ECONOMIE- OPINIONS ET POINTS
DE VUE- MODELE SOCIAL ALGERIEN 2020- ETUDE SAIB MUSETTE
© Meziane Rabhi/Liberté, mercredi 19 mai 2021
L’Algérie est devenue le leader du social en Afrique en 2020, relève
Mohamed Saïb Musette, sociologue, directeur de
recherche au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), dans une note sur le principe LNOB (Leave no one behind : ne laissez
personne pour compte), critère de base dans la réalisation des objectifs de
développement durable (ODD), de l’agenda 2030 des Nations unies. Mohamed Saïb Musette rappelle que le rapport sur les ODD en Afrique,
publié en septembre 2020, indique que la Tunisie accède au premier rang des
pays africains, estimés sur la base de 70 indicateurs, avec un score de
67,10.
L’Algérie est reléguée en 4e position avec un score de 65,9 points. L’île
Maurice occupe la 2e position (66,79) et le Maroc arrive à la 3e place avec un
score de 66,3 points.
Cependant, souligne-t-il, sur le plan du social, l’Algérie est classée en
première position en Afrique avec un score de 76,74 points, estimé sur la base
de quatre thématiques liées aux inégalités sociales dans le pays : accès aux
services de qualité, extrême pauvreté et privation matérielle, inégalité selon
le genre et inégalité des revenus. Ces thématiques sont mesurées à partir de 32
indicateurs pour le continent africain. L’île Maurice pointe en deuxième position
avec un score de 74,74 points, La Tunisie occupe la 3e place (73,51) et le
Maroc le 4e rang avec 71,11 points. L’Algérie peut-elle maintenir cette
position de leader ? Pour le chercheur Mohamed Saïb
Musette, “le coût de ce leadership serait intenable à moyen terme”. Les débats
provoqués autour des subventions de l’État, indique-t-il, datent depuis
quelques années. “La nécessité de cibler l’aide matérielle et financière aux
catégories sociales les plus vulnérables reste l’un des défis les plus
importants pour les autorités”, souligne Mohamed Saïb
Musette. “Ce classement en 2020, en pleine pandémie de Covid-19, a pourtant
laissé des segments entiers de la population dans le dénuement. Les couches
moyennes souffrent potentiellement d´un déclassement. La pauvreté risque de
refaire surface, si ce n’est déjà fait, car notre indicateur de pauvreté date
de plus de 10 ans”, relève le sociologue. Ce dernier estime que “l’inclusion
sociétale reste à parfaire”. Mohamed Saïb Musette
indique, en outre, que “le positionnement de l’Algérie en qualité de leader
africain sur ces indicateurs des LNBO est établi en comparaison avec les autres
pays du continent”. Ce classement, précise-t-il, “ne permet en aucune façon
d’adopter des politiques en direction des groupes vulnérables ou plus
précisément des catégories de personnes qui subissent l’exclusion
sociale”.
Pour le chercheur, “nul besoin de faire un état des lieux du social pour
affirmer qu’il reste encore beaucoup à faire pour une inclusion sociétale
totale des catégories sociales les plus vulnérables connues, à savoir les
enfants abandonnés, les jeunes délinquants ou en danger moral, les jeunes
chômeurs, les mères célibataires, les séniors délaissés par leur famille, les
personnes à mobilité réduite ou encore les migrants en situation irrégulière,
les demandeurs d’asile, les réfugiés...”.
Le classement de l’Algérie en qualité de leader du social relève aussi des
acquis relevant de l’ère du socialisme avec des subventions qui commencent à
peser lourdement sur le budget de l’État. “La période de l’État providence est
mise à rude épreuve pour la soutenabilité de dépenses sociales à moyen terme.
Le principe de ciblage des couches défavorisées n’est plus à discuter en vue de
réduire les subventions qui sont accordées actuellement aux riches comme aux
populations démunies”, fait remarquer Mohamed Saïb
Musette.