Après les harkis, le président
français Emmanuel Macron, a rencontré mercredi 26/1/2022, à l’Elysée (Paris) les « pieds noirs » ou
« les rapatriés d’Algérie » pour évoquer « la page
tragique » de « l’exode » de 1962.
Pour Emmanuel Macron, « l’arrachement » à la terre d’Algérie fut « une
peine inconsolable » pour les rapatriés. « L’histoire des
rapatriés d’Algérie est celle d’amour charnel pour cette terre, d’effort, de
labeur pour la faire fructifier, puis, l’histoire d’un exode et d’un exil.
L’exode contraint et subi de Français nés dans cette France de l’autre côté de
la Méditerranée et pris dans la tourmente de la guerre. Puis, l’exil, déracinés
au sein de leur propre patrie », a-t-il déclaré, ce mercredi 26 janvier,
lors d’un discours à l’Elysée en présence de représentants de « pieds
noirs », de parlementaires et d’historiens.
L’histoire des rapatriés d’Algérie est, selon lui, celle de la France.
« L’exode de 1962 est une page tragique de notre récit national aux
prémices lointaines et aux conséquences profondes, inédit par son ampleur, sa
soudaineté, son impréparation et sa brutalité. En quelques mois, près d’un
million de personnes sont passées d’une rive à l’autre », a-t-il dit.
« C’est ce monde là qui fut englouti en
1962… »
Après avoir évoqué les Européens d’Algérie, qui
« formaient une mosaïque » et qui étaient « attachés à cette
terre qu’ils avaient travaillé avec ardeur », le président français a loué
« l’idéal méditerranéen d’une vie harmonieuse entre juifs, chrétiens et
musulmans » durant la période coloniale française en Algérie (1830-1962). Il
a cité Albert Camus et son appel du 22 janvier 1956
pour « une trêve civile » afin d’illustrer son propos.
Dans ce texte, le romancier évoque l’Algérie en termes de « terre de
bonheur, d’énergie et de création ». « C’est ce monde
là qui fut englouti en 1962. Tout d’un coup, les repères familiers et
familiaux bâtis sur plusieurs générations s’effondraient dans l’incrédulité
pour certains, dans l’incompréhension pour beaucoup avec un insupportable
sentiment d’abandon pour tous », a regretté Macron.
« Fusillade » de la Rue d’Isly à Alger
Selon lui, les Accords d’Evians, établis entre la
France et le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et
signés en mars 1962, après presque sept ans de guerre de libération nationale,
actaient « la cessation des hostilités, l’interdiction des violences
individuelles et collectives, la garantie de la sécurité des personnes et des
biens Français d’Algérie ». « Il ne fut pas ainsi. Nous savons
l’ambivalence de cette date, victoire et soulagement pour certains, défaite et
calvaire pour d’autres », a-t-il affirmé. Il a évoqué « la
fusillade » de la rue d’Isly (aujourd’hui Larbi Ben M’Hidi)
à Alger qui a eu lieu le 26 mars 1962. Des civils, favorables à
« l’Algérie française », avaient été mitraillés par des soldats
français alors qu’ils voulaient rompre « le blocus » à Bab El Oued. Le
bilan serait entre 50 et 80 morts. Ce fait est resté censuré en France pendant
plusieurs années et aucun bilan officiel des victimes n’a été établi à ce jour.
Idem pour le lynchage d’une douzaine d’Algériens au quartier Belcourt par des français qui rendaient les musulmans
responsables de la tuerie de la rue d’Isly.
« Massacre…impardonnable pour la République »
La même journée du 26 mars, les militaires français fouillaient avec brutalités
les maisons, notamment à Bab El Oued, après la mort de sept soldats, assassinés
par l’OAS (Organisation de l’armée secrète), opposée à l’indépendance de
l’Algérie et soutenus par les pieds noirs. « Ce jour-là, des soldats
français, déployés à contre-emploi, mal commandés, moralement atteints, ont
tiré sur les français. Ce qui devait être une opération de maintien de l’ordre,
s’acheva par un massacre (…) En métropole, le drame fut passé sous silence. 60
ans après, la France reconnaît cette tragédie. Ce massacre du 26 mars 1962 est
impardonnable pour la République. Toutes les archives françaises sur cette
tragédie pourront être consultées et étudiées librement », a annoncé
Macron.
Le chef d’Etat français, qui a parlé de « surenchère atroce d’insécurité
et de violence » et de «l ‘engrenage
mortifère » (avant l’indépendance de l’Algérie, après les Accords
d’Evian), a évoqué « le drame du 5 juillet 1962 » à Oran. Selon lui,
des centaines d’européens, essentiellement français, furent massacrés.
« Ce massacre doit être regardé en face et reconnu. La vérité doit être de
mise et l’Histoire transmise », a-t-il plaidé sans désigner « les
coupables ».
« La valise plutôt que le cercueil »
Le 5 juillet 1962, à Place d’Armes, à Oran, une fusillade avait éclaté mais
dont l’origine reste inconnue. Les autorités françaises avaient accusé l’ALN,
Armée de libération nationale, et des « civils algériens » d’être les
auteurs de ce massacre mais aucune preuve sérieuse n’a été présentée pour
étayer cette accusation. « Il nous faut aussi raconter ces mois
d’adieux, de déchirure où des Français d’origine métropolitaine européennes ou
des populations installées depuis des siècles, comme certains juifs d’Algérie,
furent poussés à cette extrémité insupportable, la valise plutôt que le
cercueil », a déclaré Macron critiquant « l’accueil officiel
défaillant » en France des « rapatriés d’Algérie ». « Il y
a soixante ans, les rapatriés d’Algérie ne furent pas écoutés. Il y a soixante
ans, ils ne furent pas reçus avec l’affection que chaque citoyen français en détresse
mérite », a-t-il ajouté.
Ce discours d’Emmanuel Macron intervient à quelques semaines des élections
présidentielles en France. Le président sortant serait candidat mais n’a
toujours pas confirmé sa candidature.