FINANCES- ENQUETES ET REPORTAGES- ARGENT
CORRUPTION A L’ETRANGER/RECUPERATION
.
©Abla Chérif - Alger (Le Soir), jeudi 13
janvier 2022
-
Des informations émanant de sources proches du dossier font savoir que des pays vers lesquels ont
été transférées d’importantes sommes d’argent ont gelé les comptes des
personnes arrêtées, et des personnes morales (sociétés) et jugées dans le cadre
de l’importante lutte contre la corruption déclenchée en Algérie depuis avril
2019.
Ces personnes ne sont autres que les anciens responsables et hommes
d’affaires, surtout, actuellement détenus, mais seules celles faisant l’objet
d’un jugement définitif sont concernées par la mesure. Jusqu’à l’heure, l’on
sait que sur les quinze hommes d’affaires concernés, seuls sept d’entre eux ont
été définitivement condamnés.
Ali Haddad, Mahieddine Tahkout,
les frères Kouninef et Mourad Eulmi
ont comparu dans de retentissants procès et respectivement condamnés à douze
ans, quatorze ans, dix ans de prison, alors que les frères Kouninef
ont, eux, été condamnés à des peines allant de six ans à douze ans. Leurs
procès ont révélé les montants incroyables transférés à l’étranger. Mahieddine Tahkout est, à lui
seul, l’auteur du transfert de 1 198 298 341,88 USD et 890 340,81.
Les frères Kouninef ne sont pas en reste avec un
transfert dont le montant est aussi important. Les biens de Ali Haddad sont,
eux, évalués à près de 300 millions d’euros. Nechnech
Zoulikha, plus connue sous le nom de Mme Maya, qui se
faisait passer pour la fille cachée de Abdelaziz Bouteflika, fait, elle aussi,
partie des personnes définitivement condamnées. Son procès a révélé qu’elle
avait transféré 1 550 000 euros.
On estime actuellement que le montant de l’argent se trouvant à l’étranger
que doit récupérer l’Algérie s’élève à 4,5 milliards d’euros. Cette somme
devrait, cependant, être revue à la hausse à la fin des procès des autres
hommes d’affaires (Metidji, Benamor,
Chelghoun…). La valeur de l’hôtel Palace, appartenant
à l’ancien patron du FCE, s’élève, à elle seule, à 227 millions d’euros.
Si les comptes des personnes définitivement condamnées ont pu être gelés sans
grosse résistance des pays concernés, il en est autrement pour les hommes
d’affaires détenant la nationalité française qui doivent, eux, faire l’objet
d’une autre procédure, nous dit-on.
Ce qu’il faut, d’autre part, savoir, c’est que l’argent et les biens qui
doivent être récupérés se trouvent essentiellement répartis entre certains pays
européens (France, Espagne, Italie, Suisse), le Canada, les Émirats arabes unis
et, dans une moindre mesure, le Qatar. Le plus gros de ces biens et comptes se
trouve, cependant, en France et en Espagne. Il est clair que l’Algérie se
trouve, elle, face à l’une des missions des plus délicates de son histoire. Les
spécialistes en la matière la qualifient de précédent dans les annales de
l’histoire du pays car «nous n’avons jamais vu autant
d’argent transféré à la fois, autant de biens à récupérer à la fois, c’est
unique ». Des avocats ont, à plusieurs reprises, plaidé pour la mise en place
d’une agence nationale pour le recouvrement de l’argent et des biens
transférés. « La récupération de cet argent relève, bien sûr, d’actions
diplomatiques, politiques, mais elle est avant tout une affaire juridique »,
affirment plusieurs spécialistes en la matière tout en rappelant que l’Algérie
avait signé, en 2003, une convention internationale liée à la lutte
anti-corruption.
Dans une intervention faite en septembre dernier, le chef de l’État avait
annoncé que « le processus était en bonne voie » et que plusieurs pays
étrangers avaient émis des « signaux positifs » et qu’il fallait s’attendre à
de « bonnes nouvelles ». Pour la première fois, il avait également fait état de
l’existence de négociations « à l’amiable » concernant uniquement les personnes
morales et avaient permis la récupération de quarante-quatre biens « de
l’Algérie, dont des appartements et des châteaux ».
Note almanach: Les
chiffres avancés doivent, évidemment, être vérifiées