FINANCES- ETUDES ET ANALYSES- TRANSPARENCE FISCALE EN
AFRIQUE 2021/RAPPORT IA, UA, ATAF
© Synthèse Nouri Nesrouche
/El Watan, samedi 29/5/2021
L e
rapport sur «la transparence fiscale en Afrique 2021»,
publié le 26 mai en cours par l’Initiative Afrique (IA) du Forum mondial sur la
transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales, l’Union africaine
et le Forum sur l’administration fiscale en Afrique (ATAF), déborde
d’enthousiasme.
Le document adressé en avant-première à la
presse mondiale se satisfait des progrès enregistrés par les 32 pays membres de
l’initiative. Le rapport contient des informations précieuses sur les progrès
accomplis par le continent dans l’utilisation de l’échange d’informations pour
lutter contre l’évasion fiscale et les flux financiers illicites. «Il fournit aux décideurs et aux citoyens des statistiques
comparables sur la transparence fiscale et l’échange d’informations comme l’une
des réponses des pays africains à la question des flux financiers illicites, et
un moyen d’accroître la mobilisation des recettes intérieures à travers le
continent», soutiennent ses rédacteurs.
L’ampleur des flux financiers illicites en
Afrique est dommageable pour les populations du continent, malades déjà de leur
sous-développement. Ces flux oscillent entre 50 et 80 milliards de dollars par
an, selon ce dernier rapport qui nous enseigne que le niveau des flux illicites
est élevé, lorsque la transparence est faible.
Dans les pays membres de l’initiative
africaine, le rapport relève que ces flux diminuent progressivement. En tout
cas, le recours aux mécanismes d’échange d’informations fiscales (EOI) et la
standardisation des systèmes fiscaux ont le vent en poupe.
D’ailleurs, en 2020, les pays membres ont
envoyé plus de demandes qu’ils n’en ont reçues, soit une augmentation de 21%. «Pour la première fois, les pays africains ont inversé la
tendance en 2020 et sont devenus des expéditeurs nets des demandes d’EOI»,
lit-on dans le rapport.
Il faut savoir que ces mécanismes ont
permis aux pays africains membres de l’initiative d’identifier, depuis 2009,
plus de 1,2 milliard d’euros de revenus supplémentaires (impôts, intérêts et
pénalités), grâce à des enquêtes fiscales offshore. Nos voisins tunisiens
semblent satisfaits de ces mécanismes.
Selon Sami Zoubeidi,
directeur général de la fiscalité, le soutien a donné à la Tunisie «l’opportunité de s’aligner sur les normes et pratiques
fiscales internationales, pour garantir un haut niveau de transparence fiscale
et pour construire une culture d’échange d’informations dans notre
administration fiscale. Cela s’est traduit en revenus supplémentaires en
Tunisie, comme c’est le cas dans certains autres pays africains».
Mieux. En 2020, l’Ouganda a identifié 43,2
millions de dollars (34,7 millions d’euros) en ayant envoyé 33 demandes, soit
une moyenne de 1,3 million de dollars (1,1 million d’euros) par demande
envoyée. L’intérêt pour l’échange d’informations fiscales augmente en Afrique.
Selon le même document, le Nigeria a entrepris ses premiers échanges en 2020,
rejoignant le Ghana, les îles Maurice, les Seychelles et l’Afrique du Sud,
tandis que le Maroc et le Kenya se sont engagés à entamer les premiers échanges
en 2022.
Quid de l’Algérie ?
A l’image des pays africains, l’Algérie,
dont l’économie est mise à mal par les conséquences de la pandémie due au coronavirus,
aggravant un amenuisement endémique de la trésorerie, a besoin de s’engager
davantage dans la mobilisation des recettes fiscales. Des recettes dont le
niveau constitue un problème macroéconomique de taille depuis le choc pétrolier
de 2014, installé dans la durée, et la multiplication par deux du déficit
budgétaire viable.
L’économie informelle estimée à 30% du PIB
et la résistance à l’impôt, connue en Algérie sous forme d’évasion et de fraude
fiscales, font perdre des ressources publiques précieuses. La fuite des
capitaux vers l’étranger est l’autre fléau qui détruit l’économie nationale,
aggravé par l’instabilité politique et la politique décourageante envers les
investisseurs.
Le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, s’était engagé au début de son mandat à rapatrier
l’argent volé aux Algériens et placé à l’étranger. Mais à ce jour, aucune
mesure n’a été prise. L’Algérie n’a toujours pas rejoint l’Initiative africaine
ni la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle
en matière fiscale, chapeautée par l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) à travers le Forum mondial sur la transparence fiscale.
Des instruments multilatéraux ayant
pourtant prouvé leur efficacité pour combattre l’évasion et la fraude fiscales.
La reprise en main de la question des recettes est incontournable. C’est
d’autant plus nécessaire que la situation sans précédent engendrée par la
pandémie Covid-19 a poussé le gouvernement à accorder d’énormes avantages
fiscaux, creusant davantage le Trésor public.
Des pertes que les gouvernements vont
vouloir récupérer post-Covid afin de financer leur
économie, ce qui nécessite pour les pays du continent de s’engager davantage
dans la mobilisation des ressources fiscales, insistent les rédacteurs de cette
troisième édition du rapport Initiative Afrique.