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Article Malika Aichour Romane (2015) (II/VI)

Date de création: 05-09-2021 16:50
Dernière mise à jour: 05-09-2021 16:50
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CULTURE- CINEMA- ARTICLE MALIKA AICHOUR ROMANE (2015) (II/VI)

 

Le cinéma algérien : en quête de l’intime

 

© La Pensée janvier 2015/4 (janvier N° 384), pages 67 à 78

 Mis en ligne sur Cairn.info le 22/03/2020

Passé, mémoire, histoire dans le cinéma algérien

Le cinéma algérien demeure encore un territoire (pré)occupé par le récit du passé. Il est resté ce « goût » du passé. Juste le goût. Une persistance agaçante qui saborde la clarté du présent et qui occulte la projection sur le futur si l’on excepte l’exutoire mortel du migrant clandestin, du « harrag ». Mais un cinéma à ce point possédé par le passé, promu au statut d’archiviste, ne peut que s’appauvrir et crier famine, par sa propre dépossession. Le passé, déjà accompli donc, on pourrait dire « écrit », ne peut faire l’économie d’une structure narrative forte dont le cinéma se nourrit en premier avant les images à fabriquer. Cette fausse posture, distanciée, qui consiste à croire qu’il est aisé d’aborder ce qui a eu lieu a souvent plongé le film dit historique dans une approche sans subjectivité, voire sans point de vue propre, et bien conforme à l’histoire officielle. Pourtant l’histoire n’exclut pas l’intime, celui des « petites histoires » dans la grande Histoire, mais la sacralisation du passé empêche toute approche subjective ou intimiste du metteur en scène.

En assignant au cinéma le rôle d’un panthéon patrimonial de la mémoire, on a cru dispenser de l’Histoire et fabriquer un cinéma national de fait. Or mémoire et histoire ne doivent pas être confondus. Les rapports qu’entretiennent ces dispositifs exceptionnels de la représentation collective sont très complexes à débusquer. Ce qui les oppose d̕abord est le fait que la mémoire, ciment de la collectivité, relève du mental et l’Histoire, une procédure, une enquête de vérité qui peut être le projet d’une vie, ne doit jamais cesser d’arracher sa légitimité face à des postures officielles. Or, la mémoire c’est de l’intime. Hélas ce n’est pas cet intime qui a été exploité dans les films historiques algériens. La mémoire assujettie au mental et à l’expérience individuelle aurait dû investir la fiction cinématographique. Son absence n’est pas fortuite.

Chaque film devrait apporter un éclairage nouveau, un regard, un point de vue. C’est le maillon faible du cinéma des années 1960 qui ne diversifie pas les points de vue, ce que permet pourtant prodigieusement le cinéma. Les points de vue tissent la toile de l’intime et du subjectif. Quel film aurait-on pu faire avec le point de vue d’une maquisarde ? D’un être ordinaire dans ce contexte extraordinaire qu’est la guerre ? La belle réussite du « Vent des Aurès » (Mohamed Lakhdar Hamina, 1966) tient en grande partie au fait que le réalisateur aborde le vécu de sa famille, il en témoigne et les personnages, si vrais, si incarnés, ne peuvent qu’apporter une identification que chacun peut faire sienne. C’est un exemple de regard intimiste et subjectif doublé d’une recherche esthétique personnelle que ce metteur en scène n’a jamais mis au second plan, sans doute habité et préoccupé aussi de cinéma. L’intime dispense de l’émotion, des sensations. On ne demande pas à vérifier.

Il faut absolument faire des films à la hauteur de sa pensée intime, de la profondeur de son esprit, libre, poussé par une vision personnelle car un film sans investissement personnel reste schématique. Il faut un regard, un auteur. Comme pour la musique, il faut écrire la partition.