COMMUNICATION –
FORMATION CONTINUE- CONCEPTION JOURNALISME- PR AHMED CHENIKI
©Pr Ahmed CHeniki, fb, fin juillet 2021
MA CONCEPTION DU JOURNALISME
« Le journalisme est un beau métier. Surtout si on y croit et si on
choisit le métier d’écrire et de rapporter l’information par passion. Il n’y a
pas plus beau qu’une passion soutenue par la froideur du coup d’œil. Je l’ai
commencé très jeune, j’avais vingt ans, je suivais en même temps des cours
d’art dramatique et d’audiovisuel à l’institut d’art dramatique de Bordj el Kiffan et d’Histoire à l’université d’Alger. Je l’ai
passionnément aimé, ce métier, même si je trouvais que nombre de mes collègues
le faisaient beaucoup plus par nécessité, trop impressionnés par les «
puissants du jour » qu’ils aimaient côtoyer ou par une reproduction paresseuse
d’une « information » venant « d’en haut ». Le journaliste doit tout
interroger, vérifier, déplaire, déranger, ce n’est pas un « enfant de chœur ».
J’aime beaucoup cette belle formule d’Albert Londres : « Notre métier n'est pas
de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la
plaie... ». Ecrire, c’est aussi prendre le risque de perdre des amis, d’être «
mal vu ». J’ai eu aussi la chance d’exercer dans des journaux très sérieux à
l’époque, Algérie-Actualité et Révolution Africaine. Il y avait de très belles
plumes et des débats qui n’en finissaient pas, malgré la frustration des
limites excessives du moment. Mais, à l’intérieur, il y avait de belles luttes,
même dans El Moudjahid ou Echaab. Ce n’était pas
simple. Il faut le dire, trop peu osaient. Mais certains osaient. La presse,
comme tous les lecteurs, est un appareil complexe marqué par de profondes
contradictions. J’ai comme souvenir ces petites lueurs qui avaient illuminé
l’espace médiatique : en 1980, des journalistes avaient dit non, malgré la
volonté de tout fermer, en 1984, Algérie Actualité couvre une manifestation à
Oran, le sympathique, mais néanmoins Ahmed Halli,
alors rédacteur en chef, était sommé de laisser sa place, en 1986, Constantine
s’échauffe, je couvre les manifestations, j’étais à Révolution Africaine,
branle-bas de combat à la rédaction, 1988…Des collègues avaient pour mission de
répondre aux articles qui fâchent, pourtant publiés dans leur propre journal.
La fonction du journaliste est de chercher l’information et la transmettre
à un (des) public (s) en prenant de la distance avec les faits, en entreprenant
une véritable critique des sources et en n’arrêtant pas de vérifier et de
revérifier l’information et de ne croire personne, tout en prenant acte du
propos des uns et des autres. Tout événement est digne d’être couvert, il n’y a
pas de petit ou de grand événement, mais de petit ou de grand journaliste. Le
journaliste devrait être autonome, ne pas être assujetti à tel ou tel pouvoir
ou à telle ou telle autorité. Il ne doit jamais être impressionné par le grade
ou le poste occupé par les uns et les autres. Ce qui importe, c’est avoir
l’info, en usant des techniques permettant justement de la récupérer. Le vrai
journaliste est très prudent par rapport aux « sources », officielles,
parallèles ou informelles. Toutes les sources se valent, elles sont toutes à
interroger. Le journalisme, ce sont les faits ; les discours, les promesses,
les possibilités au futur sont à interroger, la mémoire devrait-être vive. Un
journal qui, même dans un court papier, mettant en scène plusieurs entités, ne
fait pas appel à de nombreuses sources, n’a rien à voir avec cette belle
profession.
J’ai l’impression que le journalisme fout le camp, prend la clé des champs.
La couverture du COVID a montré les graves limites d’une presse trop pauvre.
Des journaux en ligne et papier, des journalistes acceptent d’être le
porte-plume ou le porte-valise de quelqu’un d’argenté ou du « patron ». Aucun
journal, je dis bien aucun journal, ne met les moyens pour favoriser un
journalisme d’investigation. Il existe encore quelques journalistes qui font
honneur à ce métier, comme il existe de très rares « patrons » qui tentent de
produire, avec les moyens du bord, des journaux potables, plus ou moins
intéressants, même si les pressions du bloc gouvernant pèsent lourd dans un
environnement délétère. Le jeu intéressé de la publicité, encore aux mains du
gouvernement, complique plus les choses et rend davantage médiocre le
territoire médiatique. En attendant, les « patrons » sont encore en quête de
publicité, ils sont prêts à tout pour l’avoir. Et ça se voit au quotidien.
Cette question est fondamentale. Le ministère de la communication devrait se
suffire uniquement d’une fonction strictement technique et administrative. Pour
le reste, s’il y a diffamation, c’est à la justice de faire son travail et
c’est au journal et au journaliste de se défendre après vérification des
informations publiées par le journal.
La question de l’éthique et des jeux déontologiques pose sérieusement
problème dans des journaux algériens qui, souvent, évacuent l’information et
les genres porteurs du métier comme l’enquête et le reportage pour s’installer
dans une posture extrêmement confortable de « commentateur » dépourvu des
données réelles sous-tendant le discours commentatif. Le commentaire, trop
usité, manque souvent tragiquement de faits, comme si le rédacteur faisait une
sorte de gymnastique solitaire, évacuant toute instance informative »