Le Géographe Marc Côte est décédé en
France dans la nuit du 26 au 27 mars 2022, à l’âge de 88 ans . Professeur émérite de géographie à l’université d’Aix
en Provence en France, Marc Côte a effectué l’essentiel de sa carrière en
Algérie, pays où il a vécu de 1966 à 1994 et avec lequel il a gardé des
liens très forts.
Le nom de Marc n’est pas connu du
grand nombre mais il est évoqué en Algérie avec une certaine ferveur admirative
par les géographes, aménageurs, urbanistes et autres architectes. Ceux-là ne
peuvent ignorer ou oublier qu’ils ont planché sur les travaux de Marc Côte pour
saisir et comprendre la complexité de l’espace urbain.
Marc Côte a été et il demeure une référence majeure pour ceux qui
étudient les espaces Algériens. Mais sa relation avec l’Algérie n’est pas
seulement «académique », elle est également et
surtout, une affaire de cœur, une véritable histoire d’amour. Car Marc et son
épouse Anne adoraient l’Algérie, ils se sentaient Algériens et souhaitaient
l’être pleinement, y compris au plan administratif.
Invités au Salon International du
livre d’Alger en 2015, le vieux couple ne cachait pas son amour persistant pour
l’Algérie. Ni les années, ni la distance n’y ont rien changé, bien au
contraire. Complices, les yeux pétillants, armés de cette énergie que ne
gardent que les gens passionnés, ils racontent leur histoire avec ce pays
qu’ils aiment tant : la rencontre, la passion, la rupture brutale, les
retrouvailles et ces va-et-vient qu’ils ne comptent plus…
« L’Algérie nous l’avons aimée
avant de la découvrir. En 1956 déjà lorsque nous étions étudiants à Lyon, on a
découvert l’Algérie et sa cause à travers nos amis étudiants algériens qui
militaient pour l’indépendance », se souvenait Marc, sous le regard
approbateur d’Anne.
Une fois l’Algérie libérée, racontaient-ils,
ils ont voulu retrouver leurs amis Algériens. L’occasion s’est présentée avec
le programme de coopération entre les deux pays. Marc a introduit une demande
pour venir en Algérie. La demande est approuvée mais à sa grande surprise, il
n’a pas été affecté à Alger comme il le souhaitait mais à Constantine.
« Croyant à une erreur, je
suis parti me renseigner et là on me confirme que le poste qu’on me proposait
était bien à Constantine. On m’explique que l’opportunité était meilleure. Je
devais participer à la création de l’université de Constantine, alors nous
sommes venus, Anne et moi ». « Nous sommes venus et nous ne l’avons
jamais regretté », renchérit Anne.
Constantine, 1966
1966 fût donc le début d’une longue
histoire. Marc et Anne s’installent à Constantine. Ils y enseignent et y ont
leurs trois enfants. « Les trois ont été dans des écoles algériennes, ils
y ont eu leurs bacs aussi. Notre fils aîné Jean est enterré là-bas. Il était
étudiant en troisième année de médecine quand nous l’avons perdu »,
raconte Anne, soulignant ainsi la profondeur de l’attachement à la terre
algérienne.
La nationalité algérienne, ils
l’ont voulue, elle ne leur a pas été accordée. « Nous l’avons demandée et
le Président Chadli nous l’a refusée », précise Anne avec un certain
dépit. La veulent-ils toujours cette nationalité ? Ils répondent avec beaucoup
de pudeur : « Aujourd’hui nous nous considérons comme citoyens du monde,
d’ailleurs on ne sait plus combien de jours nous passons en France ni le nombre
de ceux que l’on passe en Algérie ».
Marc Côte et Anne forcés de
quitter l’Algérie en 1994
Marc et Anne ont donc passé 28 ans
en Algérie. Jusqu’à cet hiver de l’année 1994 où le wali de Constantine leur a
intimé l’ordre express de quitter le pays. « Il nous a convoqué et nous a
mis presque dans l’avion. Il a dit partez demain, je n’ai plus les moyens
d’assurer votre sécurité », se souvient Marc.
Le couple quitte l’Algérie, à
contrecœur. « Nous y sommes revenus dès qu’on a pu le faire. Et depuis
nous ne cessons de faire ces allers-retours », précise Anne. L’éditeur
algérien de Marc Côte, Yassine Hannachi, se souvient des noces d’or du couple
en 2008.
« Ils les ont fêtées à
Constantine, à la salle Sara. Il y avait leurs amis, leurs voisins, leurs
étudiants et même les petits fils de ces étudiants. Le couple avait choisi le
chanteur Chaouï, Abou Zaher, accompagné par la plus
connue des troupes des Rahhaba de Khenchela.
C’était touchant et très émouvant », raconte le patron de Media-Plus.
Marc Côte, connu pour ses ouvrages, notamment le
fameux « L’Algérie ou l’espace retourné », paru chez Flammarion en
1988, a beaucoup donné à l’Algérie, aussi bien par sa contribution
intellectuelle que par son humanisme. Anne, ce petit bout de femme, pleine
d’énergie, a semé l’amour et la joie dans le cœur de beaucoup de gens à
Constantine notamment à travers son action pour les enfants cancéreux et pour l’alphabétisation.
Une générosité et un dévouement
pour leur pays d’adoption qui leur apportent – et c’est sans doute plus
significatif que la nationalité – la reconnaissance et l’amitié de plusieurs
générations d’universitaires et des nombreux amis qu’ils ont dans le pays.« Anne et Marc Côte ? Ils sont autant Algériens que
nous », disent les Constantinois. « Plus que nous » disent
d’autres, « car ils ont choisi d’être parmi nous, de faire partie de
nous ».
Le couple est resté distant à
l’égard de cette « Algérie politique et économique » qu’ils
découvraient à leur retour en 2015. Mais ils étaient toujours en totale
empathie avec les Algériens. « C’est un peuple merveilleux » dit
Anne, « les jeunes ne veulent pas se vendre mais donnent sans
compter ».