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Article Malika Aichour Romane (2015) (VI/VI)

Date de création: 05-09-2021 17:06
Dernière mise à jour: 05-09-2021 17:06
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CULTURE- CINEMA- ARTICLE MALIKA AICHOUR ROMANE (2015) (VI/VI)

Le cinéma algérien : en quête de l’intime

© La Pensée janvier 2015/4 (janvier N° 384), pages 67 à 78

 Mis en ligne sur Cairn.info le 22/03/2020

Question de la représentation féminine au cinéma

Quelle est la légitimité d’une telle posture ? Est-ce une posture intelligente qui produit du sens ? Pourquoi individualiser l’image féminine au risque de lui faire porter un discours fragmenté du film, de la séparer des autres personnages ? Le personnage féminin asexué par exemple produit de fait un personnage masculin asexué. Aborder l’étude de l’image de la femme dans le cinéma algérien pour déconstruire les clichés tenaces oui, mais pourquoi de ne pas les déconstruire avec des films ? L’exil est-il/sera-t-il le territoire libéré pour le cinéma ? Pas sûr.

Lorsqu’elles ont commencé à faire du cinéma, on a attendu des réalisatrices un cinéma féminin, une affaire de femmes, pour avoir accès au cinéma. Toutes les réalisatrices ne sont pas féministes et il y a des réalisateurs féministes. Seul le cinéma militant ou engagé peut être questionné avec pertinence car son auteur élève sa cause au rang d’objet d’étude et en fait le cœur de son œuvre. Faut-il un cinéma militant pour émanciper la femme et sortir de l’affrontement femme traditionnelle occupant la salle familiale imaginaire et femme publique diabolisée et maintenant orientalisée ? Certainement. L’engagement n’est que subjectivité. C’est pourquoi le cinéma algérien a besoin d’un regard provocateur, militant et agitateur.

L’arrivée de l’intime et du subjectif pour un cinéma d’auteur

L’absence de l’intime, de la subjectivité de l’auteur qui aurait des choses à nous dire et en retour une œuvre qui le révèlerait, l’absence de la représentation féminine semblent cohabiter tristement dans nombre de films algériens. Une triple absence sans fécondité, sans désir et sans perspective réelle.

Dans un cinéma de l’intime, il est sûr que la femme, les femmes occuperaient l’espace filmique. Il manque cette liaison largement déclinée ailleurs : c’est l’histoire d’un homme et d’une femme. Cet agent de liaison est loin d’habiter le cinéma algérien. L’intime ou le subjectif est dans le regard de l’auteur, à ne pas confondre avec l’intimité, notamment sexuelle ou sensuelle qui peut être ou ne pas être dans l’intime. C’est une posture intelligente chez Tariq Teguia, Lyes Salem, Yanis Koussim, Sofia Djemaa… Il faut saluer la subjectivité de Karim Moussaoui pour son film Les jours d’Avant (2014), plein de sensibilité et d’intelligence. Voilà donc un vivier d’auteurs assumant pleinement les turbulences qu’ils créent dans ce timide renouveau du cinéma algérien.

La génération actuelle libère sa pensée et sa vision, ne s’encombre plus de références particulières. La formation offre d’autres pistes, l’émigration d’autres échanges et le quotidien, la réalité s’invitent dans la fiction, le court, le documentaire. Les scissions et les préoccupations ne sont plus les mêmes… Si le passé alimente encore largement le cinéma algérien, le passé récent, le réel et le vécu sont les espaces filmiques des nouveaux venus. On fabrique des histoires, on imagine, on projette. Hommes et femmes cohabitent à l’image. Les films deviennent le reflet de ce qui se passe dans la société, sujets abordés de part et d’autre, homme et femme : l’émigration, la harga, la sexualité, la liberté, l’oppression, l’inceste, la violence conjugale… Ils/elles ont connu le terrorisme et ses traumas. L’Algérie anxiogène, liberticide est au cœur de leurs œuvres. La sacralisation du pays se disloque sans égratigner l’amour patriotique. Une autre mémoire collective est en train de se ficeler dans les films, surtout les courts métrages. Le cinéma nouveau dévoile l’intime et le traitement subjectif des réalisateurs. Des auteurs naissent, enfin, même si le cinéma en tant que langage complexe souffre de quelques faiblesses de construction et d’écriture. Il est plus que jamais nécessaire de former les entrants aux métiers du cinéma comme l’avaient été en leur temps les Allouache, Belloufa, Zinet, Tsaki, Laskri, Hamina et autres. C’est dans une immense solitude que le réalisateur aborde son film en occupant à peu près tous les postes qui le vident de son énergie et de sa rigueur. À bout de souffle il ne lui reste que la force de s’engouffrer dans « une salle familiale ».

 « Je ne suis pas un réalisateur familial » a rétorqué Lyes Salem dans une interview sur une chaine de radio nationale à propos de la posture du réalisateur algérien et de la (vaine) polémique suscitée par son film El Wahrani. Et il a bien raison ! Le cinéma ne devrait pas flatter la société, le groupe, la tribu contre l’individu et en particulier contre la femme algérienne. Le cinéma n’est pas une affaire de famille ni le panthéon de la moralité. La subjectivité est l’essence même de l’art et de l’intime, le regard intime est cette magnificence du don de soi qu’expérimente le signataire d’une œuvre. Le reste n’est qu’imposture.