Nom d'utilisateur:
Mot de passe:

Se souvenir de moi

S'inscrire
Recherche:

Communication institutionnelle

Date de création: 28-07-2021 18:53
Dernière mise à jour: 28-07-2021 18:53
Lu: 1040 fois


COMMUNICATION- OPINIONS ET POINTS DE VUE- COMMUNICATION INSTITUTIONNELLE

Une communication narcissique

© ZERROUK Ahmed, ex-magistrat militaire/ www.algerie1.com , 28 juillet 2021

 

Communiquer, c’est informer. Communiquer, c’est expliciter. Communiquer, c’est faire valoir une idée, un message ou une action. « On ne peut pas ne pas communiquer » -Paul WATSLAWICK de l’école de Palo Alto/Californie-.

Mais, existe-t-il une communication outrancière. Une communication de l’égoïsme. Une communication narcissique. Une communication de la démesure  Et, surtout en ces temps difficiles, douloureux et mortifères dus à la propagation de l’épidémie du Coronavirus (Covid-19), particulièrement du variant Delta qui est entrain de créer une situation aussi alarmante que catastrophique dans notre pays, générée aussi bien par l’inconscience de la population que par l’inconséquence des autorités publiques.

Mais, revenons à cette communication dite narcissique. Qu’en est-il ?

Voici les faits : une dépêche de l’agence APS datée du 12 juillet 2021 a repris un communiqué du ministère de la défense nationale dont la teneur est la suivante : « En continuation des efforts visant à lutter contre le Coronavirus, un avion de transport militaire a atterri dimanche 11 juillet 2021 à la base aérienne de Boufarik/1ère région militaire, à son bord un million six cents mille doses de vaccin anti-covid 19 en provenance de la République populaire de Chine ».

Il est ajouté  que l’Armée nationale populaire (ANP) «  demeure toujours prête à accomplir ses missions et de répondre à l’appel de la patrie et à servir le peuple algérien en toutes circonstances ». 

Le 24 juillet 2021, une autre dépêche de l’APS fait état d’un  autre communiqué du ministère de la défense nationale dont le contenu est ainsi qu’il suit : « Dans le cadre  des efforts nationaux continus visant à lutter contre la propagation du Coronavirus (Covid-19), un avion de transport militaire relevant des forces aériennes a atterri dans la soirée d’hier Vendredi 23 juillet 2021 à la base aérienne de Boufarik (1ère Région militaire) à son bord une nouvelle cargaison du vaccin anti-covid-19, estimée à deux millions quatre cents milles doses (2.400.000) acquises  de la République Populaire de Chine ».

Il est, également, précisé que : « Cette nouvelle cargaison, qui sera suivie par d’autres opérations similaires pour acheminer des quantités du vaccin ainsi que des équipements médicaux, qui seront réceptionnés dans les prochains jours et semaines afin de renforcer le système de santé national, confirme encore une fois la disponibilité de l’Armée nationale populaire à répondre à l’appel de la patrie et servir le peuple algérien et accomplir ses misions humanitaires avec dévouement ».

Des observations s’avèrent utiles sur le contenu de ces deux (12) communiqués du MDN, repris par l’agence Algérie Presse Service.

Au plan de la forme et de la sémantique, dans le deuxième communiqué, il est fait état d’un avion de transport militaire relevant des forces aériennes, comme si un avion de transport militaire pouvait relever d’un autre commandement de forces.

De même, il est précisé que ledit avion de transport militaire a atterri dans la « soirée ». Pourquoi une telle précision ? Est-ce pour faire valoir qu’il s’agit d’un vol de nuit et que les pilotes ont fait preuve d’un professionnalisme inouï  et d’une maitrise incroyable pour effectuer un tel vol nocturne et atterrir à la base aérienne de Boufarik.

Les pilotes des avions de transport militaire effectuent des vols de nuit, et c’est une routine pour ces professionnels des forces aériennes. Cette précision est superfétatoire.

S’agissant de la quantité du vaccin transportée, le communiqué l’estime à 2 400.000 doses. Donc, c’est une estimation, c’est un calcul approximatif de la quantité, et en  conséquence elle est aléatoire. Or, dans le contrat d’achat, la quantité est fixée et bien spécifiée. On n’achète et on ne vend pas une estimation de quantité, mais un nombre, une quantité chiffrée et bien arrêtée, dans le cas d’espèce,  de doses du vaccin contre le Coronavirus. 

En outre, ce communiqué nous apprend que « d’autres opérations similaires – vont avoir lieu- pour acheminer des quantités de vaccin ainsi que des équipements médicaux, qui seront réceptionnés dans les prochains jours et semaines afin de renforcer le système de santé national ».

C’est une communication intrusive et inappropriée. On tire la couverture à soi. Où est le ministère en charge de la santé ? Où est le ministère en charge de la communication ? Où sont les services du Premier ministre ? Où sont les chargés de la communication de la Présidence de la République ?

Le ministère de la défense nationale communique et  informe l’opinion publique  sur des actions futures qui relèvent du ministère en charge de la santé. Et, personne ne dit mot, personne ne réagit. Tout le monde est tétanisé.

Le Président de la République, chef suprême des forces armées et ministre de la défense nationale ne recadre même pas le chef d’état-major de l’ANP, le secrétaire-général  par intérim du MDN ou le directeur de la communication, de l’information et de l’orientation/MDN. C’est terrible qu’une institution dite « la grande muette » devienne aussi volubile et omniprésente dans le champ médiatique, en outrepassant ses missions et attributions pour empiéter  allègrement sur celles d’autres départements ministériels.

De plus, les deux (2) communiqués du MDN justifient le transport des deux (2) quantités de vaccin par le fait « de répondre à l’appel de la patrie et à servir le peuple algérien … ». Rien que ça.

Donc, le peuple algérien doit dire merci, mille fois merci à l’ANP d’avoir bien voulu assurer l’acheminement, par un avion de transport militaire, de ces deux (2) quantités du vaccin contre le Coronavirus.

Pour bien comprendre cet état d’esprit, ca veut dire que l’ANP a accordé une faveur au peuple en assurant ce transport, et sans le supposé « appel de la patrie », rien n’aurait été fait.

Mais, au fait, l’ANP est une institution constitutionnelle de la République, elle est supportée par le budget de l’Etat. C’est une institution étatique qui émarge au budget de l’Etat, c'est-à-dire du peuple. En conséquence, l’ANP ne peut qu’être au service du peuple et de l’Etat. L’avion de transport militaire a été acquis  par l’argent du peuple et non d’un quelconque mécène ou autre philanthrope ou un généreux donateur. La base aérienne de Boufarik a été construite et équipée par l’argent public. L’entretien de l’infrastructure et la maintenance des équipements, aussi. Les pilotes ont étudié dans le système scolaire et universitaire algérien et s’ils ont suivi des stages ou des formations à l’étranger, c’est toujours avec l’argent du peuple. 

De plus, les heures de vol de nuit ou de jour entrent dans l’expérience et l’acquis des pilotes.

Le kérosène consommé a été payé par l’argent du contribuable et la solde servie aux membres de l’équipage (pilotes et  mécaniciens) provient du budget de l’Etat.

Le transport d’une quelconque quantité de vaccin est-elle une faveur  offerte par l’armée à l’Algérie, au peuple souverain. Faut-il un « appel de la patrie ». Que NON. L’armée est au service de la nation. Elle a pour mission permanente la sauvegarde de l’indépendance nationale et la défense  de la souveraineté nationale. Elle est chargée, également, d’assurer la défense de l’unité et de l’intégrité territoriale du pays, ainsi que la protection de son espace terrestre, aérien et maritime (article 30/2ème et 3ème alinéas de la Constitution).

Le transport du vaccin de Pékin/Chine à Alger aurait pu se faire par un avion cargo de la société nationale Air Algérie ou par l’affrètement d’un avion.

Il n’y a rien d’exceptionnel, d’extraordinaire, de remarquable dans le transport, par voie aérienne, de cette quantité de vaccin achetée par l’Algérie. Ce n’est ni une prouesse technique, ni une faveur exceptionnelle accordée par l’armée au peuple.

Enfin, l’institution militaire, l’Armée Nationale Populaire, relève des attributions dévolues par la Constitution au Président de la République, qui incarne l’unité de la Nation et veille en toutes circonstances à l’intégrité du territoire et à la souveraineté nationale (article 84/1er alinéa de la Constitution).

L’article 91/1er tiret de la Constitution intronise le Président de la République dans les hautes fonctions de Commandant en chef de l’armée. En effet, le  Président de la République est le chef suprême des Forces Armées de la République et le responsable de la Défense Nationale. De même, et conformément aux dispositions de cet article 91/2ème alinéa, il lui appartient de décider de l’envoi des unités de l’Armée Nationale Populaire à l’étranger après approbation à la majorité des deux tiers (2/3) de chaque chambre du Parlement.

Et, il ne faut pas oublier ou occulter le fait que le Président de la République assume, aussi, effectivement et formellement les attributions de ministre de la défense nationale (décrets présidentiels 21-78 du 21 février 2021 et 21-281 du 7 juillet 2021 portant nomination du gouvernement). Ce n’est ni un exercice protocolaire, ni un exercice superficiel. Et, il ne doit pas l’être.

Comment se fait-il que l’armée n’agit pas, dans le cas d’espèce, dans le cadre «  des instructions du Président de la République, chef suprême des forces armées, ministre de la défense nationale », et se détache complètement de ce lien hiérarchique, consacré par la Constitution et la réglementation, pour créer un lien direct entre l’armée d’une part et la patrie ainsi que le peuple algérien, d’autre part.

Le ou les rédacteurs de ces deux (2) communiqués ainsi que le responsable qui a agrée leur contenu et donné son accord pour leur large diffusion, se sont affranchis avec désinvolture et une légèreté déconcertante de l’autorité du ministre de la défense nationale et  du Chef suprême des Forces Armées de la République. 

Où est l’Etat, où est la République, où sont les institutions, et surtout où est la Constitution? 

Il est temps, grandement temps, pour le Président de la République, Chef suprême des Forces Armées de la République et ministre de la défense nationale de disposer d’un cabinet militaire, un staff restreint composé de cadres militaires en activité et/ou à la retraite, qui puisse assurer le suivi de la gestion du ministère de la défense nationale, et donner son avis sur les questions et propositions intéressant l’armée, autres que celles de sécurité.

Pour terminer, où est le ministère en charge de la santé, et à un moindre degré, où est le ministère en charge de la communication, C’est à eux et à eux seuls que devrait revenir  de faire état de la réception du vaccin contre le Coronavirus, en indiquant les quantités de doses réceptionnées.

Monsieur le Président de la République, recadrez vos ministres et que chacun exerce ses attributions sans empiéter sur celles des autres, sans surenchère, ni favoritisme, ni mutisme

Un Etat ne peut être géré avec des états d’âme, Que chacun, à un quelconque niveau de responsabilité que ce soit, civile ou militaire, exerce pleinement et uniquement ses attributions, et l’Algérie se portera bien. 

Le mot de la fin, il ne s’agit ni plus, ni moins, que d’un banal transport aérien de fret, des vols effectués de jour et de nuit des centaines de fois par jour dans le monde.