HABITAT – PERSONNALITES- FERNAND POUILLON
(ARCHITECTE)
© Ali Bedrici/Liberté, lundi 4 octobre 2021
Dans “Pouillon,
une architecture habitée, Alger 1953-1957”, Marie-Claire Rubinstein fait appel
au témoignage d’un historien (Benjamin Stora), d’architectes, d’habitants des
trois cités et d’anciens collaborateurs de Fernand Pouillon, dont la
philosophie consistait à offrir aux classes moyennes et ouvrières la possibilité
d’habiter dans un logement décent, certes petit, mais où “on aime vivre”.
Le Centre
culturel algérien de Paris (CCA) a abrité jeudi dernier ( 21
septembre 2021) la projection d’un film documentaire de Marie Claire Rubinstein
consacré au célèbre architecte français Fernand Pouillon qui a eu à travailler
en Algérie dans les années cinquante et soixante. Organisé en collaboration
avec l’Association France-Algérie représentée à la soirée culturelle par Flora Boumia, cet événement culturel a permis à l’assistance de
découvrir l’architecte dont la philosophie consiste à offrir aux classes
moyennes et ouvrières la possibilité d’habiter dans un logement décent, certes
petit, mais où “on aime vivre”. Ayant déjà conçu des cités dans le cadre de la
reconstruction en France après la Seconde Guerre mondiale, Pouillon va
rejoindre l’Algérie en 1953.
“C’est parce
que Fernand Pouillon est connu pour la rapidité et l’efficacité de son travail
que l’idée vient au maire d’Alger Jacques Chevallier de recourir à lui.” Leur
communauté d’idées (ils étaient des libéraux) sert leur volonté de réaliser une
mixité sociale (classes moyenne et ouvrière, Algériens-Européens) dans les
ensembles d’habitations projetés. Pouillon avait en plus la capacité de
construire sur presque n’importe quel terrain. Il se trouve qu’à Alger tout est
collines et pentes. D’énormes efforts d’imagination et d’adaptation étaient
nécessaires pour rendre constructibles les terrains devant recevoir les cités
de Diar Essaada, Diar El-Mahçoul et
Climat-de-France qui font l’objet du film de Marie-Claire Rubinstein dont
l’idée lui est venue après la lecture du livre de Pouillon Mémoires d’un
architecte.
En 2003,
“juste après la décennie noire”, précise-t-elle, elle visite Diar Essaada et Diar El-Mahçoul : “C’était
surpeuplé et mal entretenu, mais je découvrais une architecture magnifique.”
Dans son film, Marie-Claire Rubinstein fait appel au témoignage d’un historien
(Benjamin Stora), d’architectes, d’habitants des trois cités et d’anciens
collaborateurs de Fernand Pouillon. Tous décrivent un homme humaniste, engagé
et efficace, ce que ne manquera pas de souligner l’architecte Amar Lounès dans
son intervention au CCA.
Ce film
documentaire sur Pouillon a été présenté en Algérie dans les écoles
d’architecture (EPAU, Université Alger, Tlemcen) et les Instituts français
d’Algérie. “J’ai pu constater l’intérêt des élèves et des habitants en
redécouvrant l’importance de cet héritage et la nécessité de l’intégrer à leur
culture en complétant ce travail d’appropriation”, conclut la réalisatrice,
après avoir énuméré l’œuvre architecturale de Pouillon en France et en Algérie
où il a eu juste le temps de réaliser les trois cités avant que le maire
d’Alger Jacques Chevalier ne soit évincé en 1957 par les ultras de l’Algérie
française.
En 1961,
Pouillon sera condamné en France à trois années de prison suite à des déboires
financiers. “Il s’évade de sa clinique en septembre 1962 et reste en cavale
pendant plusieurs mois (Suisse, Italie), aidé, grâce à ses sympathies avec le
FLN durant la guerre d’Algérie, par le réseau Jeanson.” Fernand Pouillon
rejoint de nouveau l’Algérie en 1966 où il va travailler jusqu’en 1984, en réalisant
essentiellement des projets hôteliers (note : au nord comme au sud du
pays) insi que des équipements publics.
Né le 14 mai
1912 et mort le 24 juillet 1986, Fernand Pouillon a laissé quelques
livres, dont « Les Pierres sauvages » (1964, éditions du Seuil) et « Mémoires
d’un architecte » (1968, Seuil). En 1974, il crée à Paris sa maison
d’édition. “Il s’entoure des meilleurs spécialistes, des meilleurs artisans
d’art et réimprime à 200 ou 250 exemplaires les plus belles éditions de livres
d’art et d’architecture du XVe au XXe siècle.”