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Covid 19- Entretien Pr Houria Ahcene Djaballah, Psychologue /El Watan, 2 Août 2021

Date de création: 03-08-2021 18:04
Dernière mise à jour: 03-08-2021 18:04
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SANTE- OPINIONS ET POINTS DE VUE- COVID 19/ENTRETIEN Pr HOURIA A-DJABALLAH, PSYCHOLOGUE/EL WATAN, AOÛT 2021

 

«Les problèmes sociaux, et pas seulement les troubles organiques, ont augmenté à l’ombre de cette pandémie»

 

 

L'actuelle pandémie du coronavirus constitue une réalité particulière et surtout inhabituelle. Mais lors d'une crise, est-il normal de se sentir stressé, désorienté ou encore angoissé ? Dans cet entretien, Houria Ahcène-Djaballah, professeur de psychologie clinique (à la retraite) à l'université de Bouzareah, explique ce qu’il en est exactement. 

 

 © Propos recueillis par Sofia Ouahib, Journaliste - El Watan, lundi 2 août 2021 

 

Q :Depuis quelques jours, la pandémie de coronavirus, en raison de sa recrudescence en Algérie, envahit tous les médias et même les réseaux sociaux, ce qui contribue largement au développement d’une angoisse chez de nom- breuses personnes. Quelles sont les répercus-sions possibles de cette situation sur la santé, le comportement et l’humeur des individus ?

Tout d’abord, je tiens à rappeler que nous vivons un événement traumatique à répétition, et comme tout événement traumatique, il peut y avoir des répercussions sur la santé de l’individu, et ce, selon ses antécédents médicaux psycho- logiques familiaux ou autre, et selon son vécu passé et actuel, sans oublier ses projections dans l’avenir. Concernant les répercussions sur l’humeur, cela reste également très relatif. Il peut y avoir un émoussement chez certains alors que d’autres vont verser dans l’excès, comme l’hypervigilance par exemple. Le comportement, quant à lui, va être tributaire de la tendance de base de l’individu. Certains verseront dans la violence alors que d’autres se voueront à la soli- darité. En fait, les répercussions possibles sur la santé sont liées d’une part aux prédispositions et fragilités de l’individu et, d’autre part, aux particularités du groupe social d’appartenance. A titre d’exemple, un diabétique présente non seulement une fragilité qui risque d’être exacer- bée par une forte charge anxieuse, mais si en plus son entourage familial, professionnel ou autre ne le ménage pas ou le sollicite outre mesure, sa maladie va s’aggraver. Il en va ainsi de toutes les pathologies organiques ou mentales. D’ailleurs, beaucoup de pathologies, dont les troubles psy- chologiques ainsi que les problèmes sociaux et pas seulement les troubles organiques, ont aug- menté à l’ombre de cette pandémie.

 

Q :Ce lot d’angoisses est-il normal ?

Cette pandémie est un événement traumatique vécu par l’ensemble des humains. Et chaque nouvelle vague est une répétition de cet événe- ment traumatique, avec son lot d’angoisses. Mais si le premier événement a pris au dépourvu au-

tant les citoyens que les décideurs, mettant en dif- ficulté les soignants et les exposant massivement au danger, les événements suivants auraient pu être mieux appréhendés autant par les citoyens que par les décideurs. L’angoisse est normale tant qu’elle assure sa fonction, celle d’alerter de l’imminence du danger, elle peut céder rapide- ment la place à la peur. La peur est normale tant qu’elle assure sa fonction, celle de se préparer à affronter le danger, et à son tour elle cède la place au stress. Le stress est normal tant qu’il assure sa fonction, celle de concentrer l’attention et mobiliser l’énergie pour faire face au danger. Ce dernier doit céder la place à l’action d’abord, à la réflexion ensuite et enfin à la résolution du problème pour pouvoir le traiter efficacement et rapidement à l’avenir.

 

Q :Quel comportement adopter face à une telle pression psychologique ?

La crise sanitaire liée au coronavirus est un fait et nous devons faire avec. L’idée est de prendre note de nos erreurs, de nos abus, et faire en sorte que la vie, la nôtre, celle de nos semblables et celle de tous les êtres vivants, soit préservée, res- pectée. Se rappeler que la vie est une succession d’épreuves et que c’est à chacun de nous de faire un travail sur lui-même pour s’élever au-dessus de la pression imposée par les circonstances. Ceux qui sont soumis à une trop forte charge, comme les soignants, les pompiers, les policiers et autres, doivent pouvoir bénéficier de l’aide psychologique. Idem pour les journalistes qui sont, eux aussi, fortement exposés car aux pre- mières lignes pour informer les citoyens.

 

Q :Une récente étude menée par l’Institut danois de recherche sur le bonheur a montré que l’anxiété était en forte hausse lorsque le nombre de cas de Covid-19 augmentait. Selon l’Institut, tous les 100 nouveaux cas, ce sont 7000 personnes en plus qui se sentent angois- sées. Comment se rassurer et éviter de céder à la psychose ?

Nous ne pouvons empêcher certaines per- sonnes de céder à la psychose, tout comme nous ne pouvons empêcher d’autres de se réfugier dans le déni. Si la recherche d’information est une réaction saine et souhaitable, la surcons- ommation médiatique contribue à l’addiction. En période de coronavirus, comme en toute période de crise, il est nécessaire de se rappeler que chacun de nous doit du respect aux autres et, si possible, de la solidarité. Il est essentiel de se centrer sur ce qu’on peut faire nous-mêmes pour se protéger et protéger les autres sans attendre que la solution vienne des autres ou des institutions. Aujourd’hui, on entend parler de «reprise de la vie normale» comme si rien ne s’était passé ! J’estime donc qu’il y a eu défaut de médiatisation quant à la projection dans l’avenir et à la conscientisation de la nécessité de faire avec son environnement. Faute d’avoir réfléchi sur la question et envisagé des solutions durables pour vivre avec ce virus ou tout autre agent pa- thogène à cause de cette illusion de vie normale à retrouver, le virus «garde la main» et nous fait vivre à son rythme, à savoir : événement trauma- tique, angoisse, peur, stress, confinement, décon- finement, soulagement, relâchement, répétition de l’événement traumatique, etc., en boucle. Nous devons vivre pleinement et ce même avec la Covid. Il suffit juste de neutraliser sa nui- sance,commenousdevrionslefairechaquefois qu’un agent pathogène viendra nous «rappeler à l’ordre».