CULTURE- REGION- KABYLIE – SIDI BELOUA
(TIZI OUZOU) (Complément)
© Rachid Lourdjane, El Moudjahid, lundi 7 mars 2022
Grignotés par les pelleteuses
qui se moquent de la roche, les sommets de Tizi Ouzou cèdent la place aux
promoteurs de l’immobilier. L’ancien hôpital dédié aux maladies respiratoires
mérite restauration. La route sinueuse qui mène au mausolée Sidi Beloua, une zaouïa éponyme située sur les hauteurs de Tizi
Ouzou, offre une vue imprenable sur la majestueuse vallée. Le lieu
inspire la piété comme toutes les zaouïas. La construction est basse, entourée
d’une cour ; les murs blanchis à la chaux ; le sol en ciment et d’une propreté
impeccable. C’est le calme complet, loin des vacarmes de la ville, envahie
d’une incessante circulation. Les idées reçues ont la vie dure. Pour certains
natifs de la région, Sidi Beloua serait un sanctuaire
dédié à un mystérieux «Saint Benoit ». Étonnante
hypothèse. Pour avoir le cœur net, je me suis approché de l’Oukil,
gardien des lieux, qui m’a orienté sur un ancien manuscrit, affiché à l'entrée
de la sépulture du Saint homme. Le document retrace la trajectoire de Sidi Athmane, grand-père de Sidi Beloua…
Il avait quitté Seguia El Hamra et Oued Edh-ahab au
IXe siècle de l’Hégire. Il était en route pour Bagdad dans le désir de se
recueillir auprès d’Abdelkader El Djilani en
compagnie de ses trois fils. Sur sa route, alors qu'il était dans le Djurdjura,
la mort l’attendait dans l’arch des Beni Bouakache (ou Bouakkaz). Ce
pèlerinage à Sidi Abdelkader El Djilani indique, sans
aucune équivoque, l'obédience soufie de Sidi Athmane.
Le père de Sidi Beloua, Mohamed Ben Athmane a fait souche dans la communauté de Ighze-Taourirt. Sidi Beloua serait
imam du arch Redjaouna. Il
avait trois frères : Seddik, Tayeb et El Hadi. Ses
deux oncles, Belkacem et Ahmed, s’installent respectivement chez les Aïth Djaâd et les Aïth Irathen sur les deux
versants du Djurdjura. Sidi Beloua veille sur un
cimetière ombragé par des figuiers et des oliviers séculaires. Il est très
possible que son nom puisse induire en erreur par sa ressemblance phonétique
avec Benoît. La légende urbaine considère que l'emplacement initial du mausolée
aurait accueilli la sépulture de Saint Benoît. Qui est cet homme ? Une petite
recherche en ligne nous ouvre la voie. Saint Benoit est le patriarche fondateur
de la règle monastique qui porte son nom. Considéré tardivement comme «le père de l'église occidentale», il a vécu à l'époque du
déclin de Rome et l'arrivée des Vandales en Afrique du Nord. Contemporain de
Saint Augustin, considéré aussi comme le père de l’église moderne, il est né en
490 et n'a jamais fait le voyage dans nos contrées. Il est le seul Saint
Benoît, excepté les Papes du même nom. Il repose en Italie, à Monte Cassino.
D’autres «chercheurs» rattachent le nom de Sidi Beloua au toponyme français «Le Valois» qui désigne plaines
et vallons. Ce qui n’est pas pour un site géographique montagneux, tel ce
sanctuaire kabyle qui trône à plus de 600 m d'altitude. Sidi Beloua, le vénéré marabout, est natif de Ighzer-Taourirt. Il est sans doute le plus prestigieux
descendant de la lignée des Aïth Bouathmane,
en raison du rayonnement spirituel de sa zaouïa éponyme fondée en 1948. Rachid Lourdja
En 1957, durant la guerre
de Libération, le Mausolée de Sidi Beloua est
détruit à l’explosif par des éléments du Commando des Renseignements et
Interventions en Kabylie (CRIK), rattaché au 11e bataillon de choc. Cette unité
d’élite assurait les opérations spéciales. Après sa destruction, le site,
considéré comme stratégique, sera occupé par le 137e régiment d'infanterie, qui
implantera une unité d'action psychologique. La zaouïa ne se relèvera de ses
ruines qu'en 1985, après une restauration réussie. La lecture de la généalogie
des Athmane renseigne sur le nom «Beloua» comme une prononciation dialectale du
classique «Abou illoua», identité rarissime qui
définit la fonction de porte-étendard.