DEFENSE- ENQUETES ET REPORTAGES-
TERRORISME/MASSACRES DE RAIS NUIT 28,29 AOÛT 1997(I/III)© par ZERROUK Ahmed ex-magistrat
militaire/www.algerie1.com, dimanche 29-08-2021
« Carnage »,
« hécatombe », « l’horreur », « l’enfer »,
« génocide » sont autant de qualificatifs employés, dont la charge
sémantique est insuffisante, pour exprimer l’image insoutenable, qui révulse
l’esprit et le corps, des massacres collectifs perpétrés en Algérie durant
l’année 1997 et le début de l’année 1998.
Ces corps, sans vie, gisant dans des
mares de sang coagulé, complètement disloqués, atrocement mutilés, décapités,
démembrés, éventrés, brûlés dans des postures complètement irréelles sont
l’œuvre de la cruauté meurtrière et sanguinaire d’autres êtres humains.
Du processus de légitimation des
massacres
Abou El Moundhir,
de son vrai nom Assouli Mahfoud, officier législateur
du GIA justifie ces tueries « les ennemis de l’Islam doivent être
égorgés » (…) « du plus jeune au plus âgé des
vieillards » ; « nous répondons à ceux qui nous accusent de tuer
aveuglement que (…) nous ne faisons rien d’autre qu’appliquer les préceptes de
Dieu et du Prophète ».
Le rôle de Abou El Moundhir, est prépondérant dans la justification
progressive de la barbarie, sous ses formes les plus primaires.
Dans un article publié dans la revue
intitulée El Djamaa en juin 1997, à la veille des massacres de Rais, Sidi-Youcef
/ Beni-Messous et Bentalha, Abou El Moundhir
renseigne sur le procédé machiavélique de légitimation du recours au massacre
et à la barbarie.
C’est ainsi qu’il écrit:
« Le G.I.A ne tue donc pas aléatoirement et nous disons que nous tuerons ceux
qui se sont retournés contre nous, donc nous ne produisons pas de nouveaux
jugements, ni n’improvisons des fatwas mais ce sont les jugements de Dieu et de
son prophète que nous appliquons ». « Ce que vous entendez dans les
villages et les villes concernant les égorgements, sachez que les victimes sont
tombées sous les verdicts de la promotion du bien et de
la lutte contre le mal, tels que les travestis, ceux qui délaissent la
prière et les consommateurs de boissons alcoolisées et les femmes dépravées,
ainsi que ceux qui ont voté, voilà donc l’explication des opérations menées par
les moudjahidine ».
C’est une
justification de la légitimation, au plan religieux, du massacre et
de l’assassinat, pour mieux anesthésier la conscience.
Concernant la promotion du bien et
la lutte contre le mal ainsi que le refus
de payer la dîme (Zakat) aux terroristes, Abou El Moundhir
est catégorique : « Il est ordonné aux émirs des régions et aux chefs
de compagnies et des détachements de désigner des soldats dignes de confiance
et d’autres forts, pour contraindre les gens à verser la Zakat aux Moudjahidine ».
« Celui qui la cache ou refuse de la verser est un apostat passible de la
peine de mort ».
Dans son délire sanguinaire et avide
de sang, il professe « les endroits où l’on
consomme les boissons alcoolisées doivent être brûlés, même si leurs
propriétaires s’y trouvent avec leurs compagnons ». « La peine de
mort est prévue également pour les homosexuels ».
S’agissant du massacre des enfants,
des femmes et des personnes âgées, Ibn Thaimia est à
chaque fois cité comme référence, quand des pseudo - hadiths attribués au
prophète sont épuisés, ou quand ils ne correspondent pas au désir de faire
couler le sang des innocents.
« Pour ce qui est des
assassinats ciblant les enfants et les femmes et d’autres personnes innocentes,
cela relève de la stratégie de la lutte, la surprise des attaques, le guet apens et l’usage des
explosifs. Celà, nous pensons que personne ne peut le
contredire, comme le mentionne El-Boukhari et autres, au sujet de Saab Ibn Djathama, qui a rapporté que le prophète, interrogé sur les
enfants et les femmes tués qui se trouvaient parmi les mécréants lors des
attaques menées contre ces derniers, il a répondu qu’ « ils
sont considérés comme eux, c’est à dire des mécréants ».
Une autre citation attribuée à Sounouï
est appelée à conforter le massacre des enfants et des femmes « il est
rapporté par les spécialistes appartenant aux écoles juridiques de Abi Hanifa et Chafiai qu’il est
permis de tuer les enfants et les femmes à l’intérieur des
constructions ». Abou El Moundhir fait
appel également aux jugements royaux de El –Maouardi
« il est permis, si l’armée encercle l’ennemi ; de les assiéger à
l’aide de lances pierres… il est permis aussi de détruire leurs maisons et de
les incendier, même si des enfants et des femmes s’y trouvent ».
Abou El Moundhir
cite Ibn Thaimia:
« si l’assassinat des enfants et des femmes est interdit par la religion,
il devient permis s’il y a nécessité comme dans le cas d’attaque à l’aide de
lance pierre ». Cependant l’expression la plus répandue parmi les
terroristes, devenue presque une maxime, est la suivante : « Pour ce qui
est des gens contraints de rester avec les mécréants, s’ils sont assassinés,
ils seront ressuscités par Dieu selon leur intention ». « Ibn Thaimia déclare, d’après les terroristes : « les Moudjahidine ne peuvent pas distinguer entre
ceux qui sont contraints et ceux qui ne le sont pas ».
Il est inculqué aux terroristes du
G.I.A qu’: « Il n’y a aucun intérêt ni aucune
utilité pour ralentir le devoir de promouvoir le bien et la lutte contre le
mal, ou de créer des obstacles à l’application des verdicts de l’Islam. Il n’y
a d’intérêt que dans l’application des sanctions, l’intimidation, l’expiation
et la généralisation des commandements de l’Islam par le meurtre, les coups et
l’exil. Seul, Dieu connaît ce qui est bien pour les gens ». « Et
quoique nous fassions en usant de notre esprit ou de nos sentiments pour
connaître ce qui est bien, ou ce qui ne l’est pas, nous n’y parviendrons
jamais, alors il faut juste les appliquer ».
Par ailleurs,
Abou El Moundhir, ce monstre déguisé en
exégète, justifiait les pratiques des mutilations, de la décapitation, des
brûlures et des sévices, exercés sur des personnes de tout âge y compris les
bébés et les enfants.
Dans le même document sus cité, il
délire de plus en plus : « Le prophète à la poursuite des apostats, une
fois capturés il leur a crevé les yeux, coupé les pieds et les mains et les a
jetés dans un gouffre». « Sachez que la Sunna
sera suivie contre le gré de tous ».
Dans un autre passage il affirme
« Le calife Abou Bakr El Seddik avait adressé un
message à Khaled Ibn El Oualid pour lui notifier de ne pas hésiter à mutiler Talha et ses compagnons ». « Khaled, agissant
pour venger les musulmans a procédé à la mise à mort de ses captures, certaines
d’entre elles ont été brûlées, d’autres écrabouillées avec
des pierres et d’autres jetées des hauts des montagnes ». «Par la suite, on a procédé à la décapitation d’un être
humain et sa tête fut bouillie par trois fois, sur ordre de Khaled Ibn El-Oualid ».
« Ce qu’a fait Ali Ibn Abi
Taleb à l’endroit des khaouredj est le meilleur
exemple, il les a brûlés par le feu et n’a pas hésité à les mutiler »
« Nous sommes donc sur cette tradition salafiste »… « Si
nous trouvons d’autres sounna et d’autres traditions plus intenses dans la
terreur et plus cruelles, nous n’hésiterons pas à les suivre et à les faire
revivre pour que nous puissions bénéficier de la satisfaction de Dieu ».
« Nous sommes déterminés à les
combattre et à les mutiler, nous sommes sur la voie de nos ancêtres ».
« Nous resterons sur cette tradition, comme l’ont été khaled
et Abou Bakr Seddik et les autres compagnons, qui
n’ont pas hésité à tuer, à mutiler et à brûler, mais nous ne sommes pas
satisfaits car nous n’avons pas encore atteint le nombre de morts qu’ils ont
atteint. En une seule bataille celle d’El Yamama,
contre Beni Hanifa, ils ont tué près de 10.000
personnes, et on dit même que le nombre était de 21.000 et dans une seule
journée ils ont tué 14.000 ». « Ali Ibn Abi Taleb a tué à lui seul et
en une seule bataille près de 4.000 parmi les khaouaredj,
qu’on n’arrivait pas à identifier car ils n’avaient pas de têtes ». « Ces
têtes ont servi d’escaliers à la grande Mosquée de Damas ». « Mais
nous sommes aujourd’hui loin d’eux dans la détermination de réaliser le
résultat qu’il ont accompli».
S’adressant aux terroristes, Abou El
Moundhir après avoir exposé, ces soi-disant faits
historiques, leur ordonne de décapiter ceux, qui ont souillé l’Islam, pour se
rapprocher de Dieu. Puis, il cite un passage du Coran
avant l’exécution des massacres de Rais, Sidi-Youcef/Beni-Messous
et Bentalha et qui peut être considéré comme annonciateur des massacres
collectifs : « vous aurez de leurs nouvelles sous peu ».
Il enchaîne son discours, pour tenter
d’anesthésier les consciences des terroristes d’une manière définitive,
« Je dis, que Dieu m’aide, un nombre de compagnons s’est distingué par son
opposition aux pratiques des mutilations et des brûlures, tels que Omar Ibn El Khatab et Ibn El Abbes et d’autres ; alors que Ali Ibn
Abi Taleb, Khaled Ibn El Oualid, Abou Bakr El Seddik,
El Hassen Ibn Ali et Abdallah Ibn Djaafar l’ont
approuvé ».
« Ceux qui se sont opposés à
ces pratiques ont justifié leur refus par le dire de Abi Houraira,
selon lequel la torture par le feu ne peut être pratiquée que par
Dieu ».
« D’après Affane Ibn Assal, il ne faut pas
torturer, ni mutiler, ni surprendre un enfant, Ibn Abbes serait du même
avis ». « Ces défenseurs de la guerre propre argumentent par le fait
que le prophète l’ait interdit ». « D’autres l’ont permis en cas de
l’application de la loi du talion, se fondant sur le verset : «Si vous devez punir, punissez de la même manière dont vous
avez été puni. Et aussi par le verset : « Agressez-les, de la même
manière dont vous avez été agressés ».
Abou El Mondhir
ajoute « Ibn Thaimia révèle que des
jurisconsultes ont approuvé, que si on a été tué
par noyade, brûlure ou strangulation, on doit être vengé par les mêmes
pratiques , si le fait n’a pas été interdit en tant que tel, comme l’est la
vente de l’alcool et l’homosexualité »
Se référant à un verset coranique, il déclare « La sanction de ceux qui combattent
Dieu et son prophète et œuvrent à propager le mal sur terre est la mort, la
sanction est de leur couper les mains et les pieds et de les exiler de la
terre ». « Sachez que le massacre et les mutilations concernent les
apostats et les mécréants d’origine et les imposteurs ».
Il poursuit : « El
Boukhari a rapporté que le prophète a crevé les yeux de certains mécréants avec
du fer, El Choukari rapporte également que Abou Bakr
et Khaled ont brûlé des gens, car ils étaient des apostats ».
« Toutes les pratiques, comme dit Ibn Khatir,
sont dissuasives pour les apostats ». « Donc, il ne reste aucun doute
sur nos pratiques, on brûle, on mutile, on coupe certaines parties du corps des
mécréants et des autres. Celui qui doute leur ressemble ou bien, c’est un
malade ou un imposteur ».
Pour conclure, le terroriste
législateur annonce avec une arrogance manifeste : « les soldats du
groupe islamique, le seul emblème légal et clairvoyant du djihad sur cette
terre, avec la permission de Dieu tout puissant, demeurent sur la voie de la lutte
contre les apostats, les mécréants d’origine et les imposteurs en les
torturant, les mutilant, les exécutant et en les décapitant, afin de se
rapprocher du Dieu de la terre et des cieux ».
Ainsi a été défini le processus de
légitimation de l’acte terroriste et du recours au massacre. Il s’agit d’un
vocabulaire tendancieux, teinté de religiosité et de référence à des actes
attribués aux compagnons du prophète, afin de tromper bien évidement la
conscience en y introduisant un effet anesthésiant.
Du massacre de Rais
Le village de Rais
situé dans la plaine de la Mitidja, a vécu, durant la nuit du 28 au 29
Août 1997, l’horreur et la barbarie. Les terroristes du Groupe Islamique Armé
(GIA) se sont abattus tels des animaux prédateurs sur la population du quartier
Rais1 appelé communément l’ancien Rais. Ils ont fait dans une sauvagerie inouïe
démontrant un dédain total pour la vie humaine.
Le village de Raïs était constitué de
maisons éparses, qui avec l’exode rural et la solidarité familiale ou tribale a
vu la venue d’autres migrants qui eurent à construire d’autres maisonnettes
implantées en fonction des liens de solidarité suscités.
C’est ainsi que quatre quartiers ont
vu le jour : Rais-1, Rais-2, et les quartiers des Staifias
et de Benamrane. La majorité des constructions est de
type individuel. Le quartier de Rais-1, communément appelé « l’ancien Rais », est constitué de maisons traditionnelles. Les
nouvelles constructions ont été érigées dans les quartiers de Benamrane, des Staifias et de
Rais-2.