COMMUNICATION- PRESSE
ECRITE- EL WATAN/LETTRE AUX LECTEURS L 26/7/2021
A nos fidèles lecteurs : Ni
aumône ni faveur, mais du respect !
© El Watan/A.M, mardi 27/7/2021
Ce n’est un secret pour personne : le journal El Watan
est au bord de l’asphyxie. La dernière assemblée générale des actionnaires,
tenue il y a à peine une quinzaine de jours, a confirmé la situation financière
intenable dans laquelle il se trouve avec, à l’appui, un bilan négatif pour la
deuxième année consécutive, et un rapport de gestion des comptes qui met tous
les clignotants au rouge.Si
ce bulletin de santé déclinant est donc connu du grand public, la raison
essentielle qui le sous-tend n’échappe, elle aussi, à personne. La cause
principale de cet étranglement programmé du journal, une mise à mort en bonne
et due forme, relève directement de la décision gouvernementale de le priver
unilatéralement de la recette publicitaire si vitale à ses équilibres financiers
et, par conséquent, à sa survie en tant qu’organe national d’information de
service public ayant conquis, par son sérieux et sa crédibilité, une place
respectable dans le paysage médiatique algérien.Journal
indépendant dédiant sa ligne éditoriale à la recherche constante de la vérité
et à la défense sans concessions des idéaux de justice, des libertés et des
valeurs fondamentales consacrées par la Constitution, il paye aujourd’hui
chèrement ses positions de principe qui dérangent. L’esprit critique d’El Watan et sa propension à ne céder à aucune forme
d’instrumentalisation ou de chantage sont devenus intolérables, voire
insupportables tandis que se mettent en place les mécanismes dits de
«normalisation» de la société dans le cadre de la Nouvelle Algérie.Ne
demandant ni aumône ni une quelconque faveur, mais simplement du respect pour
poursuivre sa mission, le journal tient à préciser à l’intention de ses fidèles
lecteurs, qu’il remercie vivement au passage pour leur précieux soutien,
qu’aucune entreprise de presse au monde, quelles que soient sa dimension et sa
notoriété, ne peut assurer l’équilibre de sa gestion financière sans l’apport
de la publicité. C’est une équation économique très simple à comprendre dans le
cas d’El Watan. La vente du journal arrive à peine à
couvrir le tiers de la masse salariale assurant les budgets de près de 150
familles, et de toutes les charges de fonctionnement, notamment fiscales qui
ont toujours été honorées au dernier centime.
Pour maintenir la tête hors de l’eau, notre entreprise
a dû, la mort dans l’âme, se séparer de précieux collaborateurs extérieurs,
tout en évitant de faire des «coupes» douloureuses
dans le potentiel permanent, préférant pour parer au plus pressé mettre en
vente ses biens immobiliers (bureaux régionaux) dans le but d’honorer ses
engagements concernant le versement des salaires.
C’est une attitude de funambule qui a ses limites et
qui confirme qu’en misant sur le cordon de la bourse, le gouvernement savait
qu’à court ou moyen termes les craquements dans la trésorerie finiront bien par
se manifester. Face au dispositif politique et administratif de l’Etat, la
résilience d’El Watan prenait forcément l’allure du
combat par trop inégal mené par le pot de terre contre le pot de fer.Plus prosaïquement, le
blackout exercé depuis des années sur le journal en matière de publicité
étatique a été une politique de répression conçue et étudiée pour épurer le
champ médiatique de toute velléité de recalcitrance.
Pour un journal revendiquant simplement un droit d’exercer librement le métier
de journaliste, et exigeant comme le stipulent les textes de loi que le marché
de la publicité soit une transaction commerciale transparente et ouverte à la
concurrence, l’adversité politico-économique à laquelle il est confronté prend
aujourd’hui des proportions énormes.Si on ajoute la
colère syndicale intérieure sur les inquiétudes salariales qui ajoute une
tension supplémentaire au défi insensé de résurrection lancé à l’entreprise, et
les terribles conséquences de la pandémie de Covid-19 qui ont fait des ravages
dans la distribution du journal, affectant directement ses ventes, d’aucuns se
demanderaient quelle serait la solution alors pour se ressaisir tout en restant
fidèle à ses convictions éthiques et professionnelles ? Tout en continuant à
croire au discours officiel sur la liberté de la presse, malgré les paradoxes
flagrants constatés sur le terrain, tout en estimant par ailleurs que cette
liberté est parfaitement inscrite dans la Constitution et qu’il suffit d’avoir
le courage politique de l’appliquer, la direction rassure ses fidèles lecteurs
qu’elle reste mobilisée pour éviter coûte que coûte la disparition de leur
quotidien. Dans cette optique, elle tient à informer qu’un plan de sauvetage
est à l’étude pour redresser un tant soit peu la situation financière, lequel
plan d’urgence fera nécessairement appel à la solidarité active des lecteurs
soucieux de la survie de leur journal.
El Watan ne doit pas mourir,
tel est le mot d’ordre pour contrer la féroce volonté du Pouvoir de le réduire
à néant. Journal d’information et d’opinion, El Watan
a un rôle prépondérant à jouer dans la construction d’une presse libre vitale
pour la démocratie, et c’est en toute légitimité qu’il continue le combat pour
l’indépendance médiatique en respectant les principes énoncés par la plus haute
instance du pays, à savoir «oui à une liberté totale
d’expression à condition qu’elle ne verse pas dans l’outrage, l’insulte et la
diffamation». S’inscrivant dans la logique du pluralisme médiatique garanti par
la Constitution, El Watan n’a jamais dérogé aux
principes fondateurs et fondamentaux de cette règle régissant la liberté
d’expression. La déontologie étant un sacerdoce pour le journal, pourquoi donc
cette pression politique sur un organe qui a toujours fait honneur à un secteur
pourtant en nette régression depuis quelques années ?