COMMUNICATION
– ETRANGER-INTERNET/PRESSE/DROITS VOISINS
©
Afp , 18.11.2021
Google
va rémunérer l'Agence France-Presse pendant cinq ans pour utiliser ses contenus
en ligne, selon un accord signé au titre des droits voisins du droit d'auteur.
Passage en revue de l'application de ce droit récemment institué en Europe pour
les plateformes numériques, qui vise à mieux partager avec les médias ces
revenus générés par les géants de la tech sur le web.
Que
sont les droits voisins du droit d'auteur en matière numérique? Ces
droits voisins sont une nouvelle composante de la propriété intellectuelle,
instaurée pour les plateformes numériques après de longues négociations lors
d'une réforme européenne du droit d'auteur en 2019.
La
directive européenne renforce la position de négociation des créateurs et
ayants droit (compositeurs, artistes...) face aux plateformes comme YouTube
(Google), qui utilisent leurs contenus. Elle a aussi créé des droits voisins du
droit d'auteur pour les éditeurs et agences de presse lors de la reproduction
de leurs articles ou photos par des agrégateurs comme Google Actualités, ou des
réseaux sociaux, comme Facebook.Pour Jean-Marie Cavada, président du nouvel organisme de gestion collective
qui doit négocier pour le compte de plusieurs médias avec les plateformes
(Google, Facebook, mais aussi Microsoft ou Twitter), les droits voisins
constituent désormais un mode de financement pérenne pour la presse. "On
ne peut plus se soustraire à l'idée que la presse, qui fournit des contenus et
dépense de l'argent pour les produire, doit recevoir une juste rétribution par
les plateformes numériques qui empruntent ses contenus pour faire fortune.
C'est un droit", a-t-il affirmé au Point.
Comment
les calcule-t-on? Longtemps, les
plateformes ont considéré que la redirection du trafic vers les éditeurs de
presse, qui touchent des recettes publicitaires, faisait office de
"rémunération" suffisante.Google,
l'acteur dominant de la recherche en ligne, avait un temps laissé le choix aux
éditeurs de céder gratuitement leurs droits voisins ou d'être déréférencé de
ses pages d'actualité. Mais l'Autorité de la concurrence a considéré que ces
conditions de négociations relevaient d'un contournement de la loi. Selon
celle-ci, "la rémunération due au titre des droits voisins pour la
reproduction et la communication au public des publications de presse sous une
forme numérique est assise sur les recettes de l'exploitation de toute nature,
directes ou indirectes ou, à défaut, évaluée forfaitairement", comme c'est
le cas pour l'accord entre Google et l’AFP.
Où
en sont les différents pays européens? Chaque
pays devait transposer la disposition européenne dans son droit national avant
le 7 juin 2021. L'Allemagne, la Croatie, l'Espagne, la Hongrie, Malte et les
Pays-Bas l'ont intégralement transposée. D'autres pays ont réalisé une
transposition partielle: c'est le cas du Danemark, de
la Lituanie, de la République tchèque, mais aussi de la France (où la
transposition est bien avancée).
"Bruxelles
a lancé une procédure de rappel à l'ordre à l'encontre de 22 pays qui n'ont pas
transposé intégralement ou correctement la disposition européenne",
souligne Clara Payan, collaboratrice du cabinet Derriennic associés. Jeudi en fin d'après-midi, Google a
aussi annoncé dans un billet de blog avoir signé un accord sur les droits
voisins du droit d'auteur avec plusieurs médias allemands, dont le Spiegel, Die
Zeit ou le Handelsblatt. Ceux-ci n'étaient pas immédiatement disponibles pour
commenter.
Qu'en
est-il en France? La France a transposé
la partie "droits voisins" de la directive de 2019 très rapidement,
en juillet 2019. Après avoir renâclé, Google et Facebook ont commencé à
négocier des accords avec les éditeurs de presse, individuellement ou avec des
associations les représentant, comme l'Alliance pour la presse d'information
générale (APIG), et le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM).Les discussions avec ces deux associations sont toujours
en cours. Début octobre, lors du colloque Médias en Seine, le directeur général
du Monde Louis Dreyfus avait confirmé la signature d'un accord avec Google et
Facebook. Le journal a reçu les "premiers flux financiers", avait-il expliqué.Ni Le Monde, ni l'AFP
n'ont indiqué le montant des sommes que Google verserait. Selon l'avocat
Fabrice Lorvo du cabinet FTPA, il s'agit d'un
"bon début". Google ayant reconnu qu'il devait payer pour afficher
ces contenus, il ne pourra pas revenir en arrière, souligne-t-il.