POPULATION-EMIGRATION- FRANCE/ALGERIE/VISAS
Devant le refus de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie de réadmettre leurs
ressortissants en situation irrégulière dans l’Hexagone et en attente
d’expulsion, le gouvernement français a décidé de réduire de 50% le nombre de
visas attribués aux Algériens et aux Marocains et de 30% aux Tunisiens. Après “les menaces”, la France passe aux actes : face aux pays d’Afrique
du Nord qui ne “coopèrent pas” pour le retour de leurs ressortissants expulsés,
Paris a décidé (fin septembre 2021) de réduire de moitié le
nombre de visas attribués aux Algériens, aux Marocains et aux Tunisiens.La raison ? Les trois pays du Maghreb refusent de
délivrer les laissez-passer consulaires pour le retour de leurs ressortissants
expulsés de France. “C’est une décision drastique, c’est une décision
inédite, mais c’est une décision rendue nécessaire par le fait que ces pays
n’acceptent pas de reprendre des ressortissants que nous ne souhaitons pas et
ne pouvons pas garder en France”, a justifié Gabriel Attal, le porte-parole du
gouvernement français, qui s’exprimait hier matin sur la chaîne de radio Europe
1. Pour le ministre français, cette décision a été la dernière tentative des
autorités de son pays de faire appliquer “nos règles migratoires”. “Il y a eu
un dialogue, ensuite, il y a eu des menaces ; aujourd’hui, on met cette menace
à exécution”, a-t-il rappelé, sèchement. Cela a commencé en 2018. Cette
année-là, le gouvernement français avait entrepris de convaincre certains pays
dont des ressortissants étaient expulsables de les récupérer en leur délivrant
des laissez-passer. Mais sans résultat. Pour expliquer cette attitude, les autorités
algériennes avaient toujours fait valoir une seule ligne directrice : s’assurer
qu’il s’agissait bel et bien de ressortissants algériens. Pour convaincre
les pays maghrébins, les autorités françaises ont tenté une autre approche. Le
ministre français de l’Intérieur, Gerald Darmanin, avait entrepris, en novembre
2020, une tournée dans les trois pays pour convaincre les gouvernements
d’Algérie, de Tunisie et du Maroc de coopérer dans ce dossier. Sur les 7
000 décisions d’expulsion concernant les ressortissants algériens, prises
depuis le début de l’année en cours, seules 23 ont été mises en application.
Ils étaient plus de 10 000 Algériens concernés par des décisions d’expulsion en
2019. Très peu avaient été renvoyés. Pour cela, la France veut “pousser les
pays concernés à changer de politique et accepter de délivrer ces
laissez-passer consulaires”.
Pour beaucoup d’observateurs, cette sortie des autorités françaises prend
des allures électoralistes. À quelques mois de l’élection présidentielle française,
le sujet de l’émigration s’est de nouveau imposé dans le débat politique. Porté
par le polémiste Éric Zemmour, le thème est devenu un leitmotiv pour toute la
classe politique de ce pays. De la droite républicaine jusqu’à l’extrême
droite, tous les candidats potentiels projettent d’organiser des référendums
sur le sujet, Selon
les médias français, le président Emmanuel Macron a déjà fixé un quota d’un peu
plus de 3 000 visas qui seront délivrés aux Algériens durant la deuxième moitié
de cette année, soit la moitié du nombre de sésames accordés l’an dernier aux
ressortissants algériens. Le nombre de visas donnés aux Algériens était de 275
000 en 2019, un peu plus de la moitié du nombre d’entrées autorisées en 2017.
C’est dire que la réduction avait déjà commencé bien avant cette année.
EN CHIFFRES
- Les “obligations de quitter le territoire”
Les chiffres des procédures d'expulsions enclenchées par les autorités, soit
les “obligations de quitter le territoire français” (OQTF), sont les seuls à
avoir augmenté pendant la crise de la Covid-19. Entre le 1er janvier et
juillet 2021, 7 731 Algériens ont été visés par ces OQTF, soit 47% de plus qu'à
la même période en 2020, selon les données transmises par le ministère de
l'Intérieur à l'AFP. 3 301 Marocains sont dans la même situation (+25%),
presque autant que les Tunisiens, 3 424 (+43%).
- Placements en rétention
Sur les mêmes sept premiers mois de 2021, les placements en centres de
rétention administrative (CRA), où sont retenus les étrangers en situation
irrégulière dans l'attente de leur expulsion, ont chuté de 55% par rapport à
2020 pour les ressortissants algériens (597 contre 1 321 entre janvier et
juillet 2020).
- Laissez-passer consulaires
C'est sur le sujet des laissez-passer consulaires (LPC) que le bât blesse,
point d'achoppement entre la France et ces trois pays qui n'en délivrent qu'au
compte-goutte, freinant des expulsions déjà rendues compliquées par la crise
sanitaire et les fermetures des frontières. Seulement 31 ont été
délivrés par l'Algérie en 2021 (-90% par rapport à la même période de 2020, et
alors qu'elle en délivrait 1 142 en 2019), soit un “taux de coopération” de 5%,
selon la place Beauvau.
- Les expulsions effectives
Résultat, le nombre de “retours forcés exécutés” est en chute, en particulier
pour l'Algérie, où la baisse est de 94% entre 2021 et 2020 : seulement 22
Algériens ont été renvoyés entre janvier et juillet, contre 385 sur la même
période de 2020 et 1 677 en 2019. En 2021, le taux d'éloignement, soit le ratio
entre le nombre de personnes sous OQTF et le nombre de personnes effectivement
expulsées, est tombé à 0,3%, contre 18% en 2019.
- Les visas
Entre janvier et juillet 2021, 11 815 demandes algériennes ont été déposées
alors qu'il y en avait 504 173 en 2019. 8 726 visas leur ont été
délivrés.