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Consulting (France) (I/II)

Date de création: 18-03-2022 16:37
Dernière mise à jour: 18-03-2022 16:37
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COMMUNICATION- FORMATION CONTINUE- CONSULTING (France)(I/II)

Qui sont les consultants et pourquoi l’Etat fait appel à eux, en 7 questions

Par Manon Romain/www.lemonde.fr, jeudi 17 mars 2022

On les savait omniprésents dans le privé : on découvre aujourd’hui que le recours aux consultants extérieurs fait aussi partie de la routine des ministères. Cette petite révolution remonte en grande partie à la révision générale des politiques publiques (RGPP), cette grande entreprise d’économies budgétaires lancée en 2007 par Nicolas Sarkozy, orchestrée par le ministre du budget Eric Woerth, lui-même ancien consultant, main dans la main avec des cabinets de conseil.Pourtant, l’influence acquise par ces cabinets est longtemps passée inaperçue auprès du grand public. Jusqu’à ce qu’éclate, en pleine pandémie, la polémique sur la place de McKinsey dans la campagne de vaccination. Depuis, le phénomène a été documenté par de multiples articles de presse, par le livre Les Infiltrés, des journalistes Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre (Allary, 2022), et, surtout, par le récent rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur l’emprise des cabinets de conseil sur la sphère publique. Mais le métier de consultant reste largement méconnu.

1 – Qu’est-ce qu’une mission de conseil ?

Il s’agit de missions ponctuelles réalisées par des cabinets spécialisés chez un client (une entreprise ou une administration publique), qui estime ne pas avoir les compétences en interne pour répondre à une problématique, ou avoir déjà tenté des approches qui n’ont pas fonctionné. « Le plus souvent, le client recourt à un cabinet de conseil pour répondre à une question », résume Daniela Restrepo, consultante chez EY. Ces questions peuvent être de différents types :

  • Informatique : ces missions de conception et développement représentent de loin les marchés publics les plus coûteux. Il s’agit de pallier les carences en matière de logiciels, d’infrastructures (serveurs, cloud, etc.) et de personnel qualifié. La Caisse des dépôts, le bras armé de l’Etat, a ainsi conclu en 2018 un mégacontrat de conseil d’un milliard d’euros avec plusieurs prestataires pour appuyer son département informatique.
  • Management : il s’agit de revoir l’organisation interne du client pour espérer des meilleures performances, ou pour former les agents à des pratiques plus modernes. En 2015, la CAF de Bobigny a, par exemple, commandé une mission d’accompagnement à Capgemini d’un coût de 55 000 euros, afin de gérer plus efficacement les dossiers traités par les agents.
  • Stratégie : si les frontières sont parfois floues entre conseil en management et conseil en stratégie, l’idée est plutôt ici de répondre à des questions de long terme. Dans le privé, cela peut concerner le développement de l’entreprise à l’international ou la diversification des activités. Dans le public, il peut s’agir de réfléchir à l’évolution des missions ou du fonctionnement d’une institution. Ce sont les missions potentiellement le plus problématiques, car les consultants privés pourraient influer sur une décision publique.

Quel que soit l’objet de la mission, le cabinet missionné n’est pas censé prendre une décision à la place de son client, mais lui fournir une aide à la décision ou des préconisations. Pour cela, « il adopte une approche à 360 degrés intégrant les enjeux politiques, environnementaux, etc., en n’oubliant rien », explique Daniela Restrepo. Le cabinet peut, par exemple, évaluer plusieurs scénarios alternatifs, en exposant les pour et les contre au client.

2 – Qu’est-ce qu’un cabinet de conseil ?

Datant pour certains de la fin du XIXsiècle, les cabinets de conseil sont nés pour la plupart au Royaume-Uni et aux Etats Unis. Les mieux implantés, surnommés les « Big Three », sont américains : il s’agit de McKinsey & Company, du Boston Consulting Group et de Bain & Company. Les « Big Four » de la comptabilité et de l’audit (Deloitte, PwC, EY et KPMG) ont eux aussi très largement développé leur activité de conseil. La plupart des grands cabinets intervenant pour l’Etat français (A. T. Kearney, Accenture, Bearingpoint, Eurogroup, Oliver Wyman, Roland Berger) sont anglo-saxons, même si l’Hexagone compte quelques cabinets influents, comme Capgemini Invent.Au côté de ces mastodontes, dont le chiffre d’affaires se compte parfois en milliards de dollars, une multitude de petits cabinets se spécialisent dans certaines missions, dont l’évaluation des politiques publiques, à l’image de Citizing (évaluations socio-économiques), Missions publiques (concertations publiques) ou Pluricité (accompagnements de projets).Il est courant que les organisations qui manquent de moyens confient l’analyse stratégique à de grands noms du conseil, mais préfèrent laisser la mise en œuvre à des cabinets plus modestes ou à leurs équipes internes pour limiter les coûts. Dans les appels d’offres publics, les cabinets les plus prestigieux s’associent souvent à des cabinets plus spécialisés et bien moins coûteux en tant que « cotraitants », pour pouvoir proposer un prix compétitif.

3 – Comment le cabinet est-il choisi ?

Dans le privé comme dans le public, c’est généralement au plus haut niveau que se prend la décision de mandater un cabinet de conseil, car les missions auprès de cabinets prestigieux sont très coûteuses.Dans les ministères, les hauts fonctionnaires doivent le plus souvent passer par un appel d’offres pour assurer une mise en concurrence des cabinets candidats et éviter le favoritisme. Le ministère formule alors ses besoins, propose un prix indicatif et invite publiquement les cabinets à déposer des candidatures. Après avoir examiné les dossiers, il attribue le marché au cabinet ayant fait la meilleure proposition sur le plan des tarifs et de la qualité.Il est toutefois possible de s’exempter du système des appels d’offres dans le cas des marchés les moins onéreux (moins de 40 000 euros) ou si l’urgence le justifie.

4 – Comment une mission de conseil se déroule-t-elle ?

Une fois un contrat décroché, la direction du cabinet constitue à sa guise l’équipe qui va réaliser la mission au sein de ses employés. Le plus souvent, un « manageur » haut placé dans la hiérarchie est accompagné de plusieurs consultants dont le parcours et les compétences correspondent à la mission et au client. « Pour une mission dans le public, les consultants qui ont fait l’ENA [Ecole nationale d’administration] ou le Corps des mines seront contactés en priorité », explique Daniela Restrepo.Le « manageur » décompose alors la mission en tâches réparties entre les membres de l’équipe, qui permettront de répondre à la question initiale : synthèse de documents publics, analyse de documents internes du client, entretiens avec les employés, etc.

La mission peut s’étaler, selon les cas, de quelques semaines à plusieurs mois. Par commodité, les consultants peuvent s’installer physiquement dans les locaux du client, afin de faciliter les interactions avec les employés.

Les consultants peuvent rendre compte régulièrement de leurs avancées ou présenter leurs résultats en fin de mission. Dans le conseil en stratégie, ces résultats, appelés « livrables », prennent souvent la forme d’un jeu de diapositives ou d’un rapport qui compile toutes les analyses menées, les scénarios envisagés et les préconisations du cabinet.