Ce sont des mots durs et assez surprenants venant d’un
diplomate qu’a eus Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie,
au sujet des relations qui lient les deux pays, lors d’un entretien accordé à
l’AFP à l’occasion de la sortie de son livre L’Enigme algérienne.
Il
considère que la position française vis-à-vis de l’Algérie est bien trop «timorée», reprochant aux responsables de son pays de se
montrer «paralysés» face à un pouvoir qu’il juge «opaque».
«Les
Algériens ne comprennent que le rapport de force, dit-il. Il faut que nous
aussi on ait un discours qui soit plus clair.» Et de
poursuivre : «Dans le fond, les Algériens ont
fait le choix de la Chine. Nous, ils nous mènent en bateau. Il n’y a qu’une
chose qui les intéresse dans la relation avec la France, ce sont les visas.»
Pour
le moins étonnants, les propos de Xavier Driencourt pourraient être assimilés à
de la «mauvaise foi» eu égard au fait, notamment, que
les entreprises françaises ont, durant les 20 dernières années, bénéficié d’un
traitement préférentiel en Algérie. Le marché bancaire algérien a ainsi
beaucoup profité aux banques françaises.
Et
ce n’est là qu’un exemple parmi de nombreux autres. Sous Bouteflika, la
majorité des institutions algériennes a, par ailleurs, beaucoup privilégié la
coopération avec la France. Seulement, les crispations et les crises se sont
multipliées entre Paris et Alger ces dernières années. Les relations algéro-françaises voguent au rythme des propos maladroits,
prononcés y compris par le président français, ainsi que des rappels et des
convocations d’ambassadeurs. A ce propos, des sources au fait du dossier des
relations algéro-françaises rappellent justement que
la responsabilité de ces situations de crispation n’incombe pas à
l’Algérie.
Selon
Driencourt, la France est «paralysée» vis-à-vis
d’Alger de peur de «fâcher», subir des «mesures de rétorsion», perdre
l’attention d’un acteur-clé pour la sécurité au Sahel et la lutte
contre l’immigration clandestine.
Celui
qui a été ambassadeur de France en Algérie à deux reprises, de 2008 à 2012 puis
de juillet 2017 à juillet 2020, enjoint les responsables de son pays d’avoir
une position beaucoup «moins timorée» vis-à-vis de
l’Algérie s’ils veulent tourner la page, 60 ans après l’indépendance, et
de construire une relation «équilibrée». Selon lui, les responsables politiques
français «n’ont pas une vision lucide et saine de la
relation bilatérale, parce que l’Algérie, c’est autant de la diplomatie que de
la politique intérieure (…). Ils doivent en permanence composer entre des
intérêts contradictoires, ceux des rapatriés qui se cristallisent en partie
dans un vote d’extrême droite et ceux des Français issus
de l’immigration algérienne qui ont toujours un regard tourné vers Alger». «Du coup, on est conduit à
avoir une gestion toujours minimaliste. Pendant la crise du hirak, on a trouvé cette formule miraculeuse ‘‘ni ingérence
ni indifférence’’ parce que c’était ce qui nous gênait le moins. C’est
difficile dans ce contexte-là d’avoir une relation équilibrée»,
estime Xavier Driencourt.
A
cela s’ajoute une critique des politiques algériens qui se distingueraient, à
l’en croire, par une gestion opaque ainsi que par un discours antifrançais
vivace. «Ces gens ne se réunissent pas concrètement
autour d’une table avec un ordre du jour et un relevé de décisions. C’est
quelque chose d’insaisissable, d’opaque, y compris pour les Algériens eux-mêmes», affirme Xavier Driencourt, rappelant que c’est
ce que le président Emmanuel Macron a qualifié de «système
politico-militaire», qui s’appuierait sur la «rente mémorielle» de la
guerre.
Pour
ce qui est des partenariats entre les deux pays, il s’agirait là encore d’une éternelle
gigue où Français et Algériens font deux pas en avant puis trois en
arrière.
Pour Xavier
Driencourt, la faute reviendrait là encore au pouvoir algérien. Il en veut pour
preuve le fait que dès son élection en 2017, Emmanuel Macron a initié une relance
de la relation franco-algérienne. Il a fait une série de gestes mémoriels sur
la guerre d’Algérie. Mais ceux-ci n’auraient trouvé, selon lui, «aucun écho» à Alger, qui continuerait d’après lui,
«d’attendre des excuses officielles».
Dans
une récente intervention médiatique, le président algérien a estimé que «les choses commencent à prendre une nouvelle
tournure» entre l’Algérie et la France. «Je
n’en dirai pas plus. Ils sont en période électorale. Mais de manière générale,
les choses se sont tassées», a répondu M. Tebboune à une question sur les relations algéro-françaises.