HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-ESSAI
RACHID KHETTAB- “DOCTEUR MOHAMED LAMINE DEBAGHINE.UN INTELLECUEL CHEZ LES PLÉBÉIENS
Docteur Mohamed Lamine Debaghine.Un intellectuel chez
les plébéiens (Préface de Djilali Sari) .Essai de Rachid Khettab,
Les Editions Dar Khettab, par Daho Djerbal. Boumerdès 2021, 400
pages, 1500 dinars
Il est né à
Hussein Dey (et non à Cherchell ainsi
que beaucoup le pensent.Il y
a effectivement vécu son enfance et il y est allé à l’école primaire). Collège (Blida). Baccalauréat….avec pour condisciples plus jeunes S. Dahlab, B. Benkhedda,M. Yazid, R.Abane, A. Boumendjel ….Maître d’internat au
lycée Duveyrier de Blida (lycée Ibn Rochd ). Ancien de l’Aeman, déjà militant du Ppa , il aura une influence capitale dans leur politisation . Etudes de médecine (par accident , dit-il, car pour un Algérien à l’époque , on ne pouvait espérer devenir que professeur dans l’enseignement ou avocat), interrompues par des
« séjours-prison » ….Sétif comme remplaçant du Dr Francis…..Installation à Saint Arnaud (El Eulma) …où il y a habité.
La suite est
une grande aventure .Doctrinaire de l’aile activiste du Ppa -Mtld (celle qui enfantera l’Os) en 1947, opposant à Messali Hadj en 1949
(à propos de la rénovation
du Ppa-Mtld et de la mise en
place d’une stratégie de la
lutte armée comme moyen de libération), occupant plusieurs postes importants au cours de la guerre de libération
,dont celui de ministre des Affaires extérieures
du Gpra après avoir dirigé « avec autorité et
intelligence » (F.Abbas, dixit) le bureau
central du Caire……
Lui, c’est le Dr
Mohamed Lamine Debaghine (décédé le 20 janvier 2003 à l’âge de 86 ans et enterré au cimetière de Sidi M’hamed) …..qui n’ a déposé son
dossier de retraite (moudjahid)
qu’en 1988….à l’âge de 71 ans.Il avait, aussi,
refusé un poste d’ambassadeur
(du temps de Boudiaf) , il n’avait
répondu à une invitation officielle qu’une seule fois (du temps de L. Zeroual) et il avait refusé la « sollicitude »
de Bouteflika ….et le Colonel Ouamrane dira de lui : « Les
deux personnes les plus honnêtes
de la révolution algérienne
furent Abane Ramdane et Lamine Debaghine » (p 324)
Un document à lire absolument.Alors
député à l’Assemblée française, il prononça, lors des débats concernant le Statut de l’Algérie en 1947, un discours retentissant.Une plaidoirie remarquable pour
affirmer l’existence de la Nation algérienne
et le rétablissement de la souveraineté,
comme il dénia à la France
de légiférer au nom du peuple
algérien.Il revendiqua
« une Assemblée constituante
algérienne souveraine, seule légitime pour décider de l’avenir de l’Algérie ».Hocine Ait Ahmed dira de lui : « Lamine était fantastique ! »
L’Auteur : Sociologue de formation, diplômé d’universités (Montpellier et Paris) , après avoir exercé plusieurs
métiers , il fonde sa maison d’édition en 2006.....et ce, afin d’offrir au public des ouvrages de référence dans différents domaines.Déjà deux dictionnaires biographiques à caractère historique :
« Frères et compagnons » consacré » aux Algériens d’origine européenne et de
confession juive durant la
Guerre de libération nationale
et « Des amis, des frères » qui traite des soutiens internationaux à la lutte de libération nationale
Sommaire : Préface/Introduction/ 1ère partie (6 chapitres)/ 2ème
partie (4 chapitres)/ 3ème
partie (1 chapitre)/ 4ème
partie (6 chapitres)/
5ème partie (2 chapitres)/Conclusion/Bibliographie/Annexe/Table des
matières
Extraits : « La conscience politique de Lamine Debaghine est née de la juxtaposition de la revendication indépendantiste chère aux
militants de la vieille garde
de l’Ena, issus de l’émigration ouvrière et de l’émergence au sein de la société
algérienne d’une nouvelle couche urbaine moderniste née dans l’ombre de la
colonisation , dont Lamine Debaghine est issu.Cette société est en
pleine ébullition et sa culture n’a pas encore coupé totalement avec la culture traditionnelle »
(p25), « Le débarquement des Américains
fut l’un des moteurs de la dynamique de changement qui s’est opérée dans la mentalité des Algériens.Il a constitué sur plusieurs points une rupture, un
choc tellurique qui ébranla
à jamais leur perception qu’ils
avaient de la suprématie de
la France et l’impératif de penser
à la refondation d’une
nation , d’un Etat » (pp 58-59), « Ils (les
« trois B ») avaient besoin de civils parmi eux.Il leur fallait
des têtes politiques.Ils s’allient aux civils, pour partager
le pouvoir, mais dès que ces civils les contestent, ils les remettent à leur place »
(p256)
Avis : Un ouvrage qui,
enfin, « rend à César ce qui appartient à César ».
Un illustre « méconnu »
- du grand public- du Mouvement
national,des années 40 jusqu’à l’indépendance.C’est, peut-être , le vrai père de la Diplomatie algérienne . Une personnalité
et un rôle si peu mis en valeur….comme beaucoup d’autres presque victimes des « non-dits »
de notre histoire contemporaine et du rôle de
l’intellectuel dans le processus
de prise de conscience nationale.
Il est vrai que « sa doctrine reposait sur une martyrologie sans référent religieux, une forme de mysticisme de l’engagement politique.Il
n’était pas seulement homme
de pensée , mais homme d’action »(p
357). Sorte d’électron
« libre », au caractère trop
« trempé », sans « soutien », se retrouvant presque toujours dans des
positions fragiles. Trop (Très ?) Dérangeant ?
Citations : « J’ai toujours joué le rôle de remplaçant ; même plus tard lorsque la
situation était difficile, on faisait
appel à moi » (M-L Debaghine, p 384)