COMMUNICATION-
ETRANGER- CONCENTRATION MEDIAS France 2022/BOLLORE FACE AUX SENATEURS
© Afp, 20/01/2022
Devant
une commission d'enquête du Sénat sur l'hyper-concentration des médias, Bernard
Arnault, propriétaire des Echos et du Parisien, a notamment démenti avoir tenté
d'acquérir Le Figaro.
Quelques heures seulement après Vincent Bolloré, le patron du groupe LVMH, Bernard Arnault,
propriétaire du groupe Les Echos-Le Parisien, était auditionné ce jeudi 20
janvier par une commission d'enquête du Sénat sur la concentration dans les
médias. L'actionnaire principal du géant du luxe a notamment assuré que son
groupe n'avait pas tenté d'acquérir le quotidien Le Figaro auprès
du groupe Dassault, contredisant des informations de presse.
L'homme d'affaires était interrogé par les
parlementaires sur ses velléités d'étendre son groupe de presse (Les Echos, Investir, Le Parisien et
des participations dans Challenges, L'Opinion et Lagardère) et d'audiovisuel (Radio Classique,
Mezzo) à d'autres médias. «Sur
M6 [mise en vente en 2021 par son actionnaire allemand Bertelsmann, ndlr], on
n'a pas étudié le dossier. On nous a sollicités, compte tenu de la taille du
groupe quand un gros dossier se présente, mais on ne l'a pas étudié», a-t-il répondu.
«Quant au Figaro, Le
Monde disait encore hier qu'on avait fait
une offre. C'est quand même très étonnant, ça vous montre quand même les
limites de la presse. C'est faux. Je leur ai dit à plusieurs reprises, je le
confirme aujourd'hui sous serment. Et néanmoins ils l'écrivent. (...) Ca vous montre que ma capacité d'influence est limitée», a-t-il ajouté.
En novembre, le quotidien du soir avait
cité Laurent Dassault, l'un des héritiers de Serge Dassault, qui assurait que «Messieurs Arnault et Bolloré avaient chacun fait une
proposition il y a quelques mois». Selon
Bernard Arnault, les médias sont «un sujet assez marginal» pour LVMH. Il a répété à plusieurs reprises s'y
consacrer personnellement assez peu, et n'investir la plupart du temps que
lorsque des titres en difficultés, «fleurons français»,
lui sont proposés, une activité pour lui proche du «mécénat».
D'autres magnats de la presse et de
l'audiovisuel passeront dans les prochains jours devant cette commission
d'enquête, qui doit rendre en mars un rapport sur les conséquences économiques
et démocratiques de l'hyper-concentration des médias. Les auditions de Patrick
Drahi (BFMTV, RMC) et Martin Bouygues (propriétaire de TF1 qui projette de
fusionner avec M6) sont notamment prévues. Celles de Xavier Niel et Arnaud
Lagardère ont été repoussées à une date encore non déterminée.
EDWY PLENEL CRITIQUE LES INTENTIONS DE BOLLORÉ ET ARNAULT DANS LES
MÉDIAS
© Afp, 24/01/2022
Edwy Plenel (Mediapart), Isabelle Roberts (Les Jours), Éric Fottorino (Le 1) et Nicolas Beytout
(L’Opinion) étaient interrogés vendredi 21 janvier au Sénat dans le cadre de la
Commission d’enquête sur la concentration des médias. d'écran
Il faut avoir des médias «champions
de la démocratie» et non pas des mastodontes médiatiques en France, a
défendu vendredi 21 janvier Edwy Plenel,
cofondateur du média d'investigation Mediapart, lors d'une audition au Sénat.
Les dirigeants ou fondateurs de L'Opinion, Les Jours et Le 1 étaient également
reçus par la commission d'enquête dédiée à la concentration des médias en
France. «Il faut d'abord avoir des
champions démocratiques. (...) Il faut avoir des champions professionnels, qui
ne donnent pas le spectacle que vous avez sous les yeux d'un débat public qui
est totalement corrompu par le déversement des opinions et non pas des informations», a plaidé Edwy Plenel.
«Notre métier, c'est de produire des informations, [...] des
vérités de fait, d'éclairer le débat public, et que les vérités, y compris
celles qui dérangent, soient au cœur du débat public. Ce n'est pas le déluge
des opinions pour tuer l'information», a-t-il défendu. Peu avant, le journaliste avait
critiqué les auditions par la même commission du milliardaire Vincent Bolloré,
dont le groupe Vivendi est à la tête d'une galaxie de médias en France (Canal+,
Lagardère...), et du magnat du luxe Bernard Arnault, propriétaire de LVMH et
d'un groupe de presse (Les Échos, Le Parisien, Radio Classique).
Celles-ci ont été «le
spectacle d'une fable», «ce ne sont pas des philanthropes, ce ne
sont pas des industriels, d'ailleurs ils n'investissent pas dans les médias,
ils achètent de l'influence et de la protection», a-t-il dénoncé. Edwy Plenel a également dit «ne
pas comprendre comment la chaîne CNews (contrôlée par
Vincent Bolloré) pouvait continuer à exister»,
alors que, dans sa convention avec le régulateur de l'audiovisuel, elle
s'engage à ne pas encourager les comportements discriminatoires.
Également auditionnée, Isabelle Roberts,
ancienne journaliste de Libération et cofondatrice du média
Les Jours, a indiqué enquêter sur les méthodes employées depuis six ans par
Vincent Bolloré dans le secteur des médias. Le milliardaire «a
déplacé le curseur du joug qu'un industriel peut faire peser sur un média»,
a-t-elle estimé. «Il a envoyé un
message à tous les propriétaires de médias : regardez, ça, vous pouvez le
faire, purger une rédaction», a-t-elle poursuivi. Outre une «réécriture» de la loi de 1986 sur
le pluralisme jugée «obsolète», «il faut trouver des
dispositifs, les verrous qui permettent de se prémunir des actionnaires
industriels interventionnistes, voire destructeurs, afin de protéger les
rédactions et les lecteurs», a demandé la journaliste. Éric Fottorino, créateur du journal Le 1, a jugé
pour sa part que «ces groupes hyper
concentrés sont des lieux où, régulièrement, on attache la liberté de la
presse, l'indépendance et les rédactions».
Éloigné de cette ligne, Nicolas Beytout,
patron du journal libéral L'Opinion qui compte parmi ses
actionnaires Bernard Arnault, a défendu les investissements de milliardaires
dans la presse papier, «quasiment
structurellement déficitaire». «Si
vous partez dans l'idée que ceux qui ont beaucoup d'argent sont les adversaires
d'une presse libre, je vous assure qu'il n'y aura plus beaucoup de journaux
dans dix ans», a-t-il dit. Il a par ailleurs proposé d'octroyer aux géants
du numérique «la qualité d'éditeur de médias» avec
les responsabilités juridique et judiciaire afférentes.