AGRICULTURE- ELEVAGE- CHEVAL BARBE (II/II)
© Kamel
BOUSLAMA , Blog, www.radio-m.net, 01/01/22 19:01
Cavaliers numides :
«Ils manœuvraient avec la grâce «d’un vol d’oiseaux»
La
première mention de la cavalerie numide nous est faite par l’historien
grec Polybe lors de la première guerre punique en
Sicile sur un général carthaginois nommé Hannon, il cite : «Hannon, voyant les Romains
affaiblis, épuisés par la famine et par les maladies qu’engendrait une
atmosphère empestée, […] prit avec lui, outre cinquante éléphants, son armée
entière, et se dépêcha de sortir d’Héraclée. Il donna ordre aux cavaliers
numides de pousser en avant, d’approcher le plus possible du retranchement des
ennemis, de chercher à exciter par leurs provocations la cavalerie romaine,
puis de battre en retraite jusqu’à ce qu’ils l’eussent rejoint».
C’est la première mention que nous avons de l’utilisation des cavaliers numides
par Carthage, et également de leurs tactiques dans
les batailles.
Sur
leurs chevaux Barbe, les cavaliers numides furent présents dans tous les
affrontements importants des trois Guerres
Puniques jusqu’à la défaite finale de
Carthage, à partir du pacte passé entre Hamilcar Barca et Naravas à l’époque de la Guerre des Mercenaires. Ils
furent utilisés massivement par Hannibal, général carthaginois, qui parvint à
aligner plus de 4 000 de ces cavaliers à Cannes (région des Pouilles, dans le
sud-est de l’Italie)[
L’historien
romain Tite-Live, quand à lui, rapporte que les cavaliers
numides «emportaient deux chevaux et qu’ils sautaient du cheval fatigué à celui
qui était frais, très souvent au moment le plus acharnée de l’échauffourée[ . Coureurs instinctifs, ils
étaient réputés pour ne pas utiliser de selle ou des rênes. Guidant leurs
chevaux avec la pression de leurs jambes, ils utilisaient seulement une
baguette pour les diriger et manœuvraient avec la grâce «d’un
vol d’oiseaux». Toutefois, le géographe grec Strabon affirme qu’ils passaient des cordes autour du cou du cheval, en guise
de rênes[ : «…là galopent librement les cavaliers numides, sur leurs chevaux sans rênes
qu’ils font obéir avec une baguette souple, aussi efficace qu’un mors, et dont ils jouent entre les oreilles de leurs
montures».
Les
auxiliaires maures de la Colonne Trajane ainsi que les peintures murales de la
région du Tassili N’Ajjer confirment l’usage d’une simple corde attachée à la tète du cheval sans mors dans la bouche, ce qui leur valut
de la part de Romains le qualificatif «sine frenis» (sans mors).
Traditions
équestres, la fantasia nous vient du fond des âges
En
Algérie les origines de la fantasia remontent à la nuit des temps. C’est une
véritable répétition d’un rituel guerrier pratiqué par les ancêtres, en
l’occurrence les cavaliers numides dans leur résistance face à l’armée romaine.
Aujourd’hui, la fantasia célèbre une fête religieuse (waàda),
une fête civile ou alors le cheval lui-même, comme c’est le cas à Tiaret ou à
M’doukal (W.de Batna) pour ne citer que ces deux
localités. Et le cheval barbe, symbole de la fierté des populations des hautes
plaines steppiques jouit d’une place privilégiée dans la vie affective du
bédouin. Sa maniabilité en fait un cheval de fantasia par excellence.
La
fantasia est alors soumise à un ensemble de comportements codifiés. L’ambiance,
engendrée par les cavalcades bruyantes des groupes, les coups de feu
retentissants et l’odeur de la poudre, est très particulière.
Dans
l’ouest et le centre du pays, on peut assister encore à des fantasias de
groupes qui s’opèrent avec au moins une dizaine de cavaliers qui galopent cote
à cote et arrêtent leurs montures après la salve de
coups de feu et ce, à quelques mètres à peine des
spectateurs.
A l’est
du pays, les cavalcades s’effectuent par vagues successives de deux ou trois
cavaliers et la fantasia devient exhibition de haute voltige et de jeux
d’adresse.
La
beauté des costumes des cavaliers ainsi que le harnachement des chevaux procurent des sensations uniques. Pour
témoigner des traditions hospitalières du peuple algérien, ces manifestations populaires
se terminent toujours par des agapes joyeuses et conviviales, dont les méchouis
et les couscous qui très souvent rivalisent de saveur et de finesse.
Autour
du cheval et comme pour l’honorer, se sont à ce jour formés de grands artisans
selliers, tant leur amour à façonner des harnachements et des selles brodées de
fil d’or et d’argent s’apparente à de l’art proprement dit. Alors, pour tout
dire, question qui tombe sous le sens : tant le cheval Barbe que la
Fantasia qui perpétue sa renommée mondiale ne devraient-ils pas figurer au
patrimoine immatériel de l’humanité ? N’est-il pas grand temps de procéder
au dépôt de leur dossier pour classement à l’Unesco en tant que patrimoine
national prouvé, fondé et ce, avant que d’autres pays ne se l’approprient au
détriment de l’Algérie ?