COMMUNICATION- FORMATION CONTINUE- MODÈLE ECONOMIQUE- ENTRETIEN e-BOURSE, D.24
OCTOBRE 2021/LEILA ZAIMI
e-BOURSE : Le
modèle économique est toujours le même. Les
médias publics et privés sont
dépendants du modèle traditionnel
basé sur les subventions
et « la publicité étatique ». Comment
expliquez-vous cette
dépendance ?
Belkacem Ahcene-Djaballah : Pour utiliser des
termes communs, la presse, ses patrons comme ses travailleurs, sont
« addicts » à l’Etat et à l’intervention permanente de celui-ci, et
ce depuis fin 62 (lorsque la presse, dans son ensemble et presque tout le
secteur de la communication, est devenu « propriété » de l’Etat
socialiste et du parti Fln par le biais de ses organisations de masse) et personne , malgré toutes les déclarations et autres
professions de foi, n’arrive à s’en dégager. Même après 88 et la loi
d’avril 90 qui avait « libéré » le paysage. D’ailleurs, la presse
indépendante (ou privée) née par la suite a continué à demande
de l’aide en matière d’impression , en matière de diffusion, en
matière d’abonnements aux institutions publiques, grosses consommatrices de
presse, ….et en matière de bénéfice de la publicité dite institutionnelle
(celle des administrations et des entreprises publiques).A noter aussi que
« l’aide de l’Etat à la presse » a toujours été réclamée et elle a
d’ailleurs existé au début des années 90.Hélas, son utilisation politicienne et
en bon et bel argent , doublée de « favoritisme » , a vite
entraîné des querelles internes et la « mort » du concept. En
conclusion, les moyens se sont certes développés mais le système de gouvernance
de la chose médiatique n’a pas évolué faisant l’ « affaire » des
gouvernants de l’heure et de bien de « patrons » de presse
Est ce le moment de chercher
d’autres modèles économiques ?
Belkacem Ahcene-Djaballah : On peut
« inventer » tous les modèles économiques que l’on veut si les
mentalités et les comportements ne changent
pas et restent agrippés à des formes de gestion basés ou construits tout
ou partie sur l’ assistanat -permanent ou
circonstanciel- étatique. Nous sommes en voie de construction d’un modèle
économique libéral et social basé sur la liberté d’entreprendre et la liberté
d’expression, dans la transparence et la concurrence, et dans le strict respect
des règles commerciales et des lois. Tout
ceci est valable pour tous les acteurs de la vie économique, l’Etat comme les opérateurs .Pas facile car il faut, me semble-t-il ,
l’émergence d’une population de décideurs, d’entrepreneurs et de managers….et
de journalistes (pour ce qui nous concerne) qui soient pétris de ces
principes…et qui , tout en connaissant le passé politique et économique du
pays, regardent vers l’avant et ne passent pas leur temps à nous rappeler le
passé. Mais là, il faut une nouvelle Ecole, une nouvelle Université….
Existent-ils d’abord ?
Belkacem Ahcene-Djaballah : Bien sûr qu’ils existent. Ne nous manque que la volonté de réussir….et, surtout, tout en étant ambitieux pour soi et
pour le pays, ne pas hésiter à « copier » ce qui se fait de mieux
ailleurs et ce sans complexe d’infériorité ou de supériorité. Il y a
mieux ailleurs et nous ne sommes pas toujours les meilleurs.
Pourriez-vous nous expliquez l’évolution du marché publicitaire en
Algérie depuis ses débuts à ce jour ?
Belkacem Ahcene-Djaballah :Je ne voudrais entrer
dans un historique qui serait fastidieux et qui est d’ailleurs assez connu. Ce
qui est important de savoir c’est que marché publicitaire, depuis toujours est
lié à deux facteurs : celui de la situation économique et commerciale du
pays et celui des dispositions (ou intentions) politiques de l’Etat
à l’endroit (ou à l’égard ou à l’encontre, c’est selon ) des moyens de communication
(presse écrite, publicité , moyens audiovisuels, communication
institutionnelle ...) nationaux…… et étrangers (surtout lorsqu’on a besoin
de leur soutien) .De ce fait , l’évolution du marché national a
connu pas mal de changements, avec des hauts et des bas…..mais globalement, mis
à part une courte période allant de mi-90 à mi-2000 qui avait vu une certaine
« liberté de faire et de dire », le marché est resté non pas fermé
…mais seulement « contrôlé » ou « géré » par l’Etat (dont
l’Anep) et /ou ses représentants officiels ou
officieux, déclarés ou indirects. Tout cela a enrichi certains titres ou
organes de presse (les propriétaires plus que les journalistes), certains marionnettistes et a « rendu la vie
difficile » à d’autres, tout particulièrement les travailleurs
Il y a presque un an, le ministre de la communication a déclaré que
son département est en
cours d’élaborer un projet de loi sur la
publicité. Ceci, selon la
tutelle, corrigera les dysfonctionnements
enregistrés sur le terrain. A quoi
s’attend-on, selon vous ?
Belkacem Ahcene-Djaballah :Je ne doute pas des
bonnes intentions de l’actuel ministre de la Communication qui est un grand
professionnel, doublé d’un universitaire confirmé….aux vues économiques assez
« ouvertes » de surcroît. Mais, le problème n’est pas à son niveau.
Comme par le passé, le problème se (re-)trouve , au
final, au niveau des corps intermédiaires appelés à
« discuter » les textes réglementaires avant adoption et promulgation
définitive. Par expérience, je sais que les textes importants présentés sont
soit « engrossés », soit « essorés » ; finalement n’ayant presque aucun rapport avec
l’original présenté.
Ce qui est sûr, c’est que le paysage médiatique national a grandement et
urgemment besoin de textes de loi sur la publicité, sur le sondage….Ici,
il ne s’agira avant tout d’organiser les usages publics, en respectant , bien
sûr , les principes fondamentaux liés à l’expression , déjà édictés par la
Constitution….et ne pas s’enfermer et s’engluer dans les (mauvaises)
humeurs passagères politiques et les intérêts bassement commerçants des uns et
des autres
Comment imaginez-vous le modèle économique de la presse dans
les années à venir ?
Belkacem Ahcene-Djaballah :Ce qui sera, je ne sais
pas , mais ce que je souhaite, c’est qu’il soit inscrit dans un cadre assez
libéral et libéré tout en respectant les impératifs et les besoins
sociaux de tous ceux qui y participent directement ou indirectement.
Bref, libre dans son expression, transparent et indépendant dans sa gestion….et surtout ambitieux dans son développement