Le rapport de « suivi de la situation économique » en Algérie,
élaboré en automne 2021 par la Banque Mondiale (BM), suscite
la polémique en Algérie. Que contient-il ?
Le rapport, qui plaide pour le redressement de l’économie algérienne
« après » la pandémie de Covid-19, est qualifié d’erroné par l’agence
APS (………………………..)
Le rapport est divisé en quatre chapitres : « évolutions économiques
récentes », « perspectives et risques », « évolution de la
pauvreté non monétaire et des inégalités en Algérie » et « résilience
de l’Algérie face aux risques climatiques et de catastrophe naturelle ».
« L’envolée des recettes d’exportation d’hydrocarbures contribue à
réduire nettement les besoins de financement extérieur, et permet de stabiliser à court terme les besoins croissants de
financement domestique. Grâce à la dépréciation continue du taux de change,
à des politiques soutenues de compression des importations et à une
amélioration des termes de l’échange, le déficit du compte courant se réduit et
les réserves internationales se stabilisent », souligne la Banque
mondiale dans un résumé.Il est souligné également que
le déficit budgétaire global de l’Etat demeure élevé, mais la hausse des
recettes pétrolières dans le budget « compense la baisse des recettes
fiscales et finance l’augmentation des dépenses courantes ».
La Banque mondiale craint qu’en l’absence d’une mise en oeuvre
rapide de l’agenda de réforme, la reprise économique sera fragile en Algérie et
les soldes budgétaire et extérieur se détérioreront à moyen terme. Elle évoque
un taux de croissance de 4,1 % en 2021 mais qui ira en diminuant à moyen terme, « compte tenu de la nature progressive de
la mise en oeuvre de l’agenda de réformes
structurelles annoncé pour relancer l’investissement et la croissance dans les
segments hors hydrocarbures de l’économie ».
Selon l’institution de Bretton Woods, la hausse de la production
d’hydrocarbures de l’Algérie soutiendra la croissance (non-inclusive) dans le
contexte de l’augmentation progressive des quotas de production de pétrole brut
et d’une production soutenue de gaz naturel mais, compte tenu de la forte intensité
capitalistique du secteur, cela n’aura que peu d’effets sur l’emploi.
« Les déficits budgétaire et du compte courant
devraient se détériorer graduellement, avec la diminution anticipée des
recettes pétrolières. L’inflation restera élevée sur la période de prévision,
dégradant davantage le pouvoir d’achat des ménages. La dépendance intacte de
l’Algérie à l’égard des revenus des hydrocarbures, l’apparition de nouveaux
variants de la covid-19 et le rythme des efforts de réforme annoncés restent
les principales sources de risques pour les perspectives économiques »,
est-il précisé.
Selon la Banque mondiale, la dette publique a « explosé » en
2021 en Algérie : « En 2020, le Trésor
public a financé un déficit budgétaire global considérable en utilisant les
reliquats du financement monétaire du programme 2017–2019 et les liquidités des
entités publiques. De ce fait, la dette publique
officielle du gouvernement est restée stable, atteignant 49,8%
du PIB fin 2020. Au premier semestre 2021, les autorités ont commencé par
demander des avances à la Banque d’Algérie (BA), entraînant une augmentation
temporaire des passifs envers la BA ».
La Banque mondiale précise qu’en juillet 2021, la
pouvoirs publics ont lancé un programme de rachat de créances d’une
valeur excédant les 15,3 milliards de dollars, rachetant les dettes des
entreprises publiques en difficulté envers les banques publiques, en échange
d’obligations du Trésor. « Pour compenser les banques publiques, un
Programme spécial de refinancement (PSR) a permis à la BA de leur fournir un
financement en échange de la remise en garantie des bons du Trésor acquis dans
le cadre du programme de rachat de créances. Ces banques ont ensuite réinvesti
la majorité de ces fonds dans des obligations du Trésor », note la Banque mondiale .
Et de poursuivre : « En conséquence, la
dette publique interne a augmenté de 12,9 % entre fin 2020 et fin juillet 2021.
Dans le même temps, les passifs publics envers les banques se sont accrus de
907 milliards de dinars entre décembre 2020 et juillet 2021, et de 1 002
milliards de dinars au seul mois d’août 2021 ».
Selon le rapport de la Banque mondiale , les
efforts de rationalisation des subventions et la dépréciation du dinar ont
contribué à une hausse marquée de l’inflation. « En octobre 2021,
l’indice des prix à la consommation avait augmenté de 9,2 % en glissement
annuel, un sommet depuis 2012. Une sécheresse précoce qui a freiné la
production agricole et les efforts de rationalisation de subventions
alimentaires et des importations ont contribué à une augmentation rapide des
prix des produits alimentaires frais et industriels (+16,5 % et +12,3 % en
glissement annuel, respectivement) », est-il noté.Durant 2021, les prix des produits importés et
des biens manufacturés ont continué de grimper à un rythme élevé et accéléré,
« alimentés par une dépréciation soutenue du taux de change ».
« En raison de la forte hausse de l’inflation alimentaire, le pouvoir
d’achat du segment le plus vulnérable de la population a été
disproportionnellement affecté en 2021, compte tenu du poids majeur des
produits alimentaires dans son panier de consommation », est-il encore
expliqué.
Selon la Banque mondiale , l’indicateur de la
pauvreté multidimensionnelle (IPM) a baissé en Algérie entre 2013 et 2019 (dernières
données disponibles), indiquant des améliorations sur toutes les dimensions
qui composent cet indicateur unique du bien-être des Algériens : résultats en
éducation, santé et conditions de vie.« L’enquête utilisée pour cette
étude a cependant été conduite avant le début de la pandémie du COVID-19. Si
l’Algérie s’en sort relativement bien au sein de la région MENA
(Moyen-Orient-Afrique du Nord), et malgré des améliorations notables, de
grandes lacunes subsistent et la pauvreté multidimensionnelle varie
considérablement d’une région à l’autre et entre les zones rurales et
urbaines », est-il indiqué.
Le Nord et le Nord-Est sont, d’après le même rapport, confrontés à des niveaux
de privation plus faibles qu’ailleurs, tandis que la région des Hauts Plateaux
Centre affiche des niveaux plus élevés. « Néanmoins, les régions
les plus pauvres ont connu une amélioration plus rapide entre 2013 et 2019,
montrant une convergence modérée avec les régions les plus aisées. En
parallèle, la santé et l’éducation sont devenues des dimensions de plus en plus
importantes de la privation, mettant en évidence les priorités politiques en
vue du développement humain du pays. De plus, si l’on étudie les différences
entre les zones urbaines et rurales, il apparaît que le taux de pauvreté est
quatre fois plus important dans les zones rurales que dans les zones urbaines
en 2019 », est-il ajouté.
L’Algérie, selon la Banque mondiale , a fait des
efforts persistants pour améliorer le quotidien de la population malgré un
ralentissement de la croissance au cours des cinq dernières années. « Au
cours de la dernière décennie, l’Algérie a fait des progrès modestes dans la
réduction de la pauvreté multidimensionnelle. Elle a réduit la mortalité des
moins de 5 ans et la malnutrition et amélioré l’éducation dans la petite
enfance et le taux d’achèvement de l’enseignement secondaire, entre
autres », est-il relevé.
La Banque mondiale souligne qu’en 2020, le « choc » de la
pandémie de Covid-19 a altéré les tendances positives en matière de développement
humain en Algérie, et a accru la nécessité, pour le gouvernement, « de
bien comprendre les complexités des dimensions du bien-être de ses citoyens,
afin d’accélérer le chemin vers le rétablissement du pays ».« À cette
fin, il serait utile d’avoir pour base de travail une bonne appréhension des
tendances dans le temps, de la façon dont les personnes font face aux
difficultés dans leur vie quotidienne (par exemple : nutrition, scolarisation,
assainissement, services publics, etc.), en particulier ces dernières
années », a noté la BM.Elle estime que l’IPM est
un indicateur utile pour « analyser, accepter et reconnaître la situation
actuelle, les améliorations qui ont été apportées et les lacunes qui restent à
combler dans le bien-être de la population ».« Les populations
pauvres et vulnérables sont un groupe important pour lequel il faut penser des
politiques de soutien spécifiques, ciblant les dimensions de privation . Si ces
populations sont protégées par une nutrition et une
scolarisation adéquates, le capital humain et la productivité de
l’Algérie pourraient grandement en bénéficier à l’avenir », a-t-elle
plaidé.