COMMUNICATION- ETRANGER- JEUNE AFRIQUE/ALGERIE 2021, MAROC
© www.dia-algerie.com, V16 juillet 2021
Le magazine Jeune Afrique poursuit sa campagne contre
l’Algérie en donnant la parole à des personnalités françaises hostiles à
l’Algérie. Le dernier en date, est l’interview accordée
à Laurence Rossignol, vice-présidente du Sénat. Cette dernière qui
s’est lancée depuis quelques mois dans une position politique hostile à
l’Algérie multiplie les sorties médiatiques pour critiquer le pouvoir en
Algérie.
Mais le magazine Jeune Afrique ne le fait pas gratuitement, car il est payé
gracieusement par les services de sa majesté le Roi du Maroc. Voici un dossier
publié par le site marocain anti-makhzen Marocleaks sur
le lobbying effectué par le Maroc auprès du magazine français Jeune Afrique
fondé par le franco-tunisien Béchir Ben Yahmed.
La politique commerciale et éditoriale se poursuit par les deux
fils Merwan à la rédaction et Amir à
la direction générale après le décès du patriarche Bachir Ben Yahmed du Covid 19.
Selon
une facture obtenue par MarocLeaks, le Makhzen a
payé, pour la période 2010-2011, le montant de 700.000 euros au magazine Jeune
Afrique.
Selon les données figurant sur l’échéancier de paiement que le Journal
électronique marocain s’est procuré, le Maroc s’est engagé à verser 994.000
euros à DIFCOM, agence de communication et régie publicitaire appartenant au
groupe Jeune Afrique. Cet échéancier d’encaissement stipule que le Maroc doit
s’acquitter de ce montant en trois tranches ou versements, étalés sur un an.
Toutefois, les modes de règlement n’ont pas été précisés…
Qu’a obtenu le régime marocain en contrepartie de ces 994.000 euros
? DIFCOM s’est-elle engagée à assurer la publication d’une série
d’articles positifs sur le Maroc ? La constellation Jeune Afrique mettait-elle
à la disposition du royaume son réseau « France-Afrique » ? Pourquoi payer
autant d’argent à ce groupe pour qu’il soigne l’image du Roi du Maroc ? Les
échéanciers de DIFCOM attestent qu’en 2002 et 2003, les présidents de pays
comme la Mauritanie, le Gabon, le Cameroun, la Guinée équatoriale, le Togo, ou
le Rwanda ont assuré au groupe Jeune Afrique une manne de plusieurs millions
d’euros. Pourquoi le Maroc recourrait-il à ce qui semble bien être des
stratagèmes de républiques bananière pour soigner son image ? A noter que
l’Algérie passe aussi à la caisse pour un montant quasi égal à celui versé par
le Maroc (950.000 euros).
Logé dans les meilleurs palaces, François Soudan dispose, pendant tout son
séjour au Maroc, d’une voiture et d’un chauffeur 24h/24. Ce traitement VIP dont
bénéficie le directeur de la rédaction de JAI au royaume fait vraisemblablement
partie de ce fameux « contrat de communication ». En tout cas, François Soudan
multiplie les « missions spéciales » au Maroc. Il est reçu et briefé par tous
les hommes forts du pouvoir comme Fouad Ali El Himma, Hamidou
Laânigri, Meziane Belfkih
et André Azoulay. Au Maroc et ailleurs, les accusations pointent constamment du
doigt le groupe Jeune Afrique. Un article du Canard Enchaîné, daté du 8 juin
1994 considère J.A.I. comme le « spécialiste des dossiers de pub politique ».
Et enchaîne, à propos d’une commande encensant l’ex-dictateur du Togo : « A
croire que cirer les pompes du général Eyadema, un peu massacreur sur les
bords, ne gêne en rien les dirigeants de Jeune Afrique.
Des récidivistes, d’ailleurs ». Pour développer et rentabiliser ses «
marchés » sur le continent noir, Béchir Ben Yahmed profitait
de son amitié avec un certain Jacques Foccart, le monsieur Afrique de la
France.
Les sommes versées par le Maroc pour s’adjuger les faveurs éditoriales de
JAI est une pratique qui ne date pas seulement du nouveau règne. Hassan II
a souvent eu du mal à gérer BBY.
Une vieille histoire
Tantôt, il profite de ses écrits panégyriques, tantôt, il subit ses foudres
« éditoriales ». Cela dépend-il de la générosité du palais royal ? Il y eut des
hauts et des bas. Irrité par la méchanceté de BBY qui n’hésite pas à l’attaquer
personnellement dans ses éditos, Hassan II décide d’interdire la diffusion de
Jeune Afrique au Maroc pendant toute une décennie, entre 1965 et 1975. Mais,
pendant toute cette période, Ben Yahmed profite du
soutien inconditionnel de l’Algérie de Houari Boumediene. « Béchir a eu tout ce
qu’il voulait d’Alger. Jeune Afrique était ouvertement pro-algérien et
catégoriquement anti-marocain », explique un ancien journaliste rescapé de la
boîte, qui coule sa retraite à Paris. « L’anti-marocanisme
» de Jeune Afrique est alors essentiellement décliné par des enquêtes accusant
l’implication des barbouzes du roi dans l’enlèvement de Medhi Ben Barka, et des
articles soutenant les deux putschs avortés contre Hassan II, en 1971 et 1972.
Des papiers qui portent la signature de Younes Berri, qui n’est autre que
l’ancien opposant socialiste exilé à Paris, Hamid Barrada.
Toutefois, grâce aux bons offices de Houphouët Boigny, ancien président de
la Côte d’Ivoire, et un lobby pro-marocain mené par Serge Guetta, un
financier parisien, ami de Ben Yahmed et André
Azoulay, alors directeur commercial du groupe français Scoa,
les relations entre Rabat et Jeune Afrique reprennent de plus belle. Profitant
d’un incident avec l’Algérie, Ben Yahmed ferme, sans
hésiter, son bureau à Alger en février 1975, tourne le dos à Houari Boumediene
et entame une nouvelle page avec le Maroc.
Désormais, BBY compte sur ses appuis dans l’entourage du Roi «
C’était Mohamed Cherkaoui, alors ambassadeur du roi dans l’Hexagone et son
beau-frère qui était l’émissaire de Hassan II auprès de Jeune Afrique », nous
révèle cet ancien collaborateur de Jeune Afrique. A quelques mois de la Marche
verte, Jeune Afrique lâche Alger et épouse, corps et âme, la thèse de Hassan
II, conseillé par Ahmed Réda Guédira. L’hebdo va
d’ailleurs jouer un grand rôle dans la médiatisation de sa version du dossier
Sahara auprès d’une grande partie de l’Afrique francophone. A la manière d’un
attaché de presse… Boumediene fulmine, il se sent trahi. Lui qui comptait
beaucoup sur Ben Yahmed et son canard dans sa
campagne de propagande en faveur de la RASD. Au sein même de la rédaction de la
rue d’Auteuil, trois journalistes défendent, depuis quelques années déjà, la
cause marocaine. Il s’agit de l’Algérien Hamza Kaidi,
du Tunisien Abdelaziz Dahmani et du Marocain Mohamed Selhami. Ce trio dispose d’un bon carnet d’adresses au
royaume. Leurs rapports avec les décideurs marocains sont plus qu’excellents.
Ce qui arrange inévitablement les affaires de Ben Yahmed.
Ce dernier accueille, les bras ouverts le général Ahmed Dlimi,
un de ses contacts marocains les plus privilégiés, à chacun de ses passages à
Paris. « Avec Dlimi, Ben Yahmed
finissait toujours par avoir ce qu’il voulait du Maroc », nous explique-t-on.
La lune de miel entre Rabat et Jeune Afrique ne va pas pour autant être
affectée par la mort subite de l’ex-patron du CAB1. Et puis, en pleine guerre
du Sahara, Hassan II a toujours besoin des « précieux services » du magazine
des « présidents africains ». Driss Basri, ministre
de l’Intérieur et de l’Information, l’a d’ailleurs très bien compris. Il répond
favorablement à toutes les sollicitations et les démarches de François Soudan,
désormais le journaliste attitré et l’émissaire officiel de Ben Yahmed au Maroc.
Opération séduction à 1 million
« Pendant plusieurs années, nous avons financièrement soutenu Jeune
Afrique. Et l’on n’a pas lésiné sur les moyens pour satisfaire leurs doléances
qui étaient récurrentes », reconnaît D.Basri.
Ce dernier confie ainsi à Othmane Bouabid, son chef
de Cabinet, la gestion du « dossier Jeune Afrique ». Le soutien financier
auquel fait allusion l’ancien ministre de l’Intérieur se répartit globalement
en éditions spéciales et autre manne publicitaire des annonceurs
institutionnels publics marocains, voire même privés. Après son retrait
spectaculaire de l’OUA, en 1984, Hassan II ne peut pas se permettre pour autant
le luxe de la politique de la chaise vide. Il a compris que la bataille du
Sahara se joue aussi dans les médias. C’est ainsi qu’à l’occasion de
l’assemblée générale des Nations Unies à New York, en 1985, le Maroc commande à
Jeune Afrique une édition spéciale de cent mille exemplaires
consacrée au dossier du Sahara, en trois langues. Mais en raison d’un problème
technique, la photo de Hassan II en couverture de cette édition a été déformée.
Les Marocains ont demandé et obtenu son ramassage. Trois semaines plus tard,
Béchir Ben Yahmed exige et finit tout de même par
être payé malgré son édition ratée. L’opération aurait coûté la bagatelle de 1 million
de francs français.