AGRICULTURE- CÉRÉALES- PRODUCTION/CONDITIONS 2021
©Liberté, dimanche 3 octobre 2021
“Chaque année, 30 à 35% des superficies emblavées ne sont
pas récoltées à cause, principalement, de la perte des cultures sous
l’effet de la sécheresse”, nous explique Ali Daoudi, professeur à l’École
nationale supérieure d'agronomie d'Alger (Ensa).
Les conditions climatiques peu favorables impactent
lourdement la production céréalière qui demeure un élément vital pour la
sécurité alimentaire du pays. La céréaliculture dépend fortement du climat au
point d’engendrer des fluctuations fréquentes des rendements d’une année à une
autre. Les rendements moyens varient, en fonction des niveaux des
précipitations, entre 12 et 20 quintaux à l’hectare. Le rendement moyen
des cinq dernières années est estimé à 17 quintaux (q) pour le blé dur et
à 13 q pour le blé tendre. “Chaque année, 30 à 35% des superficies emblavées ne
sont pas récoltées à cause principalement de la perte des cultures sous l’effet
de la sécheresse”, constate Ali Daoudi, professeur à l’École nationale
supérieure d'agronomie d'Alger (Ensa). La production
moyenne des blés pour la même période est de 3,3 millions de tonnes, soit 40%
des besoins du pays, relève-t-il encore, le reste étant importé.
Le climat semi-aride à aride de l’Algérie fait baisser
sensiblement la production des différentes filières. Le déficit de la
production agricole nationale ne concerne pas seulement les céréales
alimentaires, la production de céréales fourragères reste aussi insuffisante
par rapport aux besoins importants des élevages bovin, ovin et avicole. “Le
climat n’explique pas toutes ces contre-performances car des problèmes
structurels et des dysfonctionnements que vit la filière céréalière y
contribuent aussi sérieusement”, avoue le Pr Daoudi. Il évoque des problèmes
internes liés aux exploitations agricoles céréalières, tels que la faible
taille des exploitations, l’indisponibilité des équipements agricoles
appropriés, le faible niveau de maîtrise technique…
À cela, il y a lieu d’ajouter les dysfonctionnements
des marchés ayant trait au crédit, à l’assurance aux intrants, au conseil technique,
ainsi que les insuffisances des mesures publiques d’appui et d’encadrement.
Face à ce constat peu reluisant, la filière, suggère cet expert, nécessite une
réforme profonde. Sur le moyen terme, il est urgent, propose-t-il, de
stabiliser la production de céréales par l’augmentation de la superficie
irriguée et l’amélioration de la productivité globale, notamment celles des
terres irriguées. “Avec 500 000 hectares irrigués parfaitement encadrés,
l’Algérie peut sécuriser 3 millions de tonnes chaque année. Pour le reste des
superficies céréalières en zones pluviales, l’objectif sera d’améliorer la
productivité moyenne durant les années de bonnes et moyennes précipitations”,
indique-t-il. Un effort soutenu doit, toutefois, être consenti à travers un soutien
de diverses natures aux producteurs, notamment sur les plans technique,
financier, garantie contre la sécheresse… L’objectif recherché est de les
inciter à améliorer et à adapter leurs pratiques techniques.
Pour le long terme, l’universitaire met l’accent sur
la nécessité de préparer, dès à présent, les conditions pour une mutation
structurelle et technologique de la filière “céréales”. Deux axes de réformes
structurelles sont, selon lui, prioritaires. Il s’agit d’abord de la “réforme
des structures des exploitations agricoles pour favoriser l’émergence
d’exploitations céréalières de taille moyenne en mesure de faire les
investissements en équipements et en savoir-faire nécessaires, afin de gagner
durablement le pari de la productivité”. Le principal instrument de cette
réforme est une “politique foncière favorisant la circulation de la terre, le
remembrement, la lutte contre le morcellement et la gestion efficace de
l’indivision”, souligne le Pr Daoudi. Sur un autre volet, le
directeur-adjoint chargé de la formation doctorale et de la recherche
scientifique à l’Ensa juge indispensable la mise en
place d’un programme de recherche ambitieux dédié à la céréaliculture et
s’inscrivant dans le long terme. Un programme avec, comme principales
orientations, la maîtrise des biotechnologies au service d’une céréaliculture
durable, la maîtrise de l’irrigation et l’actualisation des itinéraires
techniques par terroirs céréaliers pour une meilleure valorisation des
ressources du milieu.
Repères
- En Algérie, 6 millions d’hectares sur les 8,5
millions d’hectares de terres arables que compte le pays sont ré- servés à la céréaliculture.
- Chaque année, la moitié de cette superficie est cultivée et l’autre moitié
laissée en jachère (au repos).
- Les terres au repos sont souvent utilisées comme pâturage naturel pour
l’élevage.
- Les 3 millions d’hectares emblavés chaque année sont répartis entre blé dur
(1,45 million d’ha), blé tendre (500 000 ha), orge (1 million d’ha), et
l’avoine et autres céréales fourragères (quelques dizaines de milliers
d’hectares).
- Deux tiers des superficies emblavées chaque année sont réservés aux céréales
alimentaires et le reste aux céréales fourragères.
- Selon les statistiques officielles, près de 250 000 ha de céréales seulement
sont irrigués, le reste de la super-ficie (2,75
millions d’ha) est conduit en régime pluvial, majoritairement dans les régions
semi-arides où lesniveaux des
précipitations moyens varient entre 300 et 400 mm/an.
- À la faiblesse des précipitations dans ces régions s’ajoutent leur
forte variabilité interannuelle et aussi la variabilité de leur distribution
sur les mois de la saison des pluies.