RELATIONS
INTERNATIONALES- ISRAËL (ENTITÉ SIONISTE) - PERSONNALITÉS INTERNATIONALES/PÉTITION
CONTRE APARTHEID EN ISRAËL
Par un collectif de 1000 personnalités internationalement reconnues, fin
juillet 2021
Plus
de 1 000 artistes, intellectuels et universitaires de plus
de 45 pays appellent à la reconnaissance internationale et au
démantèlement du régime d’apartheid mis en place par Israël sur le territoire
de la Palestine.
Gageons
que, dans quelques années, quand les historiens voudront caractériser les
événements marquants de l’année 2021 en ce qui concerne l’Etat d’Israël, ce qui
l’emportera ne sera ni la vaccination éclair contre le Covid ni le départ du Premier ministre Benjamin Nétanyahou, mais bel et bien la reconnaissance mondiale de
l’état d’apartheid dans tout l’espace de la «Palestine historique». Cela a
commencé le 12 janvier par la publication du rapport de B’Tselem
(Centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoires
occupés) intitulé : «Un régime de suprématie juive
s’étendant du Jourdain à la Méditerranée, c’est de l’apartheid». Trois mois
plus tard, le 27 avril, le rapport de Human Rights Watch,
ONG internationale de défense des droits humains mondialement respectée,
enfonçait le clou sous le titre : «Un seuil franchi : les autorités
israéliennes et les crimes d’apartheid et de persécution». Enfin, le 6 juillet,
600 universitaires, artistes et intellectuels venant de 45 pays rendaient
publique une déclaration qui appelle au démantèlement du régime d’apartheid
dans la Palestine historique.
L’apartheid
est un crime, internationalement reconnu comme tel depuis que, le 30 novembre
1973, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait la Convention
internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid. Dans le
statut de Rome de 2002 instituant la Cour pénale internationale, l’apartheid
est caractérisé comme un crime contre l’humanité «commis
dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de
domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres
groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime».
La
coïncidence avec la législation israélienne et les politiques de discrimination
envers les Palestiniens est manifeste. Pourtant, pendant des décennies, il fut
pratiquement impossible d’en faire état publiquement. Lorsque l’ancien président Carter, dans un livre sur
Israël de 2006, osa faire figurer le mot dans son titre (Palestine : la
paix, pas l’apartheid), il souleva des clameurs d’indignation. Dix ans
après, quand une étude des Nations unies parvint aux mêmes conclusions («Le traitement par Israël du peuple palestinien et la
question de l’apartheid», commission économique et sociale des Nations Unies
pour l’Asie occidentale [ESCWA], 2017), la réaction ne fut pas moins violente.
Face à la colère des groupes de pression et des Etats pro-israéliens devant
cette utilisation à leurs yeux inacceptable du «mot
en A», le secrétaire général dut demander le retrait du rapport. La
directrice exécutive de l’ESCWA, Rima Khalaf, préféra
alors démissionner plutôt que de s’incliner.
Mais
en cette année 2021, le verrou vient de sauter. Les sociétés civiles du monde
entier ne le supportent plus. D’un continent à l’autre, d’une génération à
l’autre, d’une nationalité à l’autre, les manifestations, les prises de
position, les tribunes, les motions adoptées à de larges majorités convergent
en un même flot de protestation. La reconnaissance du fait qu’Israël a bel et
bien instauré un régime d’apartheid dans l’ensemble des territoires qu’il a
soumis à sa juridiction, s’ajoutant à d’autres violations du droit
international, mène à exiger que la communauté internationale sorte de la
complaisance et engage les mesures concrètes qui découlent de ce constat.
Dans
cet esprit, la déclaration du 6 juillet sur l’élimination et la répression du
crime d’apartheid dans la Palestine historique, après avoir résumé l’histoire
des pratiques israéliennes de discrimination systématique envers les
Palestiniens, continues depuis la Nakba, en insistant sur la signification de
l’adoption par la Knesset de la loi fondamentale de 2018 qui
réserve aux seuls habitants juifs la pleine citoyenneté de l’Etat et
le «droit à l’autodétermination», ainsi que sur la responsabilité des
puissances occidentales qui protègent et subventionnent ce régime, et rappelé
les obligations découlant de la Convention internationale de 1973, énonce
quatre grands principes d’action.
-
nécessité de condamner en tant que crime au sens du droit international le
régime d’apartheid imposé au peuple palestinien résidant en Israël-Palestine ou
contraint à l’exil ;
-
nécessité du démantèlement de ce régime et de l’établissement d’un ordre
constitutionnel respectant le droit international et les conventions de défense
des droits humains, qui garantirait l’égalité des droits et devoirs pour les
habitants de cette terre indépendamment de toute différence raciale et
ethnique, comme de toute appartenance religieuse ou identité sexuelle, et
reconnaîtrait le droit au retour de tous les exilés depuis la création de
l’Etat d’Israël ;
-
nécessité pour les gouvernements complices de mettre fin à leur connivence avec
le régime d’apartheid en poussant à son démantèlement et en soutenant une
transition sensible au droit à l’autodétermination des deux peuples habitant
actuellement la Palestine historique ;
-
nécessité enfin d’une commission de paix, de réconciliation et de
responsabilité chargée d’accompagner la transition vers une gouvernance
respectueuse des droits humains et de la démocratie. En attendant qu’un tel
processus soit enclenché, les signataires appellent la Cour pénale
internationale à lancer une enquête sur les dirigeants et le personnel de
sécurité à qui la perpétuation du crime d’apartheid peut être imputée.
La
déclaration (lisible sur le site https://www.aurdip.org/declaration-sur-l-elimination-et.html)
est signée à ce jour par plus de 1 000 personnalités internationalement
reconnues, en particulier Rima Khalaf (ancienne
directrice exécutive de l’ESCWA), les professeurs Richard Falk et Virginia Tilley (auteurs du rapport de l’ESCWA en 2017), les Prix
Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel et Mairead Maguire, le Prix Nobel de
chimie George Smith, Nurit Peled-Elhanan (Prix
Sakharov 2001 et co-fondatrice du Tribunal Russell pour la Palestine), les
juristes Monique Chemillier-Gendreau et John Dugard, les enseignants et chercheurs Bertrand Badie, Hagit Borer, Ivar Ekeland, Souad
Joseph, Edgar Morin, Jacques Rancière, Roshdi Rashed et Gayatri Spivak, le biologiste Sir Iain Chalmers,
le compositeur Brian Eno, le musicien Roger Waters, l’écrivaine Ahdaf Soueif, l’économiste Sir
Richard Jolly (ex-assistant du secrétaire général des Nations-unies),
l’ancienne vice-présidente du Parlement européen Luisa Morgantini,
le vétéran sud-africain de la lutte anti-apartheid Ronnie Kasrils
et la militante pacifiste et ancienne dirigeante des Verts canadiens Joan Russow. Cette liste ne cesse de s’accroître. Espérons
qu’elle contribue à faire enfin bouger les choses dans le sens de la justice.
La
version originale anglaise de ce texte a été élaborée par Robert Falk et
Jonathan Rosenhead. Adaptation française par Etienne
Balibar et Jean-Marc Lévy-Leblond. (In
Libération)