui suivit les « enjeux » sans rien
comprendre » .On en a oublié les victimes…… » « Dhib
El-Djiâane » le loup affamé, abandonné, traqué,
solitaire, affamé, saisissant l’ offre » ne
tarda pas à se rendre…….et , il continue à purger sa peine d’emprisonnement à
perpétuité en compagnie de ses cauchemars et de sa folie
L’Auteur : Né en 1955 à Zeddine (Ain Defla). Ancien professeur de philosophie,
journaliste chroniqueur. Plusieurs ouvrages à son actif (romans, essais,
nouvelles)
Extraits : « Quand on vit
dans une famille de huit personnes , entassées dans un
deux pièces cuisine, on a beau aimer les poèmes de Nizar Kabbani
ou de Mahmoud Darwich, on n’aura jamais ni le temps
ni l’espace pour les lire ou les écrire » (p23), « Cette
réconciliation avait surtout profité plus aux assaillants qu’à leurs victimes.
« Cette paix à sens unique » avait fait naître chez tous ceux qui ont
été écorchés dans leur chair comme une deuxième mort des leurs » (p115)
Avis :Emouvant.Se lit d’un trait…surtout pour arriver au
châtiment du meurtrier
Citations : « Comme le
vampire qui se nourrit de sang, le loup affamé se désaltère de la peur des
femmes » (p47), « Seule l’instruction libère l’esprit.Donne des ailes aux racines.Ouvre
les chemins de l’avenir » (p57), « Dans « l’offensive », il
reste en arrière ; dans la fuite, il prend la tête de la course. Telles
est la meilleure tactique des lâches, sans foi ni loi » (p87), « Il
n’y a pas de lucidité sans liberté, et de liberté sans courage « (pp 115-116)