HISTOIRE- INDEPENDANCE
- ALGÉRIE/ EXÉCUTIF PROVISOIRE, 1963/COMPOSITION
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Bouzeghrane /Entretien Aissa Kadri, professeur honoraire des universités
(France) , samedi 19 mars 2022.Entretien (Extraits)
La
composition de l’Exécutif n’allait pas de soi. Le choix conjoint par le GPRA et
le Gouvernement français, d’Abderrahmane Farès – qui venait de sortir de la
prison de Fresnes – comme président, ne posa pas problème. La liste des 12
membres qui circula initialement a vu le remplacement de deux membres, un Français,
Gaumont par Jean Mannoni et Abdelmalek Temmam dont on
n’arrivait pas à trouver la trace (il était en prison) par Benteftifa
pharmacien de Blida. Chawki Mostefai représentant le
FLN, désigné initialement comme chargé de l’ordre public, demanda une délégation
plus politique et fut désigné aux affaires générales, Belaïd
Abdesslam également représentant le FLN, souhaita
passer de la responsabilité des Postes à celle des affaires économiques, ce qui
lui fut accordé. Non sans quelques petites frictions sur le partage des
responsabilités et des domaines d’activité, la composition finale fut actée
durant la première séance du 7 avril 1962 et officialisée le 14. Il y eut 12
membres représentant les différentes sensibilités et intérêts des populations
algériennes (des Européens d’Algérie (3) , des membres
représentants le FLN (5) , des membres
représentant la «société civile» (4) .
Les
personnalités qui firent partie de l’Exécutif provisoire ont représenté des
catégories sociales issues du milieu des luttes politiques qui ont marqué
l’Algérie coloniale. Ils se connaissaient et pour la plupart étaient acquis au
dialogue entre les communautés. Abderrahmane Farès qualifié de «trésorier du FLN» était un homme d’une grande culture
politique au fait des arcanes de la politique française ; infatigable
intermédiaire qui a tenté, à l’image de Ferhat Abbas, des intermédiations, et
qui a essayé de transformer de l’intérieur le rapport de force colonial. Les
trois Européens étaient des hommes de dialogue et d’ouverture : Roger
Roth, vice-président de l’Exécutif, avait été maire de Philippeville (Skikda)
où il tenta une expérience de gouvernement municipal paritaire entre Européens
et Musulmans.
Il
sera, et c’est peu connu, président de l’Assemblée nationale de l’Algérie indépendante
en 1964, au lendemain de la démission de Ferhat Abbas (il dit avoir présidé
l’Assemblée lors de l’essai nucléaire français de Reggane).
Charles Koenig, maire de Saïda était enseignant, syndicaliste du SNI (Syndicat
national des instituteurs tendance majoritaire) partisan de la Table-ronde
proposée par Messali Hadj en 1953. Jean Manonni, qui
avait perdu une jambe dans un attentat OAS, avait occupé la vice-présidence de
l’Assemblée algérienne pendant la période coloniale. Les représentants du FLN étaient
majoritairement issus du comité central du PPA-MTLD, certains proches de Ferhat
Abbas.
Les
membres de la société civile étaient des personnalisés, d’un grand charisme,
reconnues et respectées par la grande majorité des Algériens. Derrière et en
appui, il y a eu également tout un vivier d’indéniables compétences qui se sont
mobilisées pour jeter les bases d’un démarrage des institutions de l’Algérie
indépendante (entre autres, Mohamed Khemisti qui
remplaça Mohand Mahiou comme directeur de cabinet de Farès ;
A. Rahal, ancien udmiste, directeur de cabinet de Mostefaï, Abdelkader Zaibek comme
directeur de cabinet de Benteftifa, Benelhadj Djelloul celui de
Koenig, Pierre Mahroug de Abdesslam,
avec comme conseillers pour l’économie et le pétrole Joseph Sixou,
Ahmed Ghozali et de nombreux autres experts et
fonctionnaires sortis des grandes Ecoles. La trajectoire sociale de ces hommes
était celle de «l’entre-deux» , de «spécialistes
de la médiation», courant qui avait rallié certains centralistes, et qui
s’entrecroise avec un autre courant minoritaire, celui dit des «libéraux», dont
les idées et des pratiques relevaient plus de sensibilités que de doctrines
établies. C’est dans la jonction de ces courants minoritaires que se réalise le
travail de l’Exécutif, mais dans un contexte où le rapport de force était
ailleurs.
La
préparation et la mise au point des protocoles d’accord entre l’Algérie et la
France (qui a concerné à peu près tous les domaines socio-économiques et
culturels, notamment sur la situation des enseignants, sur les fonctionnaires,
sur la justice, sur les travaux publics, sur l’OCRS, sur les transports, sur le
code pétrolier, sur les accords et le contrôle financier), si elles soulevèrent
quelques difficultés, aboutirent finalement à une signature conjointe le 28
août 1962. La préparation du référendum d’autodétermination mobilisa tous les
délégués qui votèrent à l’unanimité, après débat, la question qui devait être
posée. Pour rassurer la minorité européenne, l’Exécutif provisoire introduit la
mixité dans les nominations des fonctionnaires. A côté des Algériens (Abdelamadjid Meziane, préfet de Béchar, Belkacem Ben Baatouche préfet de Tindouf, Mohand Mahiou
préfet de Médéa, Abdelatif Rahal, préfet de Batna, Ahmed Medeghri,
préfet de Tlemcen) l’Exécutif nomma également des sous-préfets et préfets
européens (Ripoll Paul à Tiaret, Roger Mas à Aïn Témouchent,
Audouard Pierre à Collo, Victori
Albert, à Batna) dont certains continuèrent à exercer après l’indépendance. La
Commission de Contrôle des élections présidée par Maître Sator
a vu la participation d’Alexandre Chaulet (le père de
Pierre), de Jacques Guyot, de Amar Bentoumi, d’El
Hadi Mostefaï, d’Ahmed Henni.(………………………………………………..)
Après
l’échange de courriers entre
Abderrahmane Farès et le général de Gaulle le 3 juillet 62 où celui-ci affirma
que la France «reconnaissait l’indépendance de l’Algérie et qu’en
conséquence les compétences afférentes à la souveraineté sur le territoire des
anciens départements français d’Algérie sont transmises ce jour (3 juillet) à
l’Exécutif provisoire de l’Etat Algérien», le travail continua et ceci
jusqu’à fin septembre avec la transmission des pouvoirs à l’Assemblée
algérienne, puis en octobre avec la passation des pouvoirs entre délégués et
ministres. L’Exécutif eut à organiser les élections à la Constituante. Dans les
luttes internes au FLN qui s’exacerbaient, leur dimension politique échappa à
sa responsabilité et il ne les prépara que sur le plan organisationnel. Il
prépara la rentrée scolaire de 1962. Charles Koenig et Louis Rigaud du SNI
Algérie, en lien avec le SAE-UGTA dirigé par Mohamed Farès et avec la FEN
dirigé par James Marangé, ont permis l’ouverture des
écoles avec la participation de 12 000 instituteurs dont une majorité de
pieds-noirs. Sous la présidence de Ben Bella, l’Exécutif organisa en septembre
des réunions dans les grandes villes du pays pour relancer les activités et
assurer l’ordre.