SPORTS -ETUDES ET ANALYSES-
FOOTBALL/AFRIQUE/ COUPE DU MONDE (II/II)
Une étude
de Harvard explique pourquoi aucune équipe africaine n’est prête à remporter la
Coupe du monde de football
© Servan Ahougnon/Agence
Ecofin.com, samedi 12 février 2022
L’espoir est permis : Selon les
conclusions de l’étude, il faut que les meilleures nations africaines de
football améliorent la qualité de leurs adversaires pour développer les capacités
nécessaires à une victoire en Coupe du monde. En effet, pour remporter la Coupe
du monde, il faut être capable de battre les meilleures sélections nationales
de la planète. Les affronter plus régulièrement habituerait les équipes
africaines de football à ce niveau d’adversité.
A ce propos, de meilleurs adversaires seront un peu
plus accessible pour les nations africaines en 2026. La FIFA a confirmé que
l’édition de la Coupe du monde qui se tient cette année-là verra pour la
première fois la participation de 9 pays africains. Un plus grand nombre de
places dans le tournoi augmentera légèrement la qualité de la concurrence
affrontée par les pays africains participants, étant donné que seuls les trois
matchs de poules sont garantis.
Les exemples de la Belgique et de la France qui sont
aujourd’hui de grandes nations de football grâce au niveau de l’adversité
affrontée, fondent cependant l’espoir pour les pays africains. Une nation
africaine remportera le mondial, mais le moment n’est pas encore venu. « Certains
observateurs pourraient interpréter les améliorations enregistrées au cours des
dernières décennies pour déclarer que des pays comme la Côte d'Ivoire, le Ghana
et le Nigeria sont sur la voie pour remporter le trophée entre 2030 et 2040.
Cependant, cet argument est peu plausible quand on observe les limites de la
stratégie implicite sur laquelle les pays africains semblent s'appuyer pour
améliorer leur situation : la domination des adversaires intracontinentaux
et la victoire dans les tournois régionaux. Cette stratégie ne suffira pas si
ces pays veulent se hisser au sommet de la hiérarchie », précise
l’étude.
Plus qu’une affaire d’adversité… :Cette étude d’Harvard
soulève un problème réel car le niveau d’adversité est certainement une donnée
importante dans la compétitivité des équipes africaines en Coupe du monde.
Toutefois, ce rapport élude plusieurs autres facteurs importants qui plombent
le niveau des sélections nationales du continent. Pour commencer, les
infrastructures et les formations requises pour former des footballeurs
professionnels font souvent défaut. En dehors de quelques exceptions la
formation d’internationaux africains passe par l’Europe et parfois les joueurs
formés à l’extérieur ne reviennent pas jouer pour leurs nations d’origine. Par
ailleurs, très peu de championnats africains se tiennent régulièrement et cette
situation impacte fortement la qualité des équipes nationales qui doivent par
ailleurs réclamer, non sans mal, que les clubs étrangers libèrent leurs
internationaux pour les compétitions. Par exemple, le
Nigeria, pourtant considéré comme une des meilleures nations du continent, a du
mal à organiser correctement son championnat local. Pourtant, ce
championnat est essentiel pour assurer la progression des joueurs de l’équipe
nationale n’évoluant pas dans des clubs étrangers.
L’argent, également nerf du football : Il ne faut pas non
plus oublier les questions liées à la redistribution des droits TV des
compétitions africaines, déterminante pour donner aux fédérations les moyens
d’offrir aux joueurs les meilleures conditions de formation ou même d’exercice
de leur activité.
Selon le cabinet Deloitte, lors de la saison
2016-2017, les ligues européennes de football ont généré 14,7 milliards
d’euros. C’est 9% de plus que la saison précédente, générés essentiellement,
comme ces 10 dernières années, grâce aux droits TV. Dans le même temps, en Afrique les médias
et les diffuseurs ne se sont intéressés qu’aux ligues locales à partir de 2016. Ainsi, les
fédérations européennes ont eu accès depuis plusieurs années à une manne financière
que le continent africain découvre à peine, créant, au-delà de l’écart sur le
plan sportif, un gap sur les moyens financiers disponibles pour améliorer les
conditions de pratique du football et la formation.
Etonnamment, c’est un problème bien connu d’Harvard
qui avait rédigé une étude sur le sujet
en 2017 : « Des pays comme l'Afrique du Sud, l'Algérie et
l'Égypte possèdent les plus grands clubs du continent, mais ceux-ci ont moins
de pouvoirs financiers que ceux de la MLS, le championnat des États-Unis. Les
autres ligues et clubs ne sont pas financièrement importants même dans des pays
comme le Ghana et le Nigeria. Nous estimons que l'ensemble des clubs du continent
africain génère moins de 400 millions $ de revenus, moins que les revenus
de n'importe lequel des cinq premiers clubs européens », avaient
déclaré les chercheurs de l’université. L’écart financier entre les fédérations
africaines et les fédérations européennes ne s’arrête pas aux compétitions de
clubs. Les états financiers audités de la CAF pour l'exercice clos le 30 juin
2017 révèlent un revenu disponible de 24,2 millions $. Après déduction des
dépenses et des frais financiers, le revenu global total n'est que de
892 000 USD. En revanche, la Fédération anglaise de football a réalisé un
chiffre d'affaires de 376 millions de livres sterling (490 millions de dollars
US) au cours de l'exercice clos le 31 juillet 2018, souligne ACCA.
Par ailleurs, l’équipe gagnante de la 31e Coupe
d'Afrique des Nations 2017 au Gabon a reçu 4 millions de dollars, contre 1,5
million pour la Côte d'Ivoire, championne en 2015. Le vainqueur de la CAN qui
vient de s’achever au Cameroun est censé recevoir 4,5 millions de dollars. Le
vainqueur de l’Euro de football gagne environ 11,4 millions de dollars. Ces
écarts ont un réel impact sur la performance des équipes. En dehors des primes
versées aux joueurs, elles déterminent les budgets alloués aux fédérations pour
le déplacement et le quotidien des joueurs lors des déplacements
internationaux.
On ne peut négliger l’impact des moyens financiers
dans l’état actuel du football africain. Parfois, les problèmes d’argent
prennent le dessus sur les compétences sur le terrain. En 2019, par exemple, le
Malawi a abandonné les qualifications à la CAN par manque de moyens
financiers. « Après avoir considéré toutes les options […] nous
avons décidé de nous retirer des qualifications pour la CAN à cause d’un manque
de financements. Le triste état dans lequel se trouve l’équipe, aussi bien au
niveau de ses finances que du soutien dont elle bénéficie, ont rendu cette
décision inévitable », avait déclaré Alfred Gunda,
le patron de la fédération malawite de football dans un communiqué. Cette
réalité, bien connue en Afrique, semble avoir échappé aux chercheurs de
Harvard.