RELATIONS INTERNATIONALES- GOUVERNEMENT-
INTERVIEW A. TEBBOUNE /DER SPIEGEL, V 5/11/2021 (III/IV)
(dernière question rapportée par www.algerie54.dz . Voir
II/IV) : Der Spiegel : Le fait que tant d’Algériens tentent actuellement
de quitter leur pays ne va-t-il pas à l’encontre de votre politique ? Abdelmadjid
Tebboune : Ce n’est pas la situation économique
qui pousse les jeunes vers l’Europe. C’est le rêve d’une vie en Europe. En
Algérie, personne ne doit souffrir de la faim. Parmi ceux qui fuient, on trouve
de nombreux médecins et avocats qui gagnent relativement bien leur vie. Mais
n’oublions pas qu’il y a aussi beaucoup d’Algériens qui obtiennent des visas,
prennent l’avion pour Paris et Marseille et rentrent chez eux après deux
semaines.
© Synthèse publiée par Ali Boukhlef /Liberté , D7/11/2021
Visiblement très remonté contre le
président français, le chef de l’État a assuré qu’il ne
serait “pas celui” qui ferait le premier
pas” pour une éventuelle réconciliation algéro-française.
“Je ne serai pas celui qui fera le premier
pas. Sinon, je perdrai tous les Algériens. Il ne s'agit pas de moi, mais d'un
problème national. Aucun Algérien n'accepterait mon contact avec ceux qui nous
ont insultés”, a affirmé Abdelmadjid Tebboune, hier,
dans une interview au journal allemand Der Spiegle.
Le chef de l’État algérien réagissait
ainsi aux déclarations d’Emmanuel Macron qui s’interrogeait, le 2 octobre
dernier, dans les colonnes du journal Le Monde sur l’existence de la nation
algérienne avant la colonisation française. Macron avait également accusé le système
d’entretenir une rente mémorielle.
Tout en qualifiant cette assertion de
“très grave” parce qu’elle émane d’un chef d’État, Abdelmadjid Tebboune estime que même si son homologue français ne fait
pas partie de ceux qui véhiculent “la vieille haine des dirigeants coloniaux”,
ces propos ont été formulés “pour des raisons électorales”.
“C'est le même discours que tient depuis
longtemps le journaliste d'extrême droite, Éric Zemmour : l'Algérie n'était pas
une nation, seule la France a fait du pays une nation”, a-t-il encore ajouté,
accusant Macron de se ranger “du côté de ceux qui justifient la colonisation”.
Il a, toutefois, refusé d’évoquer “des excuses”, se contentant de souhaiter
plutôt une “reconnaissance”.
Malgré les tentatives d’Emmanuel Macron d’apaiser la tension née de ses propos, les
autorités algériennes ne semblent pas prêtes à digérer cette sortie de piste.
Abdelmadjid Tebboune exclut d’ailleurs tout règlement
de la crise entre les deux pays dans un proche avenir.
Décidée par Alger en représailles aux
propos acerbes du président français contre le régime et la nation algérienne,
la fermeture du ciel aérien aux avions français engagés au Mali restera encore
de vigueur.
S’il consent que les Français pourront
utiliser l’espace aérien algérien pour transporter des blessés, désormais, “(…) Si les Français veulent aller au Mali ou au Niger
maintenant, ils devront voler neuf heures au lieu de quatre”. “Macron a violé
la dignité des Algériens. Nous n'étions pas des sous-humains, nous n'étions pas
un peuple de tribus nomades avant l'arrivée des Français”, a martelé Tebboune.
Cette colère à l’égard des Français
tranche avec la bienveillance affichée à l’égard de l’Allemagne dont il dit
regretter le départ bientôt de la chancelière, Angela Merkel. “Les Allemands
nous ont toujours traités avec respect”, a, en revanche, assuré le chef de
l’État, qui dit souhaiter que les deux pays construisent “un grand hôpital à
Alger” pour qu’un président africain “puisse enfin être soigné ici, sur son
propre continent, plutôt qu'en Suisse”.
Il dit, également, attendre des
Allemands une coopération dans le domaine des énergies renouvelables pour que
l’Algérie puisse exporter vers l’Europe de l’énergie solaire.Toujours au chapitre diplomatique,
Abdelmadjid Tebboune a, pour la première fois, affiché
la disponibilité de l’Algérie à aider les Maliens si ces derniers “demandaient”
de l’aide. “Si les Maliens venaient à être attaqués demain, nous
interviendrions à leur demande”, a-t-il indiqué, tout en insistant sur le fait
que “l'Algérie n'acceptera jamais une partition du Mali”.
Au sujet des questions internes, le chef
de l’État a nié l’existence d’un conflit entre lui et l’armée. “C’est moi qui
donne les ordres” au chef d’état-major et les services de renseignement
“dépendent de moi”, a-t-il avancé.
Il dit, également avoir “engagé” une
lutte contre la corruption “aux échelons inférieurs”. Mais il nie toute
répression dans le pays. “En France, les journalistes sont en prison, aux USA
aussi, pourquoi n'y en aurait-il pas en Algérie ? Nous avons 180 quotidiens
ici, il y a 8 500 journalistes qui travaillent dans le pays, mais si deux ou
trois d'entre eux ont été condamnés à juste titre, ils disent, ah ! ils mettent
des journalistes en prison.
La liberté de la presse n'inclut pas la liberté de produire de fausses
informations ou de dénigrer votre pays. Si ces lignes rouges sont franchies,
alors la justice s'impose”, justifie-t-il. Il soutient, également, que “le Hirak, c’est moi” et que ceux qui fuient le pays ne le font
pas “pour des raisons économiques”, mais plutôt pour “le rêve d'une vie en
Europe” qui les motive, a-t-il expliqué. Le président Tebboune exige une «reconnaissance pleine et entière des crimes commis par les
Français» durant la colonisation.