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Presse régionale- Entretien Ali Laib (Dir."Le Chélif", hebdo, en français )

Date de création: 21-08-2021 17:59
Dernière mise à jour: 21-08-2021 17:59
Lu: 1017 fois


COMMUNICATION- FORMATION CONTINUE- PRESSE REGIONALE- ENTRETIEN ALI LAIB (DIRECTEUR « LE CHELIF », hebdo, français)

 

©Ali Laib (facebook, mi-août 2021)

 

Un collègue d'El Moudjahid a demandé mon avis sur certaines questions concernant la presse locale et de proximité. Ma réponse a été toutefois tronquée car des passages entiers ont été supprimés, déformant tout mon argumentaire.

Voici les questions du journaliste et mes réponses (face book ; mi-août 2021)

 

1- Une profonde réformes du secteur de la presse rt 2021)elève d'un des engagements du président de la République. En tant que responsable d'un journal régional, qu'elle sont les mécanismes idoines à même de promouvoir l'information de proximité au service du citoyen ?

Avant de répondre à cette question, je voudrais signaler que je ne doute pas de la sincérité de l’engagement du président Tebboune qui a de tout temps à l’écoute des préoccupations des professionnels des médias. Cependant, la situation héritée de plusieurs décennies d’une gestion bureaucratique et approximative, le secteur continue de se débattre dans des problèmes que d’autres ont résolus le siècle passé. Vous n’avez qu’à voir l’état des imprimeries publiques pour vous rendre compte de la situation. Idem pour les médias audiovisuels où les confrères continuent de travailler dans des conditions abominables, dans des locaux exigus, au risque de compromettre leur santé.

Quand on parle de presse de proximité, beaucoup pensent automatiquement à l’intérieur du pays où elle est quasiment absente. Il y a quelques exceptions comme le journal Le Chélif qui se trouve à 200 kilomètres des deux centres d’impression, à savoir Alger et Oran. En fait, la presse locale est concentrée à Alger, la quasi-totalité des journaux qui s’y trouve (et ils sont très nombreux) accordent une importance accrue à ce qui se déroule dans les quartiers de la capitale mais ne s’intéresse que rarement à la périphérie algéroise. Ce qui les « sauve » et leur assure une certaine notoriété, c’est le fait qu’ils couvrent l’activité des ministères, des institutions de souveraineté et des grosses entreprises publiques, ce qui leur donne une dimension « nationale » non méritée.

Pour revenir à la presse régionale, cette dernière vit d’énormes difficultés. Matérielles et financières d’abord parce qu’il faut avoir les moyens de sa politique.

Les difficultés sont nombreuses. Il en est une, et qui n’est pas des moindres, c’est le manque de collaboration des autorités locales, des institutions et des grosses entreprises qui évitent les contacts avec la presse sauf quand il s’agit de couvrir des activités n’intéressant pas forcément le citoyen. Je vous donne l’exemple du directeur d’une cimenterie qui refuse de nous recevoir depuis plusieurs mois, des directeurs de l’exécutif évitent les questions « gênantes » comme de savoir quand s’achèveront les travaux de l’autoroute Chlef – Ténès, qui sont aujourd’hui à l’arrêt…

Souvent, on évite de vous répondre en prétextant qu’il faut s’adresser à la direction nationale, à Alger notamment.

Sans la collaboration des institutions, il est très difficile d’avoir des informations fiables sur la marche du développement local, parce que c’est ce qui nous intéresse en premier lieu. Du moins, notre journal.

Autre difficulté : les pouvoirs publics locaux refusent mordicus d’accorder des locaux aux journaux locaux sous le fallacieux prétexte que ces journaux sont des entités économiques privées. Par contre, ils ne lésinent pas sur les moyens pour aider et soutenir les télévisions de droit étranger qui bénéficient de leurs largesses.

Par ailleurs, vous êtes constamment harcelés par les services de sécurité qui vous interdisent d’utiliser votre appareil photo ou d’accéder à des lieux pourtant publics comme les ports de pêche.

2- Quelles selon vous les avantages et les inconvénients de la presse régionale, autant pour les professionnels qui l'exercent que pour ses lecteurs ?

Pour répondre à votre question, je pense que la presse régionale, pour peu qu’elle se pare de sérieux et de professionnalisme, est appelé à réussir dans ses missions ; elle est à même de capter l’attention et l’intérêt du lectorat. Cela, en réalisant des reportages et des enquêtes sur les conditions de vie des citoyens, sur les projets de développement, sur les problèmes de fond que vivent les régions… Il faut aussi associer le lecteur en demandant à chaque fois son point de vue sur des questions qui l’intéressent. Il faut réaliser un maximum d’interviewes avec les citoyens, les représentants de la société civile, les universitaires, etc. Enfin, il faut promouvoir les savoirs et les cultures locales, outre de faire connaître les entreprises locales. Il faut encourager les initiatives locales et les porteurs de projets.

Enfin, il ne faut pas oublier les jeunes auxquels il est indispensable de consacrer des rubriques entières. Mais pour ce faire, il faut de gros moyens. En effet, prétendre recueillir, traiter puis donner des informations de proximité à ses lecteurs est prétentieux et irréalisable. Pour deux choses au moins : il faut disposer d’une armée de journalistes et de correspondants (et d’une flotte de véhicules) pour arriver à couvrir une wilaya comme Chlef où il y a 35 communes et 13 daïras. Quant à toucher les wilayas limitrophes de Relizane, d’Aïn Defla et de Tissemsilt, où chacune comprend au moins 36 communes, je vous laisse répondre.

La seule solution, c’est l’aide de l’État. D’autant plus qu’ici, les opérateurs économiques sont frileux quand il s’agit de publicité. Beaucoup n’y croient pas, considérant que toute leur production s’écoule facilement sans recours à la pub.

3- Dans la perspective de reconfiguration de la presse écrite, pensez-vous qu'il faudrait concentrer les efforts sur la création des journaux régionaux vu le manque constaté dans ce domaine ?

Certainement. Actuellement, il y a beaucoup de diplômés en sciences de la communication et de l’information qui se roulent les pouces. Encourager la création de journaux et d’autres médias locaux, c’est leur offrir des possibilités d’emploi. Et c’est ce qui plaide pour qu’il y ait au moins une « gazette » dans chaque wilaya, qu’elle soit de parution quotidienne ou hebdomadaire.

Toutefois, la presse et les médias locaux doivent bénéficier de l’aide directe et indirecte de l’État comme de lui accorder plus d’espaces publicitaires, des avantages fiscaux évidents, lui donner la possibilité de recruter plus de personnels dans le cadre de l’emploi de jeunes, de lui organiser des sessions de formation au profit de ses personnels… Sachez qu’à part les correspondants, il n’existe aucun métier de la presse à Chlef. Il n’y a ni correcteurs de presse, ni monteurs, ni infographes. Quant aux secrétaires de rédaction, c’est le désert total.