CULTURE- ÉTRANGER-JOSÉPHINE
BAKER/PANTHÉON FRANCE
© Afp/Liberté, lundi 23
août 2021
Résistante, militante antiraciste, artiste, Joséphine Baker fera
son entrée au Panthéon en France cet automne, devenant la première femme noire
à rejoindre les grandes personnalités qui y sont inhumées. L'artiste
franco-américaine entrera le 30 novembre dans le mausolée
républicain dédié aux personnages ayant marqué l'Histoire de France,
a-t-on appris hier auprès de l'entourage du président français Emmanuel Macron,
confirmant une information du journal « Le Parisien ».
“La panthéonisation se construit sur le temps long”, a-t-on souligné. La
cérémonie fera de la célèbre meneuse de revue, née dans le Missouri en 1906,
décédée en 1975 et enterrée à Monaco, la première femme noire à reposer dans la
nécropole laïque et seulement la sixième femme
à y prendre place, Simone Veil ayant été la dernière femme à y faire son entrée
en 2018.
“Le 21 juillet, le président Macron nous a accordé un entretien”, raconte à
l'AFP l'entrepreneuse Jennifer Guesdon, une des
personnalités défendant la panthéonisation, et
“quand le Président nous a dit oui, (cela a été une) grande joie et en même
temps c'était comme une évidence”. “Cette demande de panthéonisation a été
faite par la famille Baker depuis 2013”, poursuit Mme Guesdon,
qui a été reçue par le président de la République avec le romancier Pascal
Bruckner, le chanteur Laurent Voulzy, l'essayiste Laurent Kupferman
et des membres de la famille de Joséphine Baker.
Une première campagne avait été lancée par l'écrivain français Régis Debray et avait été réactivée par M. Kupferman, rappelle Mme Guesdon.
Une pétition “Osez Joséphine Baker au Panthéon” compte près de 38000
signatures.
“Artiste, première star internationale noire, muse des cubistes, résistante
pendant la Seconde Guerre mondiale dans l'armée française, active aux côtés de
Martin Luther King pour les droits civiques aux Etats-Unis d'Amérique et en
France aux côtés de la Lira devenue Licra : Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (...) nous pensons que
Joséphine Baker, 1906-1975, a sa place au Panthéon”, selon la
pétition.
Médaille de la Résistance
“On a fait découvrir les engagements de Joséphine Baker qui n'était connue pour
certains que comme une star internationale, une grande artiste" mais “elle
rentre au Panthéon parce qu'elle était résistante”, relève Mme Guesdon. Mariée deux fois à l'âge de 15 ans,
issue d'un milieu très pauvre, Joséphine Baker fuit le domicile familial en
suivant une troupe de vaudeville noire.
Remarquée par un producteur, elle part pour Paris où, à 19 ans, elle
devient une star de la Revue nègre, spectacle musical qui a contribué à
populariser en France le jazz et la culture noire américaine. Meneuse de revue,
icône de cabaret, chanteuse, elle sera l'artiste la mieux payée
du music-hall parisien. Le 30 novembre 1937, elle épouse Jean Lion, un
industriel d'origine juive et obtient la nationalité française. Elle divorcera
et se remariera deux fois par la suite. Elle
adoptera 12 enfants. Elle s'engage dans la Résistance.
En 1939, elle rencontre le capitaine Jacques Abtey,
qui sera responsable du contre-espionnage de la région de Paris et est recrutée
comme agent de renseignement, faisant passer des informations
inscrites à l'encre sympathique sur ses partitions de musique. Elle est
envoyée par la suite en mission au Maroc et part en tournée au profit de la
Résistance. Elle est nommée sous-lieutenant des troupes féminines auxiliaires
de l'armée de l'air française. “Je n'avais qu'une seule chose en tête (...)
aider la France”, avait-elle dit dans des archives de l'Ina.
Elle a été décorée de la Légion d'honneur, de la Croix de guerre et de la Médaille de la Résistance. Cela “symbolise l'image
d'une France qui n'est pas raciste, contrairement à ce que disent un certain
nombre de groupuscules médiatiques, Joséphine Baker est une vraie antiraciste,
une vraie antifasciste", a réagi Pascal Bruckner auprès de l'AFP.
Elle était un “modèle de femme vaillante et généreuse”, “nous lui devons
cet honneur”, a écrit sur Twitter la ministre de la Culture française Roselyne
Bachelot. Interrogée par l'AFP, l'actuelle propriétaire du château des Milandes en Dordogne(sud-ouest de
la France), propriété de l'artiste entre 1947 et 1968, a dit son “immense
joie”. “Ça fait 20 ans que je me bats pour rendre hommage à Joséphine au château.La France l'avait un peu
oubliée quand on l'a acheté en 2001”, a déclaré Angélique de la Barre.