DEFENSE- ENQUETES ET REPORTAGES-
TERRORISME/MASSACRES DE RAIS NUIT 28,29 AOÛT 1997(II/III)© par ZERROUK Ahmed ex-magistrat
militaire/www.algerie1.com, dimanche 29-08-2021
Du modus-opérandi
C’est le terroriste Mekhalfia Mohamed dit «H’mida l’actif », « émir » de la
Zone-10 qui englobe la capitale Alger et sa périphérie, qui a commandité et
exécuté ce massacre après avoir reçu l’aval de « l’émir national » du
Groupe Islamique Armée (G.I.A) Antar Zouabri dit
« Abou Talha ».
H’mida l’actif a jeté son dévolu sur la
localité de Rais du fait qu’elle était facile d’accès, située en bordure de
vergers constituant la limite d’une zone, que les terroristes contrôlaient
parfaitement, et qui comprenait Haouch Bounouar-Louz et Ouled-Allel,
localités constituant respectivement leur zone de repli et leur lieu de refuge.
Toute cette zone agricole, située à neuf kilomètres du piémont des monts de
l’Atlas Blidéen, était piégée et contrôlée par les terroristes.
« L’émir » de la
Zone-10 a chargé les terroristes Djegdjid Djamel de Cherarba et un certain Samir, originaire de Rais, pour
recueillir le maximum d’informations devant permettre d’assurer le succès de
l’opération.
Ayant réuni les informations nécessaires
pour le déroulement du massacre projeté, H’mida
l’actif devait prendre attache avec l’émir national du GIA Antar Zouabri pour l’informer de l’opération projetée et
connaître sa décision.
Antar Zouabri
a approuvé l’idée de H’mida l’actif, et il a ordonné
également à d’autres émirs de renforcer katibate
« El-Ghouraba», il lui a aussi remis trente (30) tenues de combat de
l’armée récupérées sur les cadavres des militaires assassinés, lors
d’embuscades tendues par les terroristes.
C’est ainsi que les terroristes
appartenant aux Katibates suivantes : El-Hak de Bougara, dirigée par le
terroriste Serghini Mohamed, El-Forkane
de Larbââ, El-Maout de
Ouled Allel et Errahmane de Boufarik ont participé à ce massacre. Pour sa
part, Antar Zouabri a délégué des éléments de sa
propre garde prétorienne dite « Katiba El Khadra » (la phalange
verte) à charge pour eux de lui ramener le maximum de butin et le plus possible
de Sabaya (captives).
Trois (03) jours avant le massacre,
soit le 25 août 1997, l’ensemble des « émirs » des Katibates concernées accompagnés de leurs hommes, soit
deux-cent cinquante terroristes environ, ont
tenu une ultime réunion de coordination et de répartition des tâches. C’est le
terroriste Beziou Hocine dit « Mosâab », « émir » de la Zone-2-bis, qui a
animé cette « Halaka» qui a eu lieu à Haouch Bounouar- Louz et au cours
de laquelle, il a tenu un prêche incendiaire.
Il a enjoint aux terroristes des différentes
Katibates d’accomplir leur devoir envers Dieu avec la
plus grande rigueur ; considérant que les citoyens du village de Rais
méritent le sort qui les attend à partir du moment où ils étaient devenus des
« Mortadines », du fait de vivre et d’accepter
l’autorité de l’Etat, représentant le grand « Taghout». Il leur a rappelé
qu’en Islam « la guerre est ruse » et que la localité de Rais, de par
sa configuration géographique et de la zone qui était sous leur contrôle,
constitue un lieu idéal pour leur action.
A l’issue de cette « Halaka » il a été procédé à la répartition des tâches
avec précision entre les terroristes qui eurent à se diviser en plusieurs
groupes. Le rôle dévolu au groupe de Katiba El-Khadra, chargée de la protection
de « l’émir national » du GIA et de régler les conflits internes
entre les différentes composantes terroristes, était d’encadrer l’opération et
de s’assurer de sa bonne exécution. Cela démontre l’importance accordée à
cette opération par « l’émir national » Antar Zouabri
en déléguant, à cette fin, une partie de sa garde prétorienne.
C’est ainsi que cinq groupes ont été
constitués sous le commandement opérationnel de l’émir de la zone-10, H’mida l’actif.
Le premier groupe constitué de
cinquante-cinq (55) terroristes a été réparti en trois sous
groupes. Le premier devait assurer à partir de la mosquée de Rais, le
guet de l’arrivée des membres des forces de sécurité. Le deuxième, le plus
important en effectif, positionné en face du détachement militaire de Rais,
avait pour mission de mettre en échec toute intervention. Quant au troisième,
il était chargé de porter aide et assistance au deuxième en cas de
nécessité.
Le deuxième groupe composé de quinze
(15) terroristes était chargé de placer des engins explosifs dans les ruelles
de Rais. Le troisième groupe, formé de soixante (60) terroristes avait pour
mission d’assurer le bouclage du quartier pour empêcher toute fuite ou
intervention extérieure. Le quatrième groupe composé de quatre-vingt
terroristes (80) avait pour tâche l’exécution du massacre.
Le cinquième groupe, constitué de
trente (30) terroristes, rasés de près, revêtus de tenues de combat de l’armée
et porteurs de Kalachnikov, était chargé de faire une diversion en faisant
croire à la population, qu’ils étaient des militaires venus pour les
secourir.
Chacun des groupes était détenteur
d’un poste radio. Certains des terroristes originaires de la région ou habitant
à Rais, faisant partie de ces groupes, ont été choisis pour se rendre au cours
de l’après midi du 28 août 1997 sur les lieux et y
rester. Leur mission était de faire annuler le massacre en dépêchant un émissaire
à Haouch Bounouar -Louz, dans le cas où les données sécuritaires venaient à
être modifiées. Dans le cas contraire, il leur appartenait d’agir à compter de
23h30’.
Etant sur place, à proximité du lieu
du massacre depuis trois jours, cachés dans les vergers de Haouch
Bounouar-Louz, distant de quatre kilomètres du lieu
du massacre, les terroristes porteurs de Kalachnikov, de Seminov,
de fusils de chasse, de fusils à pompe, de vieilles mat-49, de pistolets
automatiques, de bombes artisanales, de Cocktails Molotov, de bidons d’essence
et d’objets contondants ( couteaux, sabres, haches, machettes), ont pris le
départ à pied, le 28 août 1997, dès la tombée de la nuit. Ils se sont scindés
en plusieurs groupes pour emprunter des pistes à travers les vergers, passant
par Haouch Guellabour, Oued
Ghoura, Haouch Amrane pour se regrouper pour une ultime fois au lieu dit « Douar », du côté ouest de Rais, avant
l’incursion du village de Rais, prévue à 23h30’.
Cette attaque a ciblé le quartier
appelé « l’Ancien Rais. Ce quartier est situé dans l’axe de l’itinéraire
suivi par les terroristes, tant à l’aller qu’au retour, et conduisait
directement à leur lieu de repli Haouch Bounouar Louz.
Conformément au plan d’attaque
initial, les terroristes qui étaient déjà à Rais, se sont mêlés aux invités de Ferrah Allal dit « Benmira »
qui célébrait, ce jour, la fête de la circoncision de son fils.
A l’heure convenue, les premiers
massacres ont commencé en tuant les membres de cette famille et leurs invités.
Quant aux autres groupes, ils ont commencé dès leur arrivée à Rais à saccager
le réseau d’alimentation électrique pour mettre hors service ce qui servait
d’éclairage public. Cet éclairage public de fortune se résumait à quelques
lampes placées par les habitants devant leurs portes d’entrée.
Le massacre a débuté à 23h30’ pour
prendre fin vers 03h00’ du matin. Les habitants de Rais ont été arrachés de
leur sommeil par le bruit des explosions, des cris et des hurlements des
victimes assassinées à coups de haches, de couteaux, de sabres et d’armes à
feu. La meute était lancée. Les terroristes, dans une frénésie macabre,
défonçaient les portes d’entrée des habitations pour exterminer toutes les
personnes qui s’y trouvaient : nourrissons, enfants, femmes, hommes et
personnes âgées. Avant d’incendier les habitations et les véhicules, ils
prenaient le soin de prendre ce qui avait de l’importance pour eux, nourriture,
vêtements, argent et métaux précieux.
Les instruments utilisés étaient le
plus souvent les couteaux, les sabres et les haches. Ils se disputaient
l’égorgement des nourrissons ; acte censé les rapprocher de Dieu
car selon eux, c’est un acte de foi et de piété que de tuer un être innocent,
qui sera souillé par une société dirigée par le « Taghout ».
En lui donnant la mort, les terroristes considèrent qu’ils lui préservent une
place au paradis. Ils ont, de ce fait accompli un acte plein de miséricorde
pour lequel Dieu les récompensera. La plupart de ceux qui ont tenté de fuir le
massacre ont été rattrapés et assassinés sur place par les terroristes chargés
de la surveillance.
H’mida l’actif avait désigné certains
terroristes pour récupérer les objets de valeur, les denrées alimentaires et de
sélectionner parmi les femmes, essentiellement les plus jeunes filles d’entre
elles, devant être emmenées avec eux comme sabaya
(captives). Le butin était regroupé, au fur et à mesure, auprès d’un groupe de
terroristes chargé de la surveillance posté dans les vergers.
Certaines familles ont été, par
contre, épargnées sur indication de Samir, originaire de Rais. H’mida l’actif avait insisté auprès de ses hommes de ne pas
s’en prendre aux membres des familles apparentées à des terroristes. Pour cela,
il a fait poster devant chaque habitation désignée par Samir, un terroriste
pour éviter toute confusion.
Après avoir accompli leur ignoble
forfait, les terroristes se sont repliés à Haouch Bounouar- Louz où ils se sont
partagés le butin pour, ensuite, se scinder en deux groupes, l’un a rejoint la
localité de Ouled Allel,
commune de Sidi-Moussa, sous la direction de H’mida
l’Actif et l’autre la forêt de Sidi-Ali, commune de Larbâa,
sous le commandement de Beziou Hocine dit « Mosâab ».
Les jeunes femmes enlevées, au
nombre de vingt-deux, ont été partagées entre les deux émirs, H’mida l’Actif a pris cinq d’entre elles ; les autres
ont été laissées à Beziou Hocine. Ce dernier
accompagné de ses hommes et des terroristes de Katiba El-Khadra ont rejoint la forêt
de Sidi-Ali, commune de Larbâa.
Quant au groupe faisant partie de
Katiba El-Khadra, après avoir passé la nuit à Ouled Allel, il a rejoint le lendemain son camp à Chréa. Ce groupe a pris avec lui cinq jeunes filles
enlevées pour les remettre à Antar Zouabri.
Les cinq jeunes filles sont restées
pendant deux mois à Chréa où elles étaient affectées
à des travaux domestiques (couper le bois, ramener de l’eau, faire la lessive
etc…). Le soir, les terroristes abusaient d’elles, à tour de rôle.
A l’issue de cette période, elles
ont été assassinées (éventrées). C’est le sort qui a été réservé, aussi, aux
autres jeunes filles emmenées par H’mida l’Actif et Beziou Hocine.
Du bilan du massacre
Le massacre perpétré durant la nuit
du 28 au 29 août 1997 à Rais a fait deux- cent quarante sept
(247) morts : vingt (20) nourrissons, quatre vingt (84) enfants,
cent cinq (105) adultes, trente-huit (38) personnes âgées. A ce bilan, s’ajoute
cent- vingt quatre (124) blessés et vingt-cinq (25) jeunes femmes enlevées ; dont trois (3)
d’entre elles ont été relâchées, parentes de terroristes.
C’est la première fois dans l’histoire
du terrorisme en Algérie, qu’un massacre d’une telle ampleur est commis.
Cette façon d’agir des terroristes
représentait, pour eux, un prototype du grand projet « de purification de
la terre sainte » qui n’aurait pas manqué de se réaliser sur la société
toute entière.
Pour ce qui est des dégâts
matériels, il a été recensé le saccage et
l’incendie de la plus grande partie des habitations du quartier ciblé.