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Fraude /Corruption-Enquête Icij /Pandora Papers

Date de création: 05-10-2021 19:35
Dernière mise à jour: 05-10-2021 19:35
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FINANCES-ENQUÊTES ET REPORTAGES-FRAUDE /CORRUPTION- ENQUÊTE ICIJ/PANDORA PAPERS 2021

©Afp/Liberté

 L'enquête, publiée dimanche 3 octobre 2021 par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) et à laquelle ont collaboré environ 600 journalistes, s'intitule “Pandora Papers”, référence à  la boîte de Pandore. Elle s'appuie sur quelque 11,9 millions de documents provenant de 14 sociétés de services financiers et a mis au jour plus de 29 000 sociétés offshore. L'ICIJ s'est fait connaître, début avril 2016, avec les “Panama Papers”, une enquête appuyée sur quelque 11,5 millions de documents provenant d'un cabinet d'avocats panaméen. Ils détaillaient les avoirs cachés de milliers de clients de Mossack Fonseca, dont des personnalités de premier plan. L'onde de choc de cette publication a notamment entraîné la démission du Premier ministre islandais Sigmundur David Gunnlaugsson et du chef du gouvernement pakistanais Nawaz Sharif. Depuis 2013 et la publication des “Offshore Leaks”, déjà par l'ICIJ, de nombreuses enquêtes journalistiques coordonnées ont révélé les noms d'entreprises, de dirigeants ou de personnalités ayant recours à des montages financiers opaques, notamment les “LuxLeaks” (2014) ou les “Paradise Papers” (2017) évoquant le prince Charles, le champion de Formule 1 Lewis Hamilton ou le groupe Nike. Créé en 1997 par le Centre américain pour l'intégrité publique, l'ICIJ est devenu une entité indépendante en 2017. Son réseau compte des journalistes d'investigation dans plus de 100 pays et territoires, avec quelque 100 médias partenaires. 

 

Les milliards offshore de dizaines de dirigeants politiques

Plusieurs dirigeants, dont le Premier ministre tchèque, le roi de Jordanie ou les présidents du Kenya et d'Équateur, ont dissimulé des avoirs dans des sociétés offshore notamment à des fins d'évasion fiscale, selon une enquête publiée dimanche par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ). L'enquête, à laquelle ont collaboré environ 600 journalistes, s'intitule “Pandora Papers”, référence à la légende de la boîte de Pandore. Elle s'appuie sur quelque 11,9 millions de documents provenant de 14 sociétés de services financiers et a mis au jour plus de 29 000 sociétés offshore. Selon ces documents, le roi Abdallah II de Jordanie a créé au moins une trentaine de sociétés offshore, c'est-à-dire dans des pays ou territoires à fiscalité avantageuse, et acheté par leur biais 14 propriétés de luxe aux États-Unis et au Royaume-Uni, pour plus de 106 millions de dollars.

En Jordanie, le palais royal a déclaré lundi que ces “informations de presse sont inexactes, déformées et exagérées” et qu'elles constituent une “menace pour la sécurité du monarque et celle de sa famille”. Le Premier ministre tchèque, Andrej Babis, a placé selon l'enquête 22 millions de dollars dans des sociétés écran pour financer l'achat du château Bigaud, une grande propriété à Mougins dans le sud de la France. “Je n'ai jamais rien fait d'illégal ou de mal”, a tweeté M. Babis, “mais cela ne les empêche pas d'essayer de me dénigrer et d'influencer les élections législatives tchèques”, prévues vendredi et samedi prochains. 

Le président équatorien Guillermo Lasso a, lui, logé des fonds dans deux trusts dont le siège se trouve aux États-Unis, dans le Dakota du Sud, selon l'ICIJ qui épingle également les présidents du Chili et de République dominicaine. “Tous mes revenus ont été déclarés et j'ai payé les impôts correspondants en Équateur, faisant de moi l'un des principaux contribuables dans le pays à titre personnel”, a assuré dans un communiqué M. Lasso, un ancien banquier. “Tous les investissements réalisés en Équateur et à l'étranger se sont toujours faits dans le cadre de la loi.” Au total, des liens ont été établis par l'ICIJ entre des actifs offshore et 336 dirigeants et responsables politiques de premier plan qui ont créé près de 1000 sociétés dont plus des deux tiers aux îles Vierges britanniques. 

Environ deux millions des 11,9 millions de documents proviennent du cabinet d'avocats panaméen Alcogal (Aleman, Cordero, Galindo & Lee) qui selon l'ICIJ a joué “un rôle majeur dans l'évasion des taxes” et est impliqué dans la création de comptes pour dissimuler l'argent de plus de 160 personnalités dont le roi de Jordanie ou le Premier ministre tchèque. “Alcogal rejette ces spéculations, inexactitudes et mensonges”, a dit le cabinet dans un communiqué. “Cela démontre que les gens qui pourraient mettre fin au secret de l'offshore, en finir avec ce qui s'y passe, en tirent eux-mêmes profit”, a commenté dimanche dans une vidéo le directeur de l'ICIJ, Gerard Ryle. “On parle de milliers de milliards de dollars.” 

Pour Maira Martini, chercheuse de l'ONG Transparency International, cette enquête apporte une nouvelle “preuve claire que l'industrie offshore fait le jeu de la corruption et de la criminalité financière, tout en faisant obstruction à la justice”. “Ce modèle économique” basé sur le secret financier “ne peut plus continuer”. Parmi les personnalités exposées figurent également la chanteuse colombienne Shakira, le mannequin allemand Claudia Schiffer ou la légende indienne du cricket Sachin Tendulkar. Apparaissent aussi les noms de l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, pour l'achat d'un bien immobilier à Londres, et de l'ancien ministre français Dominique Strauss-Kahn. L'ex-directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a fait transiter plusieurs millions de dollars d'honoraires de conseil à des entreprises par une société marocaine exempte d'impôts, selon l'enquête. Au total, selon le quotidien français Le Monde partenaire de l'ICIJ, 600 Français apparaissent dans l'enquête dont “un conspirationniste d'extrême droite” qui a recouru à une société aux Seychelles “pour vendre livres et pilules miracles”.

Dans la plupart des pays, ces faits ne sont pas susceptibles de poursuites. Mais pour les dirigeants, l'ICIJ dresse un parallèle entre le discours anti-corruption de certains et leurs placements dans des paradis fiscaux. Le président kényan Uhuru Kenyatta a ainsi maintes fois affirmé sa détermination à lutter contre la corruption dans son pays et à obliger les officiels kényans à la transparence quant à leur patrimoine. Pourtant, selon les “Pandora Papers”, M. Kenyatta possède une fondation au Panama et plusieurs membres de sa famille directe détiennent plus de 30 millions de dollars logés dans des comptes offshore.

 REPÈRES

Offshore Leaks
L'ICIJ (International consortium of investigative journalists) se procure 2,5 millions de documents (emails, mémos internes, pièces comptables...) concernant 122 000 sociétés offshore, gérées à Singapour et aux îles Vierges britanniques. En 2013, les médias partenaires révèlent quelques-uns des milliers de détenteurs d'intérêts dans les paradis fiscaux, parmi lesquels le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev. Une base de données “Offshore Leaks” accessible sur le site de l'ICIJ permet de démêler les liens entre les sociétés écrans et leurs bénéficiaires.

China Leaks
C'est le deuxième volet de révélations des “Offshore Leaks”, publié en 2014 en raison des difficultés de traduction. Le consortium dévoile les placements dans les paradis fiscaux de dignitaires chinois, dont plusieurs proches du chef de l'État Xi Jinping. En représailles, les autorités bloquent l'accès aux sites de l'ICIJ et des médias collaborateurs.

Luxleaks
Fin 2014, l'ICIJ dénonce un système d'accords fiscaux entre le Luxembourg et 340 multinationales, dont Apple, Amazon ou Ikea, afin de minimiser leurs impôts. Les accords avaient été passés entre 2002 et 2010 lorsque Jean-Claude Juncker était Premier ministre. Même fragilisé, il est maintenu à la tête de la Commission européenne. L'enquête s'appuie sur des documents transmis par deux lanceurs d'alerte, Raphaël Halet et Antoine Deltour, anciens employés du cabinet d'audit PwC, au journaliste Edouard Perrin. Inculpés au Luxembourg notamment pour vol et violation du secret d'affaires, Raphaël Halet a écopé d'une amende de 1 000 euros en appel en 2017. Antoine Deltour a vu sa peine de six mois de prison avec sursis et 1 500 euros d'amende suspendue en 2018. Edouard Perrin a été acquitté.

SwissLeaks
En 2015, l'ICIJ dévoile les pratiques d'évasion fiscale de clients de la banque HSBC, à partir de données datant de 2005 à 2007. Des milliards détenus sur des comptes non déclarés à Genève étaient cachés derrière des structures offshore, parfois constituées par la banque elle-même. De nombreuses personnalités sont impliquées, dont le roi du Maroc Mohammed VI, le roi de Jordanie Abdallah II ou encore un cousin du président syrien Bachar al-Assad. Les journalistes ont eu accès à une partie des documents subtilisés par l'ex-informaticien franco-italien de HSBC Hervé Falciani, condamné par défaut à cinq ans de prison par la justice suisse en 2015 pour espionnage économique. L'administration française détenait depuis plusieurs années les fichiers qui avaient notamment servi à établir une liste de 3000 contribuables fraudeurs.

Panama Papers
La fuite de 11,5 millions de documents du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca permet une gigantesque enquête qui révèle l'argent caché de dizaines de responsables politiques, de milliardaires ou encore de stars du football, ainsi que l'implication de grandes banques dans la création de sociétés offshore. Les publications entamées en 2016 provoquent entre autres la démission du Premier ministre islandais Sigmundur David Gunnlaugsson et la destitution du Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif. Suite aux Panama Papers, au moins 150 enquêtes ont été lancées dans plus de 70 pays pour évasion fiscale ou blanchiment d'argent supposés, selon l'ICIJ.

Paradise Papers
Fin 2017, les “Paradise Papers”, basés sur 13,5 millions de documents financiers provenant notamment d'un cabinet international d'avocats basé aux Bermudes, révèlent des circuits planétaires d'optimisation fiscale utilisés par des personnalités (le chanteur Bono, la reine Elizabeth II, le coureur automobile Lewis Hamilton...) et par certains grands groupes internationaux (Nike, Apple, Uber...). Ils affirment avoir eu recours à des montages légaux. 

Luanda Leaks
L'ICIJ publie début 2020 les “Luanda Leaks”, accusant Isabel dos Santos, fille de l'ancien président angolais Jose Eduardo dos Santos, d'avoir “siphonné l'économie angolaise”. Trois jours après les révélations, la justice angolaise, qui avait déjà gelé les avoirs d'Isabel dos Santos en Angola, accuse formellement la milliardaire et plusieurs de ses associés portugais de fraude, détournement de fonds et blanchiment d'argent. Elle évoque le détournement de plus d'un milliard de dollars des groupes publics pétrolier et de diamants. Dans la foulée, la justice portugaise gèle à son tour ses comptes et certains de ses actifs au Portugal.