Une rencontre avec des
représentants de toutes les mémoires blessées de la guerre d’Algérie a été vue
hier à Paris comme un appel à l’apaisement de la part de la présidence
française. Appelés, combattants indépendantistes, harkis et rapatriés se
trouvaient côte à côte lors d’une cérémonie. Des historiens aussi étaient
présents, des lycéens et des collégiens.
Depuis sa qualification de «crimes contre l’humanité», énoncée par le candidat à Alger
au micro de Khaled Drareni en 2017, Macron a
progressivement, en cinq ans de pouvoir, fait évoluer la relation française à
son histoire douloureuse, mais par paliers, malgré les freins mis par certains
en France et l’impatience du côté algérien.
Commémorer le cessez-le-feu du 19 Mars
1962, «ce n’est ni le début de la paix, ni
la fin de la guerre, encore moins la fin de l’histoire dont nous sommes tous
les héritiers». Qu’est-ce donc que cette histoire en héritage, sinon le
heurt de ce qui s’est passé entre 1830 et 1962 ? Il n’en dira pas plus.
D’ailleurs, question
«histoires», que ce soit celle des rapatriés, des appelés, des nationalistes,
des harkis, «elles sont toutes incomparables, elles sont toutes singulières,
elles sont irréductibles mais elles sont toutes inextricablement liées, qu’on
le veuille ou non». Il a regretté que «pendant
des décennies les mémoires de la guerre d’Algérie sont restées cloisonnées. Il
y a d’abord eu le silence. Il ne fallait pas en parler. Quelques-unes des
mémoires étaient reconnues mais (…) chacun s’est débrouillé avec ses deuils,
ses blessures, ses traumatismes, avec les injustices».
Il n’alla pas plus loin sur la notion
d’injustice qui en Algérie a du sens. Il reconnut cependant que «lorsque la parole se libère (…) combien il était
difficile de dépasser les clivages, les résistances, les divisions». Une
longue marche pour mieux entrevoir le passé, «un
cheminement imparfait, un parcours de reconnaissance». Avec ses écueils et
ses difficultés : «J’ai
pu faire, je le sais, des choses qui ont paru insupportables à quelques-uns et
ensuite d’autres qui furent insupportables à d’autres.»
«DE L' INCRÉDULITÉ
FACE à UNE PAROLE ENFIN OFFICIELLE»
Et le Président de croire qu’il faut
avancer : «Il fallait le faire, parce
qu’il fallait que la République tende ses mains et lève les silences», car,
affirme-t-il, il s’agit de «reconnaître ce qui était si longtemps attendu».
Là encore, le chef de l’Etat ne voudra pas épiloguer, jugeant que s’il y eut
aussi «de l’incrédulité face à une parole enfin officielle» sur ces aspects de l’histoire
mise en perspective, «les choses vont continuer et se déplier dans l’avenir».
Il s’est engagé à continuer, «malgré les pressions et
les tourments».
A ce moment-là, Macron rappelle les
actes de reconnaissance dont, pour l’Algérie, le dernier geste fut la gerbe
déposée cette année par l’ambassadeur de France à Alger en mémoire des inspecteurs
des centres sociaux, dont Mouloud Feraoun, assassinés par l’OAS le 15 mars
1962. L’occasion pour le président Macron de souhaiter que le travail, fait par
la France avec la commission Mémoire et vérité, présidée par l’historien
Benjamin Stora, soit «continuée par
l’Algérie aussi».
Il a eu d’autres commentaires sur
l’Algérie, dont certains en forçant le trait jugent qu’elle ne fait rien en
matière de mémoire : «Tous mes prédécesseurs
ont été confrontés à la même chose genre ‘‘vous êtes faibles’’ (long silence de
Macron)… puisqu’en face il n’y a pas de répondant…»
Disant que «le
dialogue se poursuit», il ne met pas dos à dos France et Algérie, suggérant
que le rapport à la dureté de l’histoire n’est pas le même : «Je vais être
très direct. Le jour viendra où l’Algérie fera ce chemin. Je pense qu’il est
plus difficile pour le peuple et les dirigeants algériens que pour nous, mais
il viendra. J’assume cette main tendue, et je pense qu’elle sera suivie de
gestes progressivement, sachons les voir et les saisir.»
Pour le président Emmanuel Macron,
toutes les démarches entreprises ces dernières années, qu’il a longuement
évoquées, n’ont «au fond rien à voir avec l’Algérie, parce que c’est nous,
c’est notre histoire».
LES ENFANTS DE L’IMMIGRATION SONT LES
ENFANTS DE LA FRANCE
Évoquant la guerre qui a concerné les
appelés, de même que les rapatriés qui ont quitté l’Algérie pour la France, ou
encore les harkis qui ont combattu ou pris position pour la France, il a insisté
pour les considérer comme les enfants de la France : «Ce
sont nos enfants…»
Parlant des Algériens, il continua sur
le même registre, faisant un pas rarement entendu sur ce ton
là : «Ce sont nos enfants, nos
enfants qui se sont battus pour l’indépendance et qui sont arrivés ensuite en
France, parfois quelques années plus tard… Ce sont nos enfants qui venaient
d’Algérie ou nés en France de parents algériens vivant ici sur notre sol…»
Le président Emmanuel Macron de conclure
sur ce thème : «Ce parcours de
reconnaissance est à présent ‘‘inarrêtable’’ il est simplement la condition pour
nous tous de ne rien oublier, de ne rien nier du caractère irréductible des
souffrances, des douleurs, de ce qui a été vécu. Mais d’assumer qu’elles sont
toutes françaises.» Sans aller jusqu’à insuffler
l’idée que ce sont là des fruits amers de la colonisation…