Par petits groupes d’amis ou par
familles, venus de Béchar et d’autres wilayas, les spectateurs sont venus
assister à un concert inédit animé par les artistes algériens et étrangers
participants à la résidence artistique OneBeat Sahara, organisée par l’ambassade des Etats Unis et le ministère de la
Culture et des Arts, et produite par Found Sound
Nation (FSN).
Toutes les compositions présentées sur scène étaient originales et nouvelles.
Les revendeurs d’artisanat, de thé, de cacahuètes, de grillades, de chèches
et de petits souvenirs ont pris place aussi non loin de la scène. Habillés en
jaune, des étudiants volontaires, au nombre de 65, ont assuré l’accueil et
l’ordre même si le public s’est trop approché de la scène installée par
l’équipe technique de l’OREF (Office Riad El Feth) d’Alger.
Ces étudiants sont inscrits à l’American corner (le coin américain) de
l’université de Béchar et parlent presque tous anglais.
« Ici, nous sommes dans l’enceinte de l’Histoire »
Le concert a débuté vers 14 h avec un programme musical chill
out assuré par l’artiste mauritanien DJ Dhaker. Après
un pause, les allocutions d’ouverture ont été
prononcées. D’abord, par le wali de Béchar Mohamed SaidBengamou qui a évoqué les richesses touristiques de
la région de la Saoura, mises en lumière grâce à la résidence OneBeat Sahara, marquée par la présence de 24 artistes
venus de huit pays.
« Ici, nous sommes dans l’enceinte de l’Histoire et de la culture
authentique. Derrière la scène, il y a les gravures rupestres qui remontent à
la préhistoire. L’Algérie est le deuxième berceau de l’humanité. Il y a ici des
ksour classés parmi le patrimoine national, témoins du génie de nos
ancêtres, entourés d’oasis uniques en leur genre », a souligné Zouhir Ballalou, secrétaire général du ministère de la Culture et
des Arts, en insistant sur l’ouverture sur les autres cultures.
Elizabeth Moore Aubin, ambassadeur des Etats Unis à Alger, a parlé, elle, de
l’apport des esclaves africains en matière de musique aux Etats Unis. « La
musique était l’un des rares moyens par lesquels les esclaves pouvaient
s’exprimer, et les esclaves transmettaient leurs chansons de génération en
génération. Ces traditions se sont ensuite mélangées aux traditions de migrants
européens, des Amérindiens et d’autres pour créer ce que nous appelons
aujourd’hui « la musique américaine », a-t-elle écrit dans un texte
remis à la presse. Sa brève allocution a été prononcée en anglais, sans
traduction.
Le style yala mauritanien côtoie le châabi algérien
Le groupe El Ferda de Kenadsa,
mené par Larbi Bestami, a donné le « la »
du concert OneBeat Sahara avec des chants
traditionnels. Il a été suivi par le premier groupe, composé lors de la
résidence, qui a présenté un programme intitulé « Jaloudi »
formé de cinq morceaux.
« Le premier morceau, c’était du chaabi, une
reprise d’une chanson andalouse avec mes propres paroles, chanté en duo avec
Fama Mbaye », a expliqué le chanteur chaabi
algérien Karim Bouras.
« Jaloudi, c’est le bourgeon. J’ai chanté
« Dona Bamba » dans le style traditionnel yala,
une manière de rendre un hommage aux femmes et aux hommes braves », a
précisé la chanteuse mauritanienne Fama Mbaye.
La guitariste algérienne Soumia Ghechami a, ensuite,
présenté une nouvelle composition à la sonorité rock, augmentée par une
improvisation rap du batteur américain Ignabu qui
s’est adapté au rythme algérien. Ignabu, qui est né
dans le Queens à New York, est également artiste-photographe.
Le violoniste tunisien Hassen Ben Ahmed Mchaïkhi
a, à la fin, présenté une nouvelle composition sensuelle marquée par une
couleur orientale contemporaine.
« Les musiques populaires de plusieurs pays ont été rassemblées…
« Karim Bouras confie qu’il compte chanter en trio avec Fama Mbaye et
le marocain Aziz Azzi Ozouss,
dans une chanson arrangée par l’algérien Nazim Bakour.
Une première !
« Dans OneBeat, il ne s’agit pas de composer
seulement. Les artistes doivent faire leur création par thèmes. Le thème
premier a été le chaabi. Les musiques populaires de
plusieurs pays ont été rassemblées pour servir de base à de nouvelles créations
comme c’était le cas avec le groupe de Karim Bouras. Plusieurs exercices ont
été faits pour arriver à ce résultat », a expliqué Chakib Bouzidi, directeur artistique de OneBeat
Sahara.
« Scoring Sahara » (marquer le Sahara)
a été le deuxième programme musical présenté, après un spectacle diwane du groupe de MaalemAbdeldjebar de Béchar. Un spectacle marqué par
l’introduction de la batterie pour appuyer le tbal et
les karkabou et la guitare électrique pour soutenir
le gumbri.
« Scoring Sahara » est mené par le
chanteur et musicien américain Haile Supreme (un des concepteurs du projet OneBeat Sahara).
« Notre langue est la musique »
Les racines africaines de l’artiste new yorkais, né de parents éthiopiens,
sont bien présentes dans la composition jouée avec beaucoup de talent. Haile
Supreme était accompagné par les algériens Raja Kateb et Bouba,
le marocain Aziz Azzi, le malien Oumar TourèGarba et les américains Matt Evans et Nina Nappy. Le rap de Nina Nappy a
fait suite au chant amazigh de l’Atlas marocain de Aziz Azzi et aux sonorités
du nord-mali du guitariste Oumar TourèGarba.
« Cet échange musical m’a beaucoup plu. On ne se connaissait pas, on
s’est rencontré ici à Taghit et nous avons composé
ensemble des chansons, notre langue est la musique. Dans ma chanson, je dis que
si le soleil couchait vite, la lune prendrait le relais avec ses lumières. Mon
style, c’est le blues du désert. Nous sommes les élèves de Tinariwen »,
a souligné Bouba, un chanteur et compositeur de
Djanet.
« Say wewant
love ! »
Boubakeur Machar ou Bouba
a commencé sa carrière musicale à Djanet en 2007, élevé dans une famille
où on pratique le tindi, style musical targui. Il est
membre du groupe Deran (espoir en tamachaq)
qui travaille actuellement sur un album.
« Futura Folk », le troisième programme, a rassemblé Dj Dhaker, le nigérien Moussa Kildjate,
les algériens LabibBenslama
et Hind Boukella et les américaines Black Assets et Dominica.
Black Assets, venue du Mississipi où se trouve une grande école du gospel , s’est distinguée par une magistrale interprétation
en sytle blues sur fond de musique saharienne. Le
groupe a interprété une chanson en hommage à « l’amour et la
liberté » : « Say wewant
love » (dites que nous avons besoin d’amour).
« Rai global »
« Rai global » était le dernier groupe à monter sur scène, vers
20 h. Il était composé de l’algérien Nazim Bakour, de
la marocaine Hind Ennaira, de l’algéro-américaine
Warda Essra, de la malienne Hadja Fanta Diabate et de l’américaine ElennaCanlas.
Un mélange étonnant de sonorités et de notes débuté par un extrait d’une
chanson de CheikhaRemitti,
suivi d’un jeu appuyé de gumbri gnawi et d’un chant
aérien d’ElennaCanlas,
relayée par Nazim Bakour qui fait bien « parler »
la guitare. Warda Essra, danseuse et enseignante de
danse nord-africaine à New York, a appuyé la percussion en jouant le qallouz et en exécutant quelques pas de danse sur scène.
Karim Bouras a rejoint le groupe pour jouer lui aussi du qallouz
sur des airs de Alaoui ouest-algérien.
Le deuxième concert de OneBeat Sahara, qui a
débuté le 24 février 2022, aura lieu le vendredi 11 mars à l’Opéra d’Alger
Boualem Bessaih, après une deuxième résidence à Villa
Abdellatif, à Alger. Comme à Taghit, tout ce qui a
été écrit, composé et joué durant la résidence sera rendu sur scène.