CULTURE
-PERSONNALITES – RACIM MOHAMMED (PEINTURE)
© Kamel
Bouslama/El Moudjahid, juin 2021
Natif
de La Casbah d'Alger en 1896, dans une famille d'artistes qui lui a légué une
tradition d'art et le nom d’«Er Racim» qui, en arabe,
signifie peintre, Mohamed Racim est l'un des artistes algériens majeurs du XXe
siècle.
Si
ses enluminures et ses miniatures sont des œuvres d’art, elles sont aussi
l’expression d’une société, le témoignage d’une civilisation. Influencé par la
miniature persane et les décors de livres de l'Espagne musulmane, il va créer
de toutes pièces la néo-miniature algérienne et connaître une carrière
brillante, illustrant notamment Nasr Eddine Etienne Dinet
et composant des scènes tirées de l'histoire de l'Algérie, des fêtes
traditionnelles, de la vie quotidienne, tout cela dans le cadre familier de la
Casbah et tracera la voie à tous les jeunes qui aujourd'hui forment une
nouvelle et dynamique Ecole de Miniaturistes.
Au lendemain de l’indépendance de l’Algérie (en1962), Mohammed Racim continue à
œuvrer pour l’épanouissement de la miniature, à encourager ses disciples et à
dispenser de précieux conseils. Il est, dès lors, conseiller du ministre de la
Culture dans ce domaine. En 1975, sa fin tragique, à l’âge de 79 ans, a
profondément touché le monde de la culture dans notre pays et outre frontières.
L’œuvre
de Racim : ce qu’en pensent ses contemporains de langue française
«Un artiste que hantait son
rêve ancestral aura sans trop y penser, rouvert les portes du palais
merveilleux, fait refleurir le jardin et jaillir les jets d’eau au-dessus des
vasques de marbre». (Georges Marçais - «Mohammed
Racim, miniaturiste algérien», in «Gazette des Beaux-Arts» 1939)
«Il emploie plus volontiers les valeurs que les ombres. Jamais il n’admet le
clair-obscur. Avant tout, il reste décorateur. Même s’il fait un portrait,
comme celui de M. le Gouverneur Général Le Beau, il lui conserve volontairement
un aspect d’icône. Mais la plupart du temps, il évite le naturalisme et la
copie servile du modèle de ce genre d’imitation qui a tant nui à son maître Dinet et qui communique à ses ouvrages tant de sécheresse.
Par bonheur pour lui, il se trouvait obligé de peindre beaucoup par cœur, et de
se servir surtout de son imagination. Il fuit le relief et le trompe-l’œil. Il
exécute le détail matériel avec une patiente minutie, mais les figures, Dieu
merci, sont à demi-inventées et faites de sentiment. Elles n’ont jamais la
vulgarité de ce qui sent de trop près la chair. Elles gardent un aspect de
fleurs. Tout cela est peint avec une préciosité exquise, sur une feuille pour
être vue de près et longuement regardée à la main, comme la page d’un livre». (Louis Gillet - Préface de l’exposition de Mohammed
Racim à Paris en 1937)
«Depuis que je connais les miniatures de Racim, je regrette moins la perte des
célèbres manuscrits enluminés qui constituaient le Trésor d’Al Mostancer Billah, le souverain
fatimide. Jamais, avec plus de finesse, de souplesse, de grâce, jamais aussi
avec une plus intarissable fantaisie ne s’est exercée l’habileté d’un
miniaturiste arabe dans les mille combinaisons du décor géométrique. Jamais,
non plus, la palette d’un artiste n’a enrichi d’une plus éclatante harmonie une
page du Koran. On demeure presque confondu de
surprise devant certaines compositions marines, d’une poésie, d’une puissance, d’une précision inimitables, et dans lesquelles le génie
pictural et décoratif de Racim s’est donné libre cours ». (Franz Toussaint).
Les
pages les plus précieuses de Mohammed Racim
sont des poèmes à la gloire de son pays
«Quelle vie de probité est celle
de Mohammed Racim ! Ne doit-on pas lui rendre hommage, le citer en exemple à
tant d’artistes qui, de nos jours, se contentent de l’ à-peu-près,
se laissent gagner par la facilité ? Dans les compositions ravissantes de ce
virtuose du trait, aucune imperfection dans le détail, tout est minutieusement
construit, calligraphié, dessiné, façonné. Jamais une note discordante, une
couleur sans rapports harmonieux ne viennent distraire l’œil, rompre le charme.
Ces véritables joyaux, exquisément coloriés, sont une véritable fête pour les
yeux, un éblouissement !» (Georges Martin). «Ainsi,
les pages les plus précieuses de Mohammed Racim sont des poèmes à la gloire de
son pays. Il en aime le passé poétique et la vie traditionnelle. Il voudrait
enrichir son présent de beauté et en effet il l’enrichit, par se œuvres et par
son exemple. On peut saluer les symptômes d’une véritable renaissance de la
miniature musulmane dont il est le promoteur».
(Georges Marçais)
«En réalité, à les regarder sans parti-pris, ses œuvres relèvent d’une culture
algérienne, d’un milieu algérois, et d’un héritage arabo-musulman ; leur
technique, tout autant que leurs thèmes et leurs styles, ne doivent presque
rien à un contact occidental sinon une plus grande insistance vériste et
didactique de l’image». (Godibert)
Une pléiade de jeunes peintres s’adonnent alors à l’enluminure et à la
miniature, conquis par son exemple et son enseignement. Ainsi cet art connait
grâce à Racim une véritable Renaissance et prend alors un essor surprenant-D’après «Mohammed
Racim, miniaturiste algérien», introduction et choix de commentaires de Sid
Ahmed Baghli ; Entreprise nationale du livre, Alger
1984, 100 pages.