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Zenqaoui (genre musical)

Date de création: 11-02-2022 12:37
Dernière mise à jour: 11-02-2022 12:37
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CULTURE- MUSIQUE- ZENQAOUI (GENRE MUSICAL)

 

UN GENRE MUSICAL MI-REBELLE, MI-MORALISANT

Le zenqaoui, la voix d’une jeunesse en colère

© Yasmine Azzouz/Liberté jeudi 10 février 2022 (Extraits)

Loin des projecteurs, un nouveau genre musical sort des bas-fonds des quartiers populaires algérois, comme l’incarne l’appellation qui lui est donnée : “zenqaoui”. En un temps record, ce style mi-rebelle, mi-moraliste, s’impose sur la scène artistique et impose ses figures. Il séduit une jeunesse en quête de liberté.

Né dans les quartiers populaires, au croisement des musiques urbaines et populaires que sont le rap, le hip-hop, le raï, le chaâbi et les chants de supporters, le zenqaoui, aussi orthographié “zen9aoui”, cristallise l’effervescence artistique d’une jeunesse en rupture avec un ordre social oppressif. Mouh Milano, Didine Canon 16, Fouzi Torino ou encore Djalil Palermo sont sur le devant de la scène musicale actuelle, comptabilisant chacun des millions de vues et de streams. Signés chez TCE Production, un label spécialisé dans les musiques urbaines et Skyprod, label généraliste, chacun de ces jeunes artistes a son identité propre, empruntant tout à la fois au chaâbi comme Didine Canon 16 ; au raï, à l’image de Djalil Palermo, et aux chants des stades comme Mouh Milano. Même si les soubassements de cette musique ont pour ancrage les quartiers populaires, c’est le monde du football qui lui a donné plus de visibilité, en plein Hirak. Trois années en arrière, les stades vibrent au rythme d’un chant, devenu hymne ; La casa d’El-Mouradia.

Les revendications de ce texte enflamment les gradins. Les chants de supporteurs sortent des terrains de football et investissent la rue. À cette même période, un certain Mouh Milano, jeune supporter de l’USMA, sort un titre,  Y en a marre. Sans clip, la voix de Mouh Milano chante la désillusion, les problèmes de la vie quotidienne, le désespoir… La chanson, produite avec des moyens dérisoires fait pourtant le buzz. En novembre 2020, le désormais chanteur revient avec une nouvelle image et le titre de sa carrière Machafouhache

Près de 350 millions de vues aujourd’hui, le morceau, aidé d’un clip signé Amine Boumediène, finit d’asseoir le chanteur et le zenqaoui de manière générale, comme le nouveau visage de la scène musicale algérienne. D’ailleurs, des artistes de l’ancienne génération, comme Bâaziz, collaborent aujourd’hui avec ces nouveaux visages, et le succès n’est jamais bien loin. Sur la chanson Iweli laman, sortie en octobre 2021 et comptabilisant près de 30 millions de vues sur YouTube, la rencontre des univers de Baâziz et Djalil Palermo, a également participé à populariser le zenqaoui auprès d’un nouveau public. Depuis trois ans donc, nul ne peut échapper au phénomène zenqaoui. Qu’on y adhère ou pas, le succès que rencontre ce genre mérite qu’on s’y intéresse (…………….). À propos des réalisateurs, il est indéniable que les clips ont joué un grand rôle dans le succès des titres phares du zenqaoui. Courage, Lwalida, Machafouhache, entre autres clips, sont signés Amine Boumediène. À propos de Machafouhache, le réalisateur dira “le fait d’avoir grandi dans un quartier plutôt populaire a certainement joué un rôle dans ma manière de construire le clip. J’ai vécu les choses qu’on voit dans ces images. La première fois où j’ai écouté Machafouhache j’ai été touché. J’ai essayé de réaliser ce clip de manière à ce que même ceux qui ne comprennent pas notre langue saisissent le message derrière le clip.” Et d’ajouter : “Le secret du succès du zenqaoui tient à plusieurs éléments. Il y a d’abord les mélodies qui captent l’attention et les paroles qui touchent les franges fragiles de notre société.” (……….) .À regarder de plus près les paroles des chansons, Mohammed Zakaria Ali-Bencherif, sociolinguiste à l’université de Tlemcen et professeur affilié au Crasc et Cema d’Oran, avance que leurs auteurs font preuve d’une inventivité linguistique et d’un usage original de la langue. Une mise en mot particulière des rêves, désespoirs et désillusions. “La nature des ressources linguistiques mobilisées est l’alternance des langues, emprunts et néo-codages relevant d’une inventivité linguistique et d’un usage fantaisiste et original que certains résument en un terme réducteur, ‘semi-linguisme’. N’est-ce pas une discrimination provenant de la méconnaissance de la dynamique langagière des gens insensibles et souffrant de la haine de soi ?”. Et Mohammed Zakaria Ali Bencherif de conclure : “Le français alterné avec l’arabe algérien et des formes de l’arabe classique, est utilisé pour dire le bien, l’espoir et le rêve, le mal et le désespoir. Cette manière contrastée de dire/chanter la réalité invite à (re)penser le rêve et les amène à se repositionner voire à se démarquer et marquer leur territoire, la rue (zenqa) comme un espace de création et de réflexion.”  
Même si nous ne possédons pas assez de recul sur ce genre musical, il est indéniable qu’il participe à la transfiguration du paysage musical. Il est une note d’espoir et un état d’esprit qu’adoptent beaucoup de nos jeunes, car ne dit-on pas que la musique adoucit les mœurs ?