CULTURE- PERSONNALITES-
FADELA M’RABET (ABADA)
Fadéla M'Rabet (née Abada) naît en 1935 à Skikda. Elle y vit dans
une grande maison abritant une vingtaine de personnes et plusieurs générations,
notamment sa grand-mère (Djedda) dont elle est proche. Ses parents
appartiennent au mouvement oulémiste, un mouvement
culturel et religieux lancé par le cheikh Ben Badis, un ami du père de Fadéla, dans les années 1920. Le mot d’ordre de ce
mouvement est : « L’Islam est notre religion, l’arabe est notre langue et
l’Algérie est notre pays ». Ce père est également le premier à envoyer ses filles
à l’école, bien qu’on y parle français. À l’école et dans la ville, les
relations sont tendues entre les communautés algérienne et française.
Elle poursuit des études supérieures à Strasbourg, et devient docteur en
biologie. En 1962, elle revient en Algérie devenue indépendante. Elle y épouse
Maurice Maschino, militant français pour
l’indépendance algérienne. Elle est elle-même une militante FLN. Ils enseignent
l’un et l’autre et animent de 1963 à 1967 des émissions à la radio Alger Chaîne
3. La radio est alors, dans ce nouvel État, un média de masse, plus accessible
que la presse écrite et plus répandue que la télévision : le nombre de postes
de radio dans cette période est estimé à 1 million, soit un pour 12 habitants. Fadéla M'Rabet et Maurice Maschino animent en particulier trois émissions : Le
magazine de la jeunesse, Cinq minutes d’histoire de l’Afrique et Des livres et
des hommes.
C’est à l’occasion de la première de ces émissions qu’elle reçoit des
lettres et des appels au secours de jeunes femmes : « J’ai tenté de donner la
parole aux jeunes filles qui vivaient dans des conditions lamentables. Elles
étaient soumises au mariage forcé. Leurs parents n’avaient jamais imaginé que
leurs filles allaient mettre fin à leur vie ». Elle commence à écrire pour
souligner quelques aspects du sort qui est réservé aux femmes, dans « un pays
qui se dit socialiste ». Elle écrit un premier ouvrage pour en témoigner, « La
Femme algérienne » en 1965. Mais l'année 1965 est marquée en Algérie par
un coup d’État qui marque l’éviction du président Ahmed Ben Bella au profit d’Houari
Boumédiène. Le nouveau régime se caractérise par une
volonté d'unifier le pays et une mise sous contrôle des médias qui doivent être
au service de la « Révolution ». Deux ans plus tard, en 1967, elle approfondit
son propos dans un deuxième ouvrage, « Les Algériennes ».
Elle cherche à souligner la conditions des femmes,
et remet en cause les privilèges des hommes. Cette situation est la même, selon
elle, au cœur du FLN puisque les anciennes militantes ont été, après
l'indépendance, écartées, face à des hommes se pliant aux traditions. Elle
explique que ces enjeux existent dans tous les groupes politiques, et pas
seulement chez les plus à droite. Les femmes sont « toujours mineures ». Elle
défend la mixité dès l'école maternelle, pour que les garçons voient les filles
« comme des humains ».
Elle doit interrompre ses émissions de radio, ne peut plus proposer de
reportages à la presse et est radiée de son poste d’enseignante. « On disait
que j’incitais à la débauche, dit-elle, alors que je soutenais qu’on doit se
libérer par la culture, par le travail, par l’instruction ». Ces ouvrages
ont parfois été critiqués par certains, qui y voyaient des femmes décrites en
permanence comme des victimes.
En 1971, son mari et elle partent s’installer en France. Ils écrivent
ensemble « L'Algérie des illusions . La
révolution confisquéez, publiée en 1972. Pendant 10
ans, elle ne peut retourner en Algérie, n’arrivant pas à renouveler son
passeport. Elle devient maître de conférences et praticienne au CHU Broussais
Hôtel-Dieu à Paris, tout en animant des conférences et en intervenant comme
journaliste.
En 1984, quand le Code de la famille algérien est révisé, elle dénonce des
traditions qui ne changent pas : polygamie et hommes favorisés dans le cas d'un
divorce, garde de l'enfant et héritage.
Elle recommence à publier des ouvrages à partir de 2003. En 2003, elle est
également invitée par la ministre Algérienne de la culture, Khalida
Toumi, au Salon du livre d'Alger