RELATIONS
INTERNATIONALES-ITALIE- ENRICO DI MATTEI (ENI)
Il a été un révolutionnaire, tiers-mondiste et ami de
l’Algérie. Il s’agit de l’italien Enrico Di Mattei, ancien président directeur
général de la société italienne des hydrocarbures ENI, décédé le 27 octobre
1962, suite à un mystérieux crash.Ayant
été l’un des principaux contributeurs à la stratégie de la délégation
algérienne du GPRA, en matière de négociations sur les hydrocarbures, en
prévision des accords d’Evian. Le GPRA l’avait sollicité durant cette période,
se fiant à son parcours de personnalité anticoloniale, pour apporter son
concours à la manière de mener les négociations au sujet du dossier
des hydrocarbures.En
reconnaissance à son engagement pour l’indépendance de l’Algérie, les autorités
algériennes baptisaient en son nom le gazoduc reliant l’Algérie à l’Italie,
créé en 1977, le fameux Transmed Enrico Mattei.
Comme beaucoup d’européens qui avaient soutenu la
longue et difficile lutte du peuple algérien pour l’indépendance de son pays,
Enrico Mattei, cet ancien résistant au fascisme et nazisme, politicien de
gauche et dirigeant d’entreprise italien, Enrico Mattei consacre sa vie au
soutien des causes justes, et si son nom est célèbre, sa vision et son apport à
l’Algérie en guerre, sont méconnus de la grande majorité des Algériens de la
génération postindépendance.En 2010, un colloque
organisé par ENI et l’Algérie a été consacré au parcours de cet homme illustre,
qui avait permis à des acteurs de la Révolution qui l’avaient connu mais aussi
à de proches collaborateurs, de témoigner sur ce parcours hors du commun.Lors de ce colloque, Giampaolo
Cantini alors ambassadeur d’Italie à Alger, affirmait que Mattei représente
pour les Algériens, « un point de repère, une des figures désormais mythiques
qui appartiennent à l’histoire de la construction de l’Algérie indépendante »,
relevant pourtant que « si le nom est célèbre, sa personnalité, sa vision, le
contenu de ses relations avec les dirigeants de la révolution algérienne, sont
en grande partie méconnus ».
Le diplomate italien indiquait qu’une grande majorité
des italiens était en faveur d’une Algérie indépendante, rappelant au passage «
le rôle du maire de Florence, Giorgio La Pira, un
intellectuel catholique qui organisait dans sa ville les Colloques sur la Paix,
à l’occasion desquels, en 1958, 1960 et 1961, il souleva entre autres la
question algérienne ».Il citait aussi, des intellectuels qui étaient très
actifs à l’époque, dont Giovanni Pirelli, grand ami et traducteur de Frantz
Fanon ; Giangiacomo Feltrinelli, qui publiait des
traductions d’ouvrages de dénonciation de la situation en Algérie ; et bien
d’autres.
La stratégie à la direction de l’ENI menée par Enrico
Mattei était de développer une relation « plus étroite et équilibrée »
notamment avec les pays de l’Afrique méditerranéenne, en raison des liens
historiques mais aussi de « la complémentarité des économies ».Sur
la base de cette vision, l’Italie a développé sa relation notamment avec
l’Algérie indépendante et contribué à la construction de ses infrastructures et
à des volets importants de l’enseignement supérieur et de la formation. Mattei
avait l’intuition que l’Italie n’avait pas d’ambitions globales ni régionales
mais qu’elle pouvait, en raison de sa proximité géographique, de son histoire
ainsi que du niveau de technologie intermédiaire qu’elle avait développé,
apporter une contribution importante au développement des pays de nouvelle
indépendance, notamment dans l’Afrique méditerranéenne, estimait-il. « Mattei
avait conçu et mis en œuvre un concept nouveau, tout à fait politique, de répartition
équitable de la production entre pays producteurs et compagnies pétrolières.Son objectif était
d’assurer l’autonomie énergétique de l’Italie, en fonction du soutien à sa
croissance industrielle impressionnante au cours des années 50 et au début des
années 60. Mais il était bien conscient que la relation avec les pays
producteurs devait être axée sur des bases nouvelles, grâce auxquelles les
producteurs auraient retenu la plupart de la production pour leurs propres
besoins, et bénéficié du transfert de savoir-faire. Un principe tout à fait
actuel ».Pour lui, cette vision, Mattei l’a mise en
œuvre notamment dans ses rapports avec l’Algérie. Il déclarait à l’époque
publiquement qu’il n’aurait jamais accepté des concessions pour ENI dans le
Sahara algérien tant que le pays ne gagnait pas son indépendance. Bien au
contraire, il a donné des avis et des renseignements importants, aux autorités
du GPRA, avec un impact significatif sur le déroulement du volet énergétique
des négociations d’Evian ». Le diplomate soulignait avec amertume que «
paradoxalement et malheureusement, Enrico Mattei a eu la satisfaction
d’assister à l’indépendance de l’Algérie, mais il n’a pas pu connaître
l’Algérie indépendante, même si une visite de travail et des projets de
collaboration étaient en préparation au moment de sa mort.
Enrico Mattei , un soutien de
taille à l’indépendance de l’Algérie
Les figures de la révolution algérienne qui ont côtoyé
le patron de l’ENI, ne tarissaient pas d’éloge sur son engagement à l’égard de
l’indépendance de l’Algérie, sa maîtrise des dossiers énergétiques, et son
hostilité à l’égard des multinationales et pays qui exploitaient injustement
les richesses des peuples opprimés . Mattei abhorrait
les mégapoles occidentales de l’industrie pétrolière qui couraient et courent
encore aujourd’hui, derrière le super profit au détriment des peuples,
exploitant sans vergogne, avec la complicité des dirigeants locaux, leurs
richesses nationales et les maintenant dans la pauvreté et le sous-développement.Au contraire de ces multinationales
privées, l’ENI qu’il créa est une entreprise publique italienne qui partage
équitablement (50%), la richesse avec le pays pétrolier ou gazier, où il opère,
et parfois même, ne prend qu’une partie inférieure (30%) à celle concédée à ce
pays. Selon Daho Ould Kablia, ancien Collaborateur de Abdelhafid
Boussouf et président de l’Association des Anciens du
MALG, Enrico Mattei, bien avant la création de l’entreprise publique des
hydrocarbures (ENI) dont il a été l’initiateur et le premier responsable, avait
été « « un acteur incontournable de la scène politique italienne au lendemain
de la seconde guerre mondiale. Il était ambitieux pour son pays qu’il voulait
voir s’élever au rang des grandes nations européennes. Membre de la Démocratie
Chrétienne, il était connu pour sa sensibilité tiers-mondiste, farouchement
opposée à l’hégémonie des grandes multinationales anglo-américaines qui
monopolisaient à leur profit exclusif, l’exploitation des riches gisements
d’hydrocarbures à travers le monde notamment dans les pays du Proche et du
Moyen Orient ». Pour lui, Mattei était persuadé que les activités d’exploration
et d’exploitation qu’il avait initiées, avec succès en Italie, ne pouvaient
qu’être contrariées pour toute tentative de sortir du cadre strict de son pays ».Évoquant sa relation avec la Révolution, il faisait savoir
que c’est grâce à des amitiés. Dans son livre « Boussouf
et le MALG, la face cachée de la révolution » Daho Ould
Kablia, met en avant l’apport du MALG dans les
négociations notamment sur la question du pétrole grâce aux renseignements «
fournis par Salah Bouakouir, secrétaire adjoint du
délégué général du gouvernement français à Alger, relatifs aux opérations
économiques dans le Sahara » et au concours d’Enrico Mattei, PDG de la société
italienne des hydrocarbures (ENI).L’ancien ministre de l’Intérieur notera dans
une de ses déclarations que Mattei, mobilisa la classe politique
italienne en faveur de la cause algérienne, si bien que l’Italie devint le pays
européen où le FLN avait le plus de facilités et de soutien pour déployer son
action politique et diplomatique ». Il ajoute : « Lorsqu’apparurent, dans le
courant des années 60, des perspectives de négociations entre les parties en
conflit, le GPRA se mit en devoir de préparer de solides dossiers sur les
aspects politiques, juridiques, économiques et financiers susceptibles d’être défendus.Parmi ceux-ci, le dossier des hydrocarbures, que
la partie française s’interdisait totalement d’examiner, sous quelque forme que
ce soit, considérant le Sahara territoire français non concerné par l’offre
d’autodétermination proclamée par le Général De Gaulle lors de sa conférence du
16 Septembre 1959 ».Du reste, ce dossier avait retardé la conclusion des
accords d’Evian, la France refusant de céder sur la question du Sahara, et
utilisa maints subterfuges et pressions secrètes pour parvenir à ses fins, mais
c’était compter sans la détermination des dirigeants algériens à ne céder
aucune parcelle de l’Algérie. Le général De Gaulle modifiera « de manière radicale
» sa position sur la souveraineté française sur le Sahara au mois de Septembre
1961, rappelle Ould Kablia,
et le dossier des hydrocarbures fut donc repris par le GPRA pour un examen plus
complet dans les négociations avec la partie française. « Le soutien d’Enrico
Mattei fut déterminant à cette phase. Il mit en relation son plus proche
collaborateur Mario Pirani, qui s’installa à Tunis,
pour la circonstance, en Janvier 1962 sous une couverture de journaliste, avec Abdelhafid Boussouf, Krim
Belkacem, Mohamed-Essedik Benyahia
pour la gestion des questions politiques liées aux relations euro-méditerranéennes
et les questions techniques avec les membres du MALG chargés du dossier des
hydrocarbures, Mohamed Khelladi, Redha
Rahal, Kasdi Merbah,
Mahmoud Hamra Krouha », révèle-t-il.